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HANDICAP : LE PROJET DE RÉFORME

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Le projet de loi pour « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » met en avant le droit à compensation des conséquences du handicap, souhaite placer la personne handicapée au cœur du dispositif et lui permettre une meilleure participation à la vie sociale. Avec une ambition : une entrée en vigueur de la loi et de ses textes d'application au 1er janvier 2005.

Projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées - Mesures pour la vie quotidienne et programme de création de places

Promu en 2002 au rang de priorité du président de la République, lors de son traditionnel discours du 14 juillet, le handicap est aujourd'hui au cœur d'un projet de loi présenté par la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Marie-Thérèse Boisseau, au conseil des ministres du 28 janvier. Intitulé « projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », comme le souhaitait le Conseil national consultatif des personnes handicapées  (CNCPH) qui a donné son avis sur l'avant-projet (1), ce texte intervient près de 30 ans après la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975.

Petit retour sur ces trois dernières décennies (2). En 1975, la loi crée une obligation nationale de solidarité à l'égard des personnes handicapées tout en souhaitant former un ensemble cohérent de droits, de services, de prestations, de procédures et d'institutions couvrant les principaux aspects de leur vie. Par la suite, cette impulsion initiale est relayée par différentes lois relatives à l'emploi (loi du 10 juillet 1987), à l'éducation (loi du 10 juillet 1989) et à l'accessibilité de différents lieux (loi du 13 juillet 1991).

Plus récemment, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a étendu encore les domaines dans lesquels doit s'exercer l'obligation nationale de solidarité et posé le principe d'un droit à compensation des conséquences du handicap, sans toutefois y attacher aucune conséquence juridique (3). Elle a également accordé une assise législative, au sein du code de l'action sociale et des familles, au Conseil national consultatif des personnes handicapées en même temps qu'elle instaurait des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées. Puis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (4) a elle-même réaffirmé que « toute personne handicapée a droit, quelle que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale », tout en élargissant les missions du CNCPH.

Aujourd'hui, alors que, selon les données gouvernementales, 760 000 personnes bénéficient de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), 120 000 de l'allocation d'éducation spéciale (AES), 90 000 personnes handicapées reçoivent des financements pour faire appel à l'aide d'une tierce personne et 160 000 perçoivent une aide au logement, « des insuffisances, voire des manques graves, subsistent pour tous les types de handicaps, qu'ils soient psychique, mental, sensoriel ou moteur, sans oublier les polyhandicapés qui, compte tenu de la gravité de leurs déficiences, ne trouvent pas, le plus souvent, l'accueil et l'accompagnement nécessaires », explique l'exposé des motifs du projet de loi. Il est vrai, en outre, que les techniques et les mentalités ont évolué. Ainsi, face à l'augmentation de l'espérance de vie des personnes handicapées, des parents inquiets se posent la question du devenir de leurs enfants handicapés vieillissants après leur propre disparition.

C'est pour répondre à ces changements et dysfonctionnements que le projet de loi retient trois axes. Le gouvernement souhaite d'abord garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu d'existence favorisant une vie autonome digne. Au-delà, il veut permettre une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale par l'organisation de la cité autour d'un principe d'accessibilité généralisé tant à l'école, à un emploi, aux transports, au cadre bâti qu'à la culture et aux loisirs. Enfin, le dernier volet du texte cherche à placer la personne handicapée au centre des dispositifs qui la concernent par l'instauration de maisons du handicap au sein desquelles une équipe pluridisciplinaire serait chargée d'évaluer ses besoins.

 Le gouvernement a pour ambition d'élaborer des décrets d'application en parallèle à la discussion du texte devant le Parlement, pour une entrée en vigueur du dispositif dès le 1er janvier 2005.

L'avant-projet avait suscité auprès des différents organes consultés des réactions mitigées, voire défavorables (5). Certaines de ces remarques ont été prises en compte par le gouvernement dans le texte lui-même ou devraient l'être par amendement lors des débats au Parlement, selon les promesses de Marie-Thérèse Boisseau.

Sans attendre l'application de la loi, tous les ministères sont invités à mettre en œuvre des mesures concrètes pour améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées (voir encadré). Et des programmes spécifiques sont arrêtés en faveur des personnes traumatisées crâniennes, autistes, polyhandicapées, handicapées psychiques et très lourdement handicapées (voir encadré).

Côté financement, les droits nouveaux inscrits dans ce projet de loi devraient être pris en charge par une partie des ressources mobilisées grâce à la suppression d'un jour férié prévue par le projet de loi pour l'autonomie des personnes dépendantes (6). Ces moyens financiers supplémentaires seront affectés à la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui en garantira l'utilisation exclusive au bénéfice des personnes handicapées et des personnes âgées. Rappelons que, dans le cadre du plan dépendance, 850 millions d'euros supplémentaires par an ont été promis pour financer la compensation du handicap à compter du 1er janvier 2005.

Par ailleurs, une mission menée par Raoul Briet, conseiller maître à la Cour des comptes, et Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, en concertation avec les élus départementaux, les organismes de protection sociale, les partenaires sociaux et les associations, devrait formuler des propositions, en mai prochain, notamment sur l'articulation des compétences entre l'Etat et les départements la mieux adaptée au regard des missions dévolues à la caisse. C'est pour cette raison que le projet de loi ne contient, au plan institutionnel, aucune disposition susceptible de préempter les décisions qui seront prises à l'issue de ce travail d'expertise, explique l'exposé des motifs. Les mesures qui en découleraient quant à la répartition des compétences seront présentées au Parlement dans le courant de l'année 2004, poursuit-il, notamment par voie d'amendements au texte pendant les débats.

Enfin, en vue d'assurer la disponibilité des informations statistiques liées à l'activité des maisons du handicap et aux prestations versées à la suite des décisions prises par la commission des droits et de l'autonomie, le gouvernement introduit un mécanisme de suivi statistique. Dans un souci d'effectivité du dispositif, une évaluation de la loi, tous les 3 ans, devrait être prévue.

Le projet devrait encore évoluer

Le 27 février, la veille même de son passage en conseil des ministres, Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a présenté les dernières évolutions de son projet de loi au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Les modifications vont, pour la plupart, dans le sens des revendications insistantes formulées par telle ou telle association ou par le CNCPH dans son ensemble, comme il les a encore rappelées le 13 janvier. Certaines inflexions sont déjà inscrites dans le texte, d'autres feront l'objet d'amendements pendant le débat parlementaire, promet la ministre. Voici les principales :

  « L'obligation nationale » de solidarité, expression qui figurait dans la loi de 1975 devrait être réintégrée, car jugée plus forte que la seule évocation de la solidarité nationale. Le titre même de la loi - long aux yeux de la ministre -tient compte des demandes exprimées.

 La prestation compensatoire devrait définitivement entrer dans le champ de la protection sociale. Tout ce qui la rattachait encore à l'aide sociale devrait disparaître. Il n'y aura notamment plus aucun recours en récupération sur succession, donation ou legs. La prestation devrait avoir un caractère universel et son attribution ne serait pas soumise à conditions de ressources. Mais son montant devrait être assorti d'un « tarif de responsabilité », laissant une participation financière au bénéficiaire qui, elle, pourrait être modulée selon les revenus. Un peu comme il en est avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

 A terme, le droit à compensation ne devrait plus être lié à un taux d'incapacité. L'évaluation devrait être réalisée de manière plus fine, selon des critères qui ne seront cependant définis qu'à la fin de l'année, un rapport étant commandé à l'inspection générale des affaires sociales sur les pratiques et outils utilisés dans les autres pays européens en la matière.

 Le champ de la compensation sera élargi pour inclure la protection juridique d'une part, l'activité des groupes d'entraide mutuelle d'autre part. Deux mesures très attendues par les associations de handicapés mentaux et psychiques.

 L'accès aux droits fondamentaux est étendu au droit à l'information, ce qui couvre, pour les sourds et malentendants, l'accès à une signalétique adaptée et à la traduction ou au sous-titrage. Il intègre également l'accueil et l'accompagnent des personnes qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins, cette fois à la demande des familles de handicapés psychiques.

 Le rôle des aidants familiaux devrait être reconnu et valorisé.

 L'intégration scolaire fait l'objet d'une formulation qui se veut plus contraignante, les enfants devant être inscrits et reçus dans l'établissement le plus proche, « au besoin dans le cadre de dispositifs adaptés ».

 De même, dans le supérieur, les établissements ne seront plus seulement priés d'encourager et de faciliter l'accueil des étudiants, ils seront tenus de l'assurer.

 Les exceptions à la mise en accessibilité du cadre bâti, qui pourront toujours exister pour des raisons architecturales et techniques, ne devraient plus avoir de motifs économiques.

 Les politiques publiques devraient être évaluées tous les 3 ans (au lieu de 5).

Autant de petits pas qui sont toujours bons à prendre, estiment en substance les membres du CNCPH qui ont demandé à être associés à la rédaction des amendements. Sans attendre, ils ont décidé de constituer un groupe de travail pour mettre en forme leurs propositions avant le débat.

La ministre se dit également ouverte aux enrichissements qui pourront être apportés au fil des navettes parlementaires. Le débat démarre au Sénat le 23 février. M.-J.M.

I - LE LIBRE CHOIX DU PROJET DE VIE

Afin de garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie, le texte gouvernemental distingue la compensation des conséquences du handicap et les moyens d'existence tirés du travail ou de la solidarité nationale.

A - La compensation des conséquences du handicap

Relevant que le droit à la compensation des conséquences du handicap, inscrit dans la loi dite de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (7), est «  resté à ce jour sans contenu  » (exposé des motifs), le projet de loi souhaite pallier ce manque en apportant à chaque personne handicapée « des réponse adaptées » à ses besoins.

1 - LE CONCEPT DE COMPENSATION

Le gouvernement cherche à donner un contenu au droit à compensation des conséquences du handicap. Celui-ci visera à apporter des réponses aux besoins des personnes handicapées en matière de scolarité, d'aménagements du domicile et du cadre de travail, de développement et d'aménagement de l'offre de services, de développement des groupes d'entraide mutuelle ou de places en établissements spécialisés, d'aides de toute nature pour vivre en milieu ordinaire ou adapté. Ces réponses devraient prendre en compte « l'accompagnement nécessaire aux personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins », ajoute le texte du projet de loi. Ainsi ce droit à compensation aura un  aspect collectif (places en établissement social ou médico-social) - ce qui ne correspond pas toujours aux attentes des associations (8)  - et individuel (compensation financière individuelle des conséquences du handicap).

Relevons que le droit à compensation, en l'état du texte, ne couvre pas la protection juridique (tutelle, curatelle...), au grand regret du Conseil national consultatif des personnes handicapées dans son avis du 13 janvier (9). Toutefois, le gouvernement a entendu le reproche et s'est engagé à présenter un amendement, lors de la discussion du texte, pour l'englober.

A noter : ce droit à compensation concerne les jeunes comme les adultes. Pour les premiers, celui-ci se traduit notamment par l'octroi de l'allocation d'éducation spéciale qui deviendrait l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Pour les seconds, une nouvelle prestation de compensation sera instaurée.

2 - UNE PRESTATION DE COMPENSATION

Pour donner corps à ce droit à compensation à l'égard des personnes handicapées adultes, le projet de loi instaure une nouvelle prestation de compensation, l'ensemble du dispositif devant être précisé par voie réglementaire. Elle ira plus loin que l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) qui répondait uniquement aux besoins en aides humaines et qui est appelée à disparaître. En effet, les dispositions relatives à cette nouvelle prestation seront codifiées dans le code de l'action sociale et des familles à la place des articles actuellement consacrés à l'ACTP. Et des dispositions transitoires seront introduites : les bénéficiaires de l'ACTP devront en conserver le bénéfice, dans les mêmes conditions, jusqu'au terme de la période pour laquelle elle a été attribuée ou jusqu'à la date à laquelle la prestation de compensation leur sera accordée. En tout état de cause, ACTP et prestation de compensation ne seront pas cumulables.

a - Les bénéficiaires de la prestation

La prestation de compensation serait attribuée à toute personne ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation d'éducation spéciale (qui deviendrait « l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé » )- c'est-à-dire 20 ans - n'ayant pas atteint un certain âge et présentant un taux d'incapacité permanente déterminé, éléments qui seront fixés par décret. D'ores et déjà, l'exposé des motifs indique que les intéressés devront être âgés de moins de 60 ans et avoir un taux d'incapacité permanente au moins égal à 80 %. Cependant, une mission a été confiée à l'inspection générale des affaires sociales pour réfléchir à la suppression de ce critère d'incapacité permanente et le remplacer par d'autres qui seraient alors arrêtés par décret. Aussi le gouvernement prévoit-il d'amender le texte pour faire disparaître cette référence à un taux d'incapacité permanente. Il introduira toutefois une disposition transitoire selon laquelle ce taux d'incapacité s'appliquerait en attendant la fixation de ces nouveaux critères.

A 60 ans, la personne handicapée percevant la prestation de compensation avant cet âge se verrait toutefois reconnaître un droit d'option entre celle-ci et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) prévue pour les personnes âgées dépendantes. Cette option étant de nouveau ouverte à chaque renouvellement de la prestation.

En outre, devraient également pouvoir prétendre au bénéfice de cette prestation les personnes âgées de plus de 60 ans qui remplissaient la condition d'incapacité permanente avant cet âge, sous réserve de solliciter cette prestation avant un âge qui sera fixé par décret et que l'exposé des motifs établi à 65 ans.

Enfin, par amendement, il devrait être prévu que cette prestation soit accordée au titre des aidants familiaux.

b - Les aides couvertes par la prestation

Avec cette prestation, il s'agit d'englober, outre les aides humaines, l'aide à l'aménagement du logement de la personne handicapée, les aides spécifiques ou exceptionnelles telles que les aides animalières, l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap et les aides techniques. Toutes, à l'exception des aides humaines, étant prises en charge par l'Etat.

S'agissant des aides techniques, le texte prévoit toutefois que, compte tenu des modalités actuelles de leur remboursement, celles couvertes par l'assurance maladie n'entreront pas, à l'exception des frais laissés à la charge de l'assuré, dans la prestation de compensation.

De plus, en ce qui concerne le volet « aides humaines », la prestation de compensation devrait présenter un caractère subsidiaire et ne devrait être octroyée qu'à la condition que la personne handicapée ne dispose pas déjà d'un droit ouvert de même nature au titre d'un régime de sécurité sociale. A la charge du département comme l'était l'ACTP, l'aspect « aides humaines » de la prestation vise à « mieux prendre en charge les besoins en aides humaines des personnes lourdement et surtout très lourdement handicapées » (exposé des motifs de la loi). Aussi les dépenses supplémentaires en résultant pour les départements devraient-elles faire l'objet de financements alloués par la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, précise le projet de loi. Rappelons qu'un texte instaurant cette caisse a été présenté le 14 janvier en conseil des ministres (10). Il doit être complété par un second projet à l'issue des propositions du rapport Briet-Jamet (11).

Une nouvelle définition du handicap

Le projet de loi introduit, pour la première fois, dans le code de l'action sociale et des familles, une définition du handicap inspirée de la classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé, définie par l'Organisation mondiale de la santé. Est prise en compte l'altération d'une fonction physique, sensorielle ou mentale mais également psychique ou de plusieurs d'entres elles (polyhandicap). Le handicap est, en outre, conçu comme le fait pour une personne de se trouver de façon durable limitée dans ses activités mais aussi restreinte dans sa participation à la vie de la société. L'idée est de tirer les conséquences de l'évolution du regard sur le handicap qui s'est « déplacé vers les difficultés qui en résultent pour les personnes handicapées quant à leur participation à la vie sociale et le rôle que l'environnement peut jouer dans l'aggravation ou l'atténuation de ces difficultés » , explique l'exposé des motifs.

Parallèlement, la définition du travailleur handicapé est harmonisée avec cette définition générale pour intégrer le concept d'altération d'une ou de plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales ainsi que psychiques.

Par ailleurs, le projet précise les droits fondamentaux garantis aux personnes handicapées. A la liste déjà complétée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (12) (accès aux soins, à l'éducation, à la formation, à l'emploi...) devraient être ajoutés le logement, l'information et l'accès aux technologies de l'information. Relevons que sur ce dernier point, une disposition du projet impose aux services de communication publique en ligne des services de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent d'être accessibles aux personnes handicapées. En outre, l'accueil et l'accompagnement des personnes handicapées qui ne peuvent exprimer seules leurs besoins seront reconnus par la loi.

Toujours au titre de ces droits fondamentaux, le projet intègre une partie de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui n'était pas codifié. Et selon lequel « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale ».

Le texte gouvernemental introduit également le principe de non-discrimination pour l'accès aux institutions et au cadre de vie.

Pour finir, deux articles traitent de la prévention et de la recherche en matière de handicap. En complément des dispositions en cours d'examen de la loi de santé publique (13) , l'accent est mis sur la prévention du handicap qui peut être mise en œuvre par des mesures directes auprès des personnes handicapées pour éviter l'apparition de maladies ou traumatismes, leur aggravation et réduire les séquelles. Afin de permettre aux personnes handicapées, notamment psychiques, de s'apporter une aide mutuelle, il est prévu, comme cela se pratique dans de nombreux pays, que la prévention s'appuie également sur des lieux d'accueil spécifiques (groupes d'entraide mutuelle).

Enfin, pour mieux organiser la collaboration entre les différents organismes de recherche, des programmes pluridisciplinaires sont encouragés.

c - L'attribution de la prestation

Comme l'APA, la prestation de compensation aura le caractère d'une prestation en nature mais pourrait être versée en espèces.

Elle ne devrait pas être soumise à conditions de ressources, mais être accordée dans la limite de taux de prise en charge et de montants variables en fonction de la nature de la dépense qu'elle vient compenser et des ressources du bénéficiaire. Le tout devant être précisé par décret.

d - L'obligation alimentaire et le recours en récupération

La prestation ne devrait pas être subordonnée à la mise en œuvre de l'obligation alimentaire ni au recours en récupération à l'encontre de la succession du bénéficiaire décédé. De même, les sommes versées au titre de cette prestation ne feront pas l'objet d'un recouvrement auprès du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune.

Ces dispositions ont subi la foudre du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Le fait de prévoir de telles dispositions atteste, selon lui, le « maintien inacceptable des droits des personnes dans le champ de l'aide sociale » (14). En outre, il déplore que l'absence de recours en récupération ne soit pas étendue à toutes les situations et exige « de revoir le texte ». En effet, en l'état, ce dernier laisse subsister le recours en récupération contre le légataire et le donataire.

Pour répondre à ces critiques, le gouvernement devrait amender le texte pour supprimer tout recours en récupération. De même toute référence à l'aide sociale devrait disparaître. Par ce geste, il s'agit de faire entrer cette prestation dans le champ de la protection sociale, a expliqué Marie-Thérèse Boisseau. Elle aurait un caractère universel.

B - « Assurer un revenu d'existence »

Second volet de ce libre choix du mode de vie : la volonté d'assurer un revenu d'existence car « les personnes handicapées doivent bénéficier de l'ensemble des ressources relevant du droit commun sous réserve des aménagements requis par le handicap » (exposé des motifs). Pour le gouvernement, il s'agit notamment de modifier la philosophie de l'allocation aux adultes handicapés. En effet, avec la création de la prestation de compensation, l'AAH ne sera plus perçue comme une prestation compensatoire destinée à faire face aux besoins de la vie courante, mais devrait être entièrement utilisée comme un revenu d'existence, explique-t-on au ministère. Cette réforme a été critiquée par les associations et le Conseil national consultatif des personnes handicapées pour son insuffisance. Ainsi le CNCPH regrette que le texte ne prévoit pas de construire un réel revenu d'existence en fonction du montant du SMIC (15).

Par ailleurs, le texte cherche à valoriser le travail en centre d'aide par le travail.

1 - UNE RÉFORME DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

Dans ce cadre, le projet de loi a pour objectif essentiel d'améliorer les modalités de cumul de l'allocation aux adultes handicapés avec un revenu d'activité pour les personnes handicapées qui peuvent travailler, à l'instar de dispositifs existant déjà, notamment pour le revenu minimum d'insertion et l'allocation de parent isolé.

A cet effet, les rémunérations tirées d'une activité professionnelle des intéressés en milieu ordinaire de travail seraient en partie exclues du montant des ressources servant au calcul de l'allocation. « Cette modification permettra de mieux maîtriser la dégressivité de l'AAH dans le cas où son bénéficiaire exerce une activité professionnelle. Elle favorisera notamment l'exercice d'un travail à temps partiel procurant une rémunération modeste qui ne sera plus brutalement neutralisée par une diminution rapide de l'AAH », indique l'exposé des motifs. Pour mémoire, l'AAH est une aide financière attribuée aux personnes handicapées disposant de revenus modestes. Elle peut se cumuler avec les ressources personnelles de l'intéressé, et s'il y a lieu de son conjoint, concubin (et à l'avenir de son partenaire d'un pacte civil de solidarité), dans la limite d'un plafond fixé par décret, variable selon la situation familiale des personnes concernées.

Dans le même sens, le projet de loi prévoit le maintien du complément de l'allocation aux adultes handicapés lorsque le bénéficiaire reçoit une allocation à taux réduit compte tenu des revenus qu'il perçoit au titre d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail. Rappelons, en effet, qu'un complément d'AAH peut être accordé aux personnes adultes handicapées qui vivent dans un logement indépendant afin de couvrir les dépenses supplémentaires qu'elles ont à supporter pour les adaptations nécessaires à une vie à domicile. Ce complément cessera toujours d'être versé quand le montant de l'AAH est réduit pour cause d'hospitalisation de plus de 60 jours, de séjour de plus de 45 jours en maison d'accueil spécialisée ou d'incarcération de plus de 45 jours (16).

2 - LA VALORISATION DU TRAVAIL EN CENTRE D'AIDE PAR LE TRAVAIL

Au-delà de cette réforme de l'AAH, le texte gouvernemental souhaite valoriser le travail en centre d'aide par le travail (CAT) notamment en modifiant la rémunération des travailleurs en CAT mais également en leur conférant de nouveaux droits.

a - Un nouveau mode de rémunération des travailleurs en CAT

Le projet de loi modifie les conditions de rémunération des travailleurs handicapés dans les centres d'aide par le travail. L'objectif ? « Apporter au travailleur handicapé la garantie d'une rémunération égale à celle apportée aujourd'hui par la garantie de ressources [des travailleurs handicapés], tout en réorganisant le système actuel de rémunération en CAT » (exposé des motifs). Pour mémoire, cette garantie de ressources aux travailleurs handicapés (GRTH) permet de rémunérer les travailleurs handicapés à un niveau supérieur à celui correspondant à leur efficience au travail : à leur rémunération directe versée par l'employeur s'ajoute un complément de rémunération indexé sur le SMIC et remboursé par l'Etat à l'employeur. Or, alors que les plafonds définis pour le montant cumulé de la rémunération directe et du complément versé par l'Etat permettent de porter les revenus tirés du travail jusqu'à 110 % du SMIC en centre d'aide par le travail, en pratique, la majeure partie des travailleurs handicapés se situe dans des fourchettes de ressources garanties comprises entre 55 % et 65 %. Et les travailleurs handicapés n'obtiennent le plus souvent un revenu supérieur que par le cumul de leur GRTH avec leur AAH, « au détriment d'une juste reconnaissance de leur travail, de leur mobilité professionnelle, mais aussi de la lisibilité du dispositif » (exposé des motifs).

Aussi, suivant la préconisation de refonte du dispositif avancée par un rapport commun de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances (17), celui-ci devrait-il être remplacé par un mécanisme d'aide au poste. Désormais, le mode de rémunération devrait être fondé sur deux composantes (au lieu de trois, la GRTH, le salaire direct et le complément de rémunération)  : la rémunération directe versée par le CAT au travailleur handicapé, à laquelle s'ajouterait un complément de rémunération versé par l'établissement ou le service d'aide par le travail et financé par l'Etat sous la forme d'une aide au poste, dégressive en fonction de l'importance de la rémunération directe et du caractère à temps plein ou partiel de l'activité exercée.

L'exposé des motifs précise que cette aide au poste sera constituée de l'ancien complément de rémunération et d'une partie de l'allocation aux adultes handicapés. La rémunération du travailleur en CAT sera déterminée par référence au SMIC et constituera pour lui un minimum de ressources garanti par l'Etat.

Afin de préserver les droits des travailleurs handicapés à la retraite, les cotisations sociales seraient assises sur une base forfaitaire définie réglementairement. L'Etat assurerait, comme par le passé, la compensation des charges afférentes à ces cotisations.

b - La vocation médico-sociale des CAT réaffirmée

Parallèlement, le projet de loi réaffirme le statut et la vocation médico-sociale des centres d'aide par le travail, en en réactualisant la définition ainsi que le rôle dans l'insertion des personnes handicapées. Les CAT « accueillent des personnes handicapées dont la commission [des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, instaurée au sein des maisons du handicap] a constaté que les capacités de travail ne leur permettent, même momentanément ou à temps partiel, ni de travailler dans une entreprise ordinaire ou dans une entreprise adaptée ou pour le compte d'un centre de distribution de travail à domicile, ni d'exercer une activité professionnelle indépendante. Ils leur offrent des possibilités d'activités diverses à caractère professionnel, ainsi qu'un soutien médico-social et éducatif, en vue de favoriser leur intégration sociale. »

A l'instar des autres établissements et services sociaux et médico-sociaux, les CAT devront conclure un contrat de séjour avec les personnes qu'ils accueillent ou leur représentant légal (18). Toutefois, le projet de loi prévoit que ce contrat de séjour sera dénommé dans ce cas « contrat de soutien et d'aide par le travail » et devra être conforme à un modèle fixé par décret.

c - De nouveaux droits reconnus aux travailleurs en CAT

Par ailleurs, le projet de loi reconnaît au travailleur handicapé en CAT des droits qui ne lui étaient pas ouverts jusque-là, tels que l'accès à la formation professionnelle et à la validation des acquis de l'expérience, le droit à congés ou le bénéfice des allocations parentale d'éducation et de présence parentale.

d - Des « passerelles » avec le milieu ordinaire

En outre, pour permettre à ceux qui le peuvent d'évoluer vers le milieu ordinaire, devrait être instaurée une possibilité de « détachement  ». Ainsi les intéressés pourront, à titre provisoire et selon des modalités qui seront fixées par décret, être mis à la disposition d'une entreprise afin d'exercer une activité à l'extérieur de l'établissement ou du service auquel ils demeureront rattachés.

Afin de faciliter son insertion professionnelle dans le milieu ordinaire de travail, un travailleur handicapé admis dans un CAT devrait également pouvoir bénéficier, à l'initiative de l'établissement, d'une convention d'appui conclue avec un employeur avec lequel il signe un contrat de travail à durée déterminée, un contrat initiative-emploi ou un contrat emploi-solidarité. La mise en œuvre de ce dispositif passerelle est assortie d'un droit à réintégration au sein du centre dans le cas où la personne handicapée ne serait pas définitivement recrutée par l'employeur. Cette mesure vise à faciliter l'évolution du travailleur en CAT vers le milieu ordinaire, tout en le sécurisant ainsi que son futur employeur.

e - La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé

Enfin, tous les travailleurs handicapés admis dans un CAT se verront, selon le projet de loi, automatiquement accorder la qualité de travailleur handicapé. Cette reconnaissance permet notamment d'exercer des activités à temps partiel et de bénéficier des dispositifs spécifiques de formation et d'aide à l'insertion, relève l'exposé des motifs.

II - PERMETTRE UNE MEILLEURE PARTICIPATION À LA VIE SOCIALE

A - « Assurer une véritable intégration scolaire »

Parce que le principe de l'obligation éducative inscrit dans la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 « est trop souvent resté lettre morte », rappelle l'exposé des motifs, le gouvernement cherche à renforcer le principe d'un droit à l'éducation de tous les élèves et étudiants sans discrimination. Pour ce faire, il devrait désormais être fait référence à la prise en charge des élèves en difficulté « quelle qu'en soit l'origine, en particulier de santé », l'idée étant de prendre en compte les élèves handicapés ou présentant un trouble de santé. Dans le même sens, pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées devraient rendre possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et, à l'avenir, « de ses besoins particuliers », aux différents types ou niveaux de la formation scolaire. Relevons que la réforme du certificat d'aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d'adaptation et d'intégration scolaire (CAAPSAIS), devenu le certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH), a introduit cette notion de « besoins éducatifs particuliers » (19).

Par ailleurs, le gouvernement souhaite ne plus opposer l'éducation ordinaire à l'éducation spéciale, ce terme devant d'ailleurs être rayé des différents codes dans lesquels il apparaissait. Rappelons que, corrélativement l'allocation d'éducation spéciale deviendrait l' « allocation d'éducation de l'enfant handicapé ». Il ne serait toutefois apporté aucune modification à sa nature et à ses conditions financières d'attribution.

L'ambition est en effet de favoriser la complémentarité des interventions au bénéfice de l'enfant ou de l'adolescent handicapés. Ainsi, la nouvelle législation devrait consacrer le devoir de l'Education nationale de dispenser une formation scolaire, supérieure ou professionnelle aux enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant dans les écoles et établissements d'enseignement public ou privé sous contrat, au besoin dans le cadre de dispositifs adaptés, les plus proche de leur domicile - ce qui est loin d'être toujours le cas actuellement. Il devrait également être affirmé que « si cela est nécessaire en raison de leurs besoins particuliers, [les intéressés] reçoivent cette formation dans des établissements ou services de santé ou médico-sociaux et, si besoin est, des modalités aménagées d'enseignement à distance leur sont proposées ». Cette formation serait entreprise avant l'âge de la scolarité obligatoire, si la famille en fait la demande.

En tous les cas, leur scolarisation devrait être assurée par des personnels qualifiés relevant du ministère de l'Education nationale. Un aménagement réglementaire à ce principe serait toutefois prévu afin de prendre en compte la situation particulière des instituts nationaux de jeunes sourd et d'aveugles placés sous la tutelle du ministre chargé des personnes handicapées.

De plus, cette formation devrait être complétée par des actions de tous ordres (psychologiques, éducatives, sociales, pédagogiques...) coordonnées dans le cadre d'un projet individualisé élaboré, avec la famille, par l'équipe pluridisciplinaire instaurée au sein des maisons du handicap. Ainsi, la notion de projet individualisé élaboré avec les parents devrait être introduite dans la loi, de même que celle de parcours de formation adapté.

En outre, la loi devrait poser le principe d'un droit à une « évaluation régulière de ses compétences et de ses besoins » par l'équipe pluridisciplinaire dans les maisons du handicap (voir ci-dessous). Et celui de dispositions particulières lors des examens et concours au bénéfice des candidats handicapés.

Pour finir, le projet de loi oblige les établissements d'enseignement supérieur à assurer l'accueil et la formation des étudiants présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant par les aménagements nécessaires à leur situation dans l'organisation, le déroulement et l'accompagnement de leurs études.

40 000 places en cinq ans

Pendant la réforme, la création de places et de services continue... C'est aussi ce que souligne Marie-Thérèse Boisseau en rappelant les plans pluriannuels engagés pour construire, de 2003 à 2007, un total de 8 400 places en établissements et services pour enfants, 18 000 places en établissements et services pour adultes, à quoi devraient s'ajouter 14 000 places en CAT. Programme de création de places pour les enfants...

... et pour les adultes

Ces équipements représenteront une augmentation des capacités d'accueil de 25 % en Sessad, de 15 % en CAT, de 51 % en MAS et de 98 % en SSIAD et SAMSAH. Et, en gros, un doublement par rapport à ce qui a été réalisé dans les 5 années antérieures. Cela, naturellement, sous réserve du vote annuel des crédits correspondants dans les lois de financement de la sécurité sociale ou dans le budget de l'Etat.

Autres engagements : des politiques spécifiques seront aussi poursuivies pour des populations ciblées, comme les personnes polyhandicapées ou très lourdement handicapées ou encore les traumatisés crâniens, auxquelles les places en services ou établissements seront affectées en priorité. Les besoins d'accompagnement des personnes handicapées psychiques devraient aussi être mieux identifiés, des structures de petite taille et de proximité ou encore des clubs associant professionnels, parents et usagers devant y répondre.

L'autisme fera l'objet d'un programme de travail particulier avec le développement du dépistage précoce (qui devrait intervenir avant l'âge de 2 ans), la création annuelle de 250 places en établissement pour les enfants et de 400 pour les adultes, l'accentuation de l'accompagnement à domicile et la création d'un centre de ressources dans chaque région, au rythme de 5 par an.

CAMSP : centre d'action médico-sociale précoce (avant 6 ans). CAT : centre d'aide par le travail. CMPP : centre médico-psycho-pédagogique. FAM : foyer d'accueil médicalisé. IR : institut de rééducation. MAS : maison d'accueil spécialisée. SAMSAH : service d'accueil médicalisé et de soins pour adultes handicapés. SESSAD : services d'éducation spéciale et de soins à domicile. SSIAD : service de soins infirmiers à domicile.

B - « Faciliter l'insertion professionnelle »

Le projet de loi souhaite favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées. La priorité est donnée, chaque fois que possible, au travail en milieu ordinaire. Toutefois, rappelons que des dispositions sont également prévues pour valoriser le travail protégé en centre d'aide par le travail. En outre, le secteur public sera également mobilisé, notamment avec la création d'un fonds d'insertion professionnelle commun aux trois fonctions publiques.

La reconnaissance du réseau spécialisé de placement et des centres de préorientation

Le projet de loi prend acte que les centres de préorientation contribuent à l'orientation professionnelle des travailleurs handicapés. En outre, le réseau spécialisé de placement, qui s'est constitué progressivement et est connu sous le nom de Cap emploi, se verrait reconnu comme un partenaire de la politique de l'insertion professionnelle des personnes handicapées mise en œuvre par l'Etat, le service public de l'emploi et l'Agefiph. Ils devront être conventionnés à cet effet et pourront, à cette condition, recevoir des financements de l'Agefiph.

1 - DES « AMÉNAGEMENTS RAISONNABLES » FACILITANT L'ACCÈS À L'EMPLOI

Même si le principe de non-discrimination et d'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées figure d'ores et déjà dans la législation française, cette dernière « ne répond pas totalement aux exigences de la directive du Conseil européen du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail », relève l'exposé des motifs. Ce texte énonce en effet que les Etats membres doivent prévoir des « aménagements à l'égard des personnes handicapées » et faire en sorte que les employeurs prennent « des mesures appropriées, en fonction des besoins d'une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer et d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée ». C'est pour répondre à ces exigences que le texte gouvernemental vise à introduire dans le code du travail une disposition ayant trait à cette idée d'aménagements raisonnables pour « permettre aux personnes handicapées d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation leur soit dispensée ». L'application de ce principe ,tant au secteur privé que public, ne doit néanmoins pas entraîner de charges « disproportionnées », notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser tout ou partie des dépenses supportées par l'employeur à ce titre.

Une traduction concrète de ce principe est inscrite dans le projet : il s'agit d'ouvrir la possibilité d'horaires individualisés au profit des travailleurs handicapés bénéficiaires de l'obligation d'emploi, propres à faciliter leur accès à l'emploi, leur exercice professionnel ou leur maintien dans l'emploi. Signalons que, dans le projet de loi sur la formation professionnelle, en cours de discussion devant le Parlement, une disposition prévoit la faculté pour les personnes handicapées de bénéficier d'actions spécifiques de formation qui visent leur accès à l'emploi, leur maintien dans l'emploi et leur promotion professionnelle.

2 - DANS LE SECTEUR PRIVÉ

a - Une obligation périodique de négociation

Afin de sensibiliser les partenaires sociaux à la thématique de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, il est proposé de prendre appui sur certains dispositifs existant en matière de négociation collective. Il est donc prévu d'instituer une obligation de négocier - tous les 3 ans au niveau de la branche, chaque année à celui de l'entreprise (22) - sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation et la promotion professionnelles ainsi que sur les conditions de travail et d'emploi des travailleurs handicapés. Dans l'entreprise, à défaut d'une initiative de l'employeur depuis plus de 12 mois suivant la précédente négociation, celle-ci s'engagera obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative.

Cette négociation se déroulera sur la base d'un rapport établi par la partie patronale précisant la situation par rapport à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.

Dans le même esprit, la commission nationale de la négociation collective devrait, à l'avenir, être chargée de suivre annuellement l'application dans les conventions collectives des « mesures prises en faveur du droit au travail des personnes handicapées », comme elle le fait déjà pour la mise en œuvre de certains principes (à travail égal salaire égal, égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, égalité de traitement entre les salariés...).

Enfin, les mesures d'aménagement de postes ou d'horaires, d'organisation du travail et les actions de formation pour les personnes handicapées devraient être explicitement mentionnées au titre des clauses devant être prévues par une convention collective de branche conclue au niveau national pour en permettre l'extension.

b - L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés

Sans remettre en cause l'autonomie de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), le texte gouvernemental vise à renforcer la portée et la cohérence des engagements que celle-ci prend avec l'Etat. A cet effet, la convention d'objectifs qui fixe les engagements réciproques des deux parties devrait se voir reconnaître une base légale (23). Cette convention conclue tous les 3 ans déterminera notamment les engagements réciproques contribuant à la cohérence entre les mesures de droit commun de l'emploi et de la formation professionnelle et les mesures spécifiques arrêtées par l'association.

En outre, le principe et le quota de l'obligation d'emploi des personnes handicapées ne devraient pas être modifiés. Rappelons que tout employeur occupant au moins 20 salariés est aujourd'hui tenu d'employer des travailleurs handicapés dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés. Le projet procède à plusieurs aménagements concernant les bénéficiaires, les modalités de décompte de ces derniers et de calcul de l'effectif global des entreprises et les possibilités offertes à celles-ci pour s'en acquitter. Ces modifications sont censées entrer en vigueur le 1er janvier de l'année suivant la publication de la loi.

 L'extension des bénéficiaires de l'obligation d'emploi

A la liste des bénéficiaires déjà prévue par le code du travail (travailleurs reconnus handicapés, victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d'une rente, titulaires d'une pension d'invalidité...), seront ajoutés les titulaires d'une carte d'invalidité. Actuellement, ces derniers, qui ont une incapacité permanente d'au moins 80 %, ne sont pas systématiquement décomptés comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi. Ils ne le sont que dans la mesure où ils remplissent l'une des conditions prévues par l'article L. 323-3 du code du travail (être reconnu travailleur handicapé par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel[Cotorep], être titulaire d'une pension d'invalidité, ou victime d'un accident du travail).

 Le décompte des bénéficiaires

Par ailleurs, le mode de décompte des bénéficiaires de l'obligation d'emploi sera simplifié et harmonisé avec la pratique en vigueur dans le secteur public. Aujourd'hui, les travailleurs handicapés dans l'entreprise peuvent être pris en compte une fois et demie ou plus en fonction de leur âge, de la lourdeur de leur handicap, de la nature de leur contrat de travail ou de leur parcours professionnel. Ainsi une personne handicapée peut correspondre jusqu'à 5,5 unités dans l'effectif de l'entreprise.

Répondant aux préconisations formulées par le Conseil économique et social (24), le projet de loi substitue à ce dispositif un décompte conduisant à comptabiliser chaque salarié handicapé, pour une unité dans l'effectif de l'entreprise, dès lors qu'il a été présent au moins 6 mois au cours des 12 derniers mois écoulés, quelles que soient la nature de son contrat de travail ou sa durée de travail. En conséquence, la classification des travailleurs handicapés fondée sur la lourdeur de leur handicap serait supprimée.

Toutefois, à titre transitoire, le projet de loi prévoit que d'ici au 1er janvier de l'année suivant la publication de la loi - date à laquelle le nouveau dispositif devrait entrer en vigueur -, le calcul des effectifs de personnes handicapées employées par les entreprises devra s'effectuer selon les dispositions antérieures.

 Le calcul de l'effectif global de l'entreprise

En outre, le texte gouvernemental propose de modifier le calcul de l'effectif global des entreprises : seront supprimées les catégories d'emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières qui ne sont pas actuellement comptabilisées dans l'effectif global de l'entreprise. L'exposé des motifs du projet de loi explique que le maintien de l'exclusion de ces emplois n'est pas compatible avec le principe de non-discrimination par ailleurs réaffirmé par le projet et qu'en pratique, sur les 220 000 travailleurs handicapés en milieu ordinaire, plus de 13 000 occupent déjà des fonctions entrant dans le champ de ces catégories d'emplois.

Le projet prévoit néanmoins de maintenir l'application des dispositions antérieures pendant un délai de 5 ans à compter de la publication de la loi.

 La modulation de la contribution à l'Agefiph

Actuellement, les entreprises peuvent s'acquitter de leur obligation d'emploi par l'embauche directe de personnes handicapées ou, notamment, en versant à l'Agefiph une contribution annuelle pour chaque emploi non pourvu.

Le projet pose le principe d'une modulation du montant de cette contribution pour tenir compte de l'effort que consentent les entreprises en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement direct de personnes handicapées. Ce, notamment à l'égard de certains salariés : ceux antérieurement titulaires d'un contrat à durée déterminée, demandeurs d'emploi de longue durée ou remplissant certaines conditions d'âge, travailleurs handicapés issus d'une entreprise de travail temporaire, d'une entreprise ou association avec laquelle l'Etat a conclu une convention d'insertion par l'activité économique, d'une entreprise adaptée ou d'un centre de distribution de travail à domicile, d'un établissement ou service d'aide par le travail, d'un centre de formation professionnelle ou ayant bénéficié d'une formation au sein de l'entreprise.

Par ailleurs, il est prévu de relever le plafond de la contribution de 500 à 600 fois le SMIC horaire par bénéficiaire de l'obligation d'emploi non employé. « Cette modification permettra de mettre plus sévèrement à contribution les entreprises qui n'emploient aucune personne handicapée », précise l'exposé des motifs.

Enfin, pour alléger les procédures, le projet de loi ouvre aux entreprises la possibilité de déduire directement du montant de leur contribution les dépenses qu'elles ont supportées pour favoriser l'accueil ou l'insertion professionnelle de salariés handicapés en leur sein ou, plus généralement, l'accès à la vie professionnelle de personnes handicapées qui ne leur incombent pas en application d'une disposition législative ou réglementaire. Toutefois, l'avantage représenté par cette déduction ne pourra se cumuler avec une aide accordée pour le même objet par l'Agefiph.

c - La suppression du dispositif de réduction du salaire

Actuellement, dans le milieu ordinaire du travail, le salaire des travailleurs handicapés ne peut être inférieur à celui qui résulte de l'application des dispositions législatives et réglementaires ou de la convention ou de l'accord collectif de travail. Toutefois, lorsque le rendement professionnel des intéressés est notablement diminué, des réductions de salaire peuvent être autorisées dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Ce dispositif de réduction devrait être supprimé. En contrepartie, il est prévu qu'une aide pourra être attribuée en fonction du secteur d'activité de l'entreprise et des caractéristiques des bénéficiaires employés par celle-ci dans des conditions à fixer par décret. A titre transitoire, le projet de loi prévoit que l'ancien dispositif demeurera applicable jusqu'à la date de publication de ce décret.

d - Les entreprises adaptées

Le gouvernement consacre la transformation des ateliers protégés en entreprises adaptées, leur reconnaissant ainsi une place spécifique, mais à part entière, dans le milieu de travail ordinaire. Avec ce changement de dénomination, le projet de loi tient compte de la politique volontariste menée par les ateliers protégés pour se moderniser et se rapprocher de la logique d'entreprise.

Au-delà de la terminologie, l'ambition du texte gouvernemental est de clarifier la situation des personnes handicapées au regard de leur insertion, en distinguant désormais : le milieu ordinaire, comprenant les entreprises adaptées et les entreprises, et celui du travail protégé comprenant les centres d'aide par le travail. De ce fait, les orientations préconisées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, qui se substituera à la Cotorep, ne distingueront plus que ces deux secteurs ainsi définis.

Les entreprises adaptées, agréées jusque-là, devraient, à l'avenir, passer avec le représentant de l'Etat dans la région un contrat global d'objectifs triennal prévoyant, par un avenant financier annuel, un contingent d'aides au poste. En effet, à l'instar des centres d'aide par le travail, le dispositif de la garantie de ressources des travailleurs handicapés devrait être remplacé par une aide au poste forfaitaire versée par l'Etat, dont le montant et les modalités d'attribution seront déterminés par décret en Conseil d'Etat. En outre, le salaire reçu par les travailleurs employés par une entreprise adaptée ne pourra être inférieur au SMIC.

Dans un souci de cohérence, le projet prévoit la fin du système des emplois protégés en milieu ordinaire. Pour mémoire, le code du travail énonce que des emplois à mi-temps et des emplois dits légers sont attribués après avis de la Cotorep aux travailleurs handicapés qui ne peuvent être employés en raison de leur état physique ou mental, soit à un rythme normal, soit à temps complet.

2 - DANS LA FONCTION PUBLIQUE

« Afin que cet effort soit partagé de manière exemplaire par les collectivités publiques », il est parallèlement prévu la mise en place d'un fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées commun aux trois fonctions publiques, comme le préconisait le Conseil économique et social (25). Dans le même sens, l'accès des personnes handicapées à la fonction publique (de l'Etat, hospitalière ou territoriale) devrait être facilité.

a - Un fonds d'insertion des personnes handicapées

Comme dans le secteur privé, l'Etat et les employeurs publics occupant plus de 20 agents sont soumis à une obligation d'emploi des personnes handicapées. Mais, alors que la loi du 10 juillet 1987 l'instituant a prévu la création d'un fonds destiné à accroître les moyens consacrés à l'insertion des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail- l'Agefiph -, aucun dispositif similaire n'existe pour les employeurs publics. Ces derniers échappent donc à toute sanction en cas de non-respect de l'obligation d'emploi et ne peuvent bénéficier d'aides pour le financement d'aménagements de postes ou d'actions visant à l'accueil et à l'insertion professionnelle des personnes handicapées, exception faite pour la fonction publique de l'Etat.

C'est pour remédier à cette situation et répondre ainsi à l'une des préconisations du Conseil économique et social (24) qu'est prévue la création d'un fonds commun aux trois fonctions publiques reposant sur un système contributif analogue à celui existant dans le secteur privé. Ce fonds « d'insertion des personnes handicapées » sera scindé en trois sections distinctes : fonction publique de l'Etat, territoriale et hospitalière. Sa mise en place effective est annoncée pour le 1er janvier 2006.

L'exposé des motifs explique que ce fonds aura vocation à financer notamment :

 l'accompagnement et la sensibilisation des employeurs publics à l'insertion des personnes handicapées ;

 l'aménagement des postes de travail, des moyens de transport utilisés par les personnes handicapées pour rejoindre leur lieu de travail ;

 des actions de formation ou d'information à destination des personnes handicapées ou des personnels ;

 des outils de recensement des bénéficiaires de l'obligation d'emploi ;

 le versement de subventions à des organismes contribuant, par leur action, à l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique ;

 la réalisation d'études et les frais de gestion du fonds.

Côté ressources, ce fonds devrait être alimenté par les contributions des employeurs publics qui emploient plus de 20 agents, comme c'est le cas pour les entreprises qui cotisent à l'Agefiph. Ces contributions affectées à la section correspondant à l'employeur (Etat, collectivité territoriale, hôpital), seraient notamment calculées en fonction du taux d'emploi des personnes handicapées au sein de la structure, des sommes dégagées pour des mesures favorisant l'insertion professionnelle de ces publics et des effectifs globaux employés. « Il s'agit au cas d'espèce de majorer le niveau de contribution des employeurs les plus importants et qui ont donc plus de facilités pour employer des personnes handicapées », précise l'exposé des motifs.

Dans ce cadre, l'effectif total pris en compte sera constitué de l'ensemble des agents rémunérés pendant une période d'au moins 6 mois au cours de l'année civile. Quant aux personnes bénéficiaires de l'obligation d'emploi, sont comptabilisées celles rémunérées pendant au moins 6 mois au cours de l'année civile. Dans tous les cas, chaque agent compte pour une unité.

b - L'accès à la fonction publique

La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que l'accès à la fonction publique est notamment subordonné à une condition d'aptitude physique liée à l'exercice de la fonction. Avec le projet de loi, cette aptitude physique exigée pour avoir la qualité de fonctionnaire devra s'apprécier en fonction des aides techniques susceptibles d'être mises en œuvre pour compenser le handicap.

Le projet de loi prévoit également de modifier les dispositions particulières d'accès à la fonction publique de l'Etat.

Il est ainsi prévu d'étendre à l'ensemble des bénéficiaires de l'obligation d'emploi atteints d'un handicap, et dont la liste est fixée à l'article L. 323-3 du code du travail, certains avantages accordés jusqu'à maintenant aux seuls agents bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en matière de mutation ou de détachement. Il s'agit, aussi, selon le cas, de la non-opposabilité des limites d'âge supérieures fixées pour l'accès aux grades et emplois publics ou de la possibilité de bénéficier d'un recul de ces limites. Des dérogatio

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