Le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP), installé puis « recomposé » en août 2002 par le gouvernement (1), n'arrive toujours pas à fonctionner dans la sérénité. Après le départ en décembre de son président, le professeur Roger Henrion (2), son président suppléant, le docteur Pierre Lévy-Soussan, a annoncé sa démission avec fracas. Dans un courrier du 19 janvier adressé au ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, il dénonce de « sérieux dysfonctionnements de l'institution » et des « conséquences graves » pour « les constructions filiatives adoptives et les libertés individuelles ».
Le docteur Lévy-Soussan reproche au CNAOP de faire une application « uniquement compassionnelle ou purement administrative » de la loi, au détriment d'une lecture qu'il souhaiterait plus clinique. « Le danger de la loi était de sur-valoriser la filiation biologique. Elle se voulait protectrice, elle est devenue persécutante pour les femmes », précise le démissionnaire. « Recrudescence des accouchements prématurés, non préparés, non accompagnés », « dépôts de bébés au seuil des maternités », « effondrement de la file active des femmes formulant un projet d'abandon », « harcèlement des mères »... Les accusations présentées par le pédopsychiatre comme autant de conséquences de l'application de la loi sont graves.
Le ministère délégué à la famille, qui indique n'avoir aucun commentaire à formuler sur cette affaire, estime néanmoins que « le docteur Lévy-Soussan est très favorable au maintien absolu du secret » et que le fonctionnement du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles n'est en rien remis en cause.
« La loi du 22 janvier 2002 réglemente la communication de l'identité des parents de naissance qui ont demandé le secret aux personnes auxquelles ce secret était antérieurement opposé. Il ne s'agit pas d'un acte de thérapie, mais bien de respecter deux droits en présence », objecte pour sa part Marie-Christine Le Boursicot, secrétaire générale de l'institution. Elle réfute également les faits dénoncés par le docteur Lévy-Soussan : « Le retour des premières grilles statistiques envoyées en octobre 2003 aux départements pour connaître le nombre des accouchements avec demande de secret, des enfants recueillis à la naissance, des plis fermés ou des déclarations d'identité faites par les mères de naissance pour les années 2001,2002 et 2003, révèle une certaine stabilité avec quelques variations locales », explique la secrétaire générale, ajoutant que ces résultats chiffrés devraient bientôt être publiés par le CNAOP. Quant aux mères contactées dans le cadre d'une demande de communication d'identité, Marie-Christine Le Boursicot affirme que « leur dignité ainsi que leur volonté sont respectées ».
Difficile, on le voit, de trouver un consensus sur le sujet. Le rapport d'activité 2003 du CNAOP, qui n'a toujours pas été voté, permettra-t-il enfin un éclairage objectif sur le sujet ? En attendant, les associations défendant l'accès aux origines s'estiment toujours mal servies par cette institution, à qui elles reprochent de trop représenter les intérêts des familles adoptantes. Par voie d'internet (3), les X-en-colère ! viennent de lancer un sondage auprès des usagers de l'institution, dont ils devraient rendre compte au mois de mai.
M. LB.
(1) Voir ASH n° 2274 du 30-08-02.
(2) Nommé le 16 septembre 2003 président du Comité national technique d'échographie de dépistage anténatal et remplacé par le professeur Michel Arthuis.
(3)