(Loi n° 2003-1200 et décision du Conseil constitutionnel n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003, J.O. du 19-12-03)
Parallèlement à la décentralisation du revenu minimum d'insertion (RMI) (1), la loi du 18 décembre 2003 crée le contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) destiné à encourager le retour à une activité professionnelle des allocataires du revenu minimum d'insertion. Sont plus précisément visés ceux « qui ne peuvent accéder à l'emploi dans les conditions ordinaires du marché du travail et pour lesquels un temps d'adaptation est nécessaire » (2). Pour le ministre des Affaires sociales, François Fillon, l'objectif est clair : « il s'agit de créer une transition entre l'assistance et le travail [...], d'instaurer une passerelle entre le revenu de solidarité et l'emploi ordinaire » (J.O.A.N. [C.R.] n° 110 du 20-11-03).
Ce nouveau contrat de travail, dérogatoire au droit commun sur de nombreux points, a provoqué de virulentes réactions de la part des associations œuvrant dans le domaine de l'exclusion, qui, au-delà des imperfections du dispositif lui-même, dénonçaient également l'absence de concertation et la précipitation dans laquelle le texte avait été élaboré (3). Mais leurs critiques n'ont pas infléchi la position du gouvernement. Les griefs formulés par la députée (UMP) Christine Boutin, rapporteure de la loi à l'Assemblée nationale, n'auront pas été plus entendus (4). Lors des débats en séance publique, le gouvernement et la majorité ont en effet méthodiquement écarté la plupart de ses amendements - pourtant soutenus par la commission des affaires sociales du Palais-Bourbon - qui modifiaient en profondeur certains aspects du contrat. Au final, la loi, adoptée au pas de charge par les parlementaires et validée dans la foulée par le Conseil constitutionnel, n'a pas beaucoup évolué par rapport au projet initial.
Le CI-RMA est un contrat à temps partiel d'une durée maximale de 18 mois, assurant à son titulaire un revenu minimum d'activité (RMA) au moins égal au produit du SMIC horaire par le nombre d'heures de travail effectuées. Promesse de campagne de Jacques Chirac, le RMA est composé d'une allocation forfaitaire équivalant au RMI pour une personne seule diminué du forfait logement (soit 367,73 € depuis le 1er janvier 2004) et d'un complément de salaire à la charge de l'employeur. Dénoncé à maintes reprises par les associations, ce caractère mixte du revenu minimum d'activité induit une protection sociale réduite pour ses bénéficiaires, en particulier en matière d'acquisition de droits à retraite et à assurance chômage.
Le titulaire du CI-RMA bénéficie d'un accompagnement renforcé vers l'emploi. Une convention, conclue préalablement à l'embauche entre l'employeur et le département, détermine ainsi, au vu du projet professionnel du bénéficiaire, les actions d'insertion qui devront être réalisées, directement ou non, par l'employeur (orientation professionnelle, tutorat, suivi individualisé, formations...). L'employeur, quant à lui, bénéficie, notamment, d'une aide financière du département correspondant à la composante forfaitaire du RMA et, en plus, dans le secteur non marchand, d'une exonération de cotisations sociales.
Le loi est applicable depuis le 1er janvier 2004 aussi bien en métropole que dans les départements d'outre-mer. Mais l'entrée en vigueur effective du contrat insertion-revenu minimum d'activité nécessite encore la publication d'une série de décrets dont les premiers sont annoncés pour le mois de février.
Dans ce numéro :
I - La conclusion du contrat insertion-RMA
A - Quel est l'objet du CI-RMA question
B - Qui peut conclure un CI-RMA question
C - Quelles sont les conditions préalables ?
II - Les conditions d'emploi
A - La nature et la forme du contrat
B - La rémunération du salarié
C - Les actions d'insertion au profit du salarié
D - Les cas de cumul d'activité
E - Les causes de rupture du contrat
Dans un prochain numéro :
III - Les aides accordées à l'employeur
IV - Les droits garantis aux bénéficiaires du RMA
Le « contrat insertion-revenu minimum d'activité » est un contrat de travail destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Il s'inscrit dans le cadre du parcours d'insertion que définit l'allocataire avec le département lors de la conclusion, dans les 3 mois qui suivent la mise en paiement du RMI, de son contrat d'insertion (code du travail [C. trav.], art. L. 322-4-15 nouveau).
Du fait qu'il vise, au-delà de l'insertion professionnelle, l'insertion sociale de ses bénéficiaires, le CI-RMA « diffère notablement des autres contrats aidés tels le contrat emploi-solidarité ou le contrat initiative-emploi », relève Christine Boutin, rapporteure de la loi à l'Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 1216, novembre 2003, Boutin).
A noter : si la loi est muette sur le caractère obligatoire ou non du CI-RMA, pour le ministre des Affaires sociales, cela ne fait aucun doute : « le revenu minimum d'activité n'est pas un sas obligatoire. Il élargit simplement la gamme des étapes vers l'emploi aidé ou de droit commun » (J.O.A.N.[C.R.] n° 110 du 20-11-03). Affirmation confirmée par le Conseil constitutionnel, selon qui les allocataires du revenu minimun d'insertion ont « la possibilité de s'opposer à l'inclusion du contrat insertion-revenu minimum d'activité parmi les actions d'insertion qui [leur] sont proposées » par le département dans le cadre de l'élaboration de leur contrat d'insertion.
Pour tenter d'adoucir les effets de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) (5) , l'article 49 de la loi du 18 décembre 2003 prévoit que les personnes dont les droits à l'allocation viennent à expiration bénéficient, en priorité, d'un contrat emploi-solidarité ou d'un contrat initiative-emploi lorsqu'elles ne remplissent pas les conditions pour percevoir le revenu minimum d'insertion (RMI) et donc obtenir un contrat insertion- revenu minimum d'activité (CI-RMA).
Selon les annonces de François Fillon, les anciens allocataires de l'ASS remplissant les conditions d'accès au RMI pourront, quant à eux, conclure un CI-RMA sans délai (voir ci-contre)
Aux termes de la loi, le contrat insertion-revenu minimum d'activité est réservé aux personnes remplissant les conditions pour conclure, dans le cadre de l'attribution du RMI, un contrat d'insertion visé à l'article L. 262-37 du code de l'action sociale et des familles. Sont donc concernés l'allocataire du RMI ainsi que les personnes de son foyer prises en compte pour la détermination du montant de l'allocation et satisfaisant à une condition d'âge, désormais appréciée par le département (C. trav., art. L. 322-4-15-3 nouveau).
Un décret déterminera la condition d'ancienneté minimale dans le revenu minimum d'insertion nécessaire pour bénéficier d'un CI-RMA. Lors des débats parlementaires, François Fillon s'est engagé à ce que le décret fixe un délai de un an (6). « Si nous constations, après un an de fonctionnement [...], que ce ne sont pas les plus éloignés de l'emploi qui bénéficient du CI-RMA, nous pourrions alors être amenés à allonger cette durée », a expliqué le ministre (J.O.A.N. [C.R.] n° 112 du 22-11-03). L'objectif étant de limiter l'accès du contrat aux personnes éloignées de l'emploi, c'est-à-dire ni celles « fortement désocialisées [...] qui relèvent alors prioritairement de l'insertion sociale, ni [celles] relativement proches du marché du travail qui n'ont pas forcément besoin d'un accompagnement très renforcé et qui relèvent alors soit d'autres contrats aidés (CES, CIE), soit de l'emploi ordinaire » (Rap. Sén. n° 304, tome I, mai 2003, Seillier).
En outre, François Fillon a annoncé aux députés, le 21 novembre 2003, que les ex-allocataires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) pourront accéder directement au CI-RMA, sans qu'une durée de perception préalable du RMI ne soit exigée d'eux (7).
Selon la loi, peuvent conclure un contrat insertion- revenu minimum d'activité avec un bénéficiaire du RMI aussi bien les employeurs du secteur marchand que non marchand. Sont visés (C. trav., art. L. 322-4-15-1 nouveau) :
les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ainsi que les autres personnes morales de droit public ;
les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public ;
les organismes de droit privé à but non lucratif ;
les employeurs autres que ceux susmentionnés, dont les établissements industriels et commerciaux, publics et privés et leurs dépendances, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les offices publics ou ministériels, les professions libérales.
En revanche, sont expressément exclus du bénéfice de ce contrat :
les particuliers employeurs ;
les services de l'Etat, du département et, dans les départements d'outre-mer, des agences d'insertion.
La passation d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité est subordonnée, d'une part, à la conclusion d'une convention entre le département et l'employeur et, d'autre part, à des conditions propres à l'employeur.
Pour chaque bénéficiaire du RMI embauché en contrat insertion-revenu minimum d'activité, l'employeur doit, au préalable, conclure avec le département une convention qui détermine les conditions de mise en œuvre du projet d'insertion professionnelle du salarié dans le cadre de son parcours d'insertion (C. trav., art. L. 322-4-15-1 et L. 322-4-15-2 nouveaux). Cette convention « permet d'articuler insertion sociale et professionnelle, actions du département et de l'employeur. C'est par [son] biais que le département teste la réalité de la volonté de l'entreprise et de sa capacité à mener les actions qui lui incomberont. Elle est le verrou que le département peut actionner pour fermer l'accès au dispositif aux employeurs indélicats ou aux moyens insuffisants pour assurer la réussite de l'insertion » (Rap. A.N. n° 1216, novembre 2003, Boutin).
Le contenu de la convention et sa durée, qui ne peut excéder 18 mois, seront déterminés par décret. La loi précise d'ores et déjà qu'elle doit prévoir des actions et fixer des objectifs en matière d'orientation professionnelle, de tutorat, de suivi individualisé, d'accompagnement dans l'emploi, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience. Et préciser les conditions de leur mise en œuvre par l'employeur (C. trav., art. L. 322-4-15-2 nouveau).
Les conventions passées avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs, les personnes morales de droit public, les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public et les organismes de droit privé à but non lucratif sont conclues uniquement dans le cadre du développement d'activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits (C. trav., art. L. 322-4-15-1 nouveau). Le but affiché étant de ne pas concurrencer le secteur marchand.
La convention est renouvelée à l'issue d'une évaluation des conditions d'exécution des actions qu'elle prévoit (C. trav., art. L. 322-4-15-4 nouveau).
La loi du 18 décembre 2003 ouvre aux bénéficiaires du contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) l'accès au contrat initiative-emploi, réservé par l'article L. 322-4-2 du code du travail aux bénéficiaires de minima sociaux, aux personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi et aux chômeurs de longue durée. Pour cette dernière catégorie, une durée d'inscription comme demandeur d'emploi est exigée. Désormais, la période passée en CI-RMA est assimilée à une période de chômage prise en compte pour l'accès au contrat initiative-emploi (C. trav., art. L. 322-4-2 modifié) .
Pour la rapporteure Christine Boutin, cette disposition « semble superfétatoire puisque les bénéficiaires du RMA continuent d'être allocataires du RMI [voir page 16] - même si son montant peut être égal à zéro dès lors que l'employeur verse l'aide départementale équivalente au RMI - et sont à ce titre bénéficiaires d'un minimum social. En tout état de cause, elle ne saurait constituer une dénégation implicite de la qualité de bénéficiaire du RMI du signataire » du contrat insertion-revenu minimum d'activité (Rap. A.N. n° 1216, novembre 2003, Boutin).
Pour recruter un salarié en CI-RMA, l'employeur doit (C. trav., art. L. 322-4-15-1 nouveau) :
ne pas avoir procédé à un licenciement pour motif économique dans les 6 mois précédant la date d'effet du contrat ;
ne pas avoir licencié un salarié en contrat à durée indéterminée pour procéder à une embauche en CI-RMA, que ce licenciement soit pour motif économique ou pour motif personnel. S'il apparaît que l'embauche a eu pour conséquence un tel licenciement, la convention conclue avec le département peut être dénoncée par ce dernier, l'employeur étant alors obligé de rembourser l'aide perçue ainsi que les exonérations de charges dont il a bénéficié ;
être à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales. A noter : l'amendement de Christine Boutin qui limitait, pour les entreprises de 20 salariés et plus, à 5 % des effectifs le nombre de salariés embauchés en CI-RMA n'a pas été retenu par l'Assemblée nationale. Selon la rapporteure, cette clause devait pourtant permettre d'éviter « les effets d'aubaine pour des employeurs peu scrupuleux [et] qu'un employeur, peu conscient de la lourdeur des obligations liées à l'emploi d'un bénéficiaire du RMA, ne s'engage dans une démarche peu réaliste » (Rap. A.N. n° 1216, novembre 2003, Boutin).
Le contrat insertion-revenu minimum d'activité est un contrat de travail à durée déterminée (CDD) fixant les modalités de mise en œuvre des actions définies dans la convention conclue entre l'employeur et le département. Il peut également revêtir la forme d'un contrat de travail temporaire (C. trav., art. L. 322-4-15-4 nouveau).
Lorsqu'il prend la forme d'un contrat à durée déterminée, le contrat insertion-RMA est conclu en application de l'article L. 122-2 du code du travail, qui autorise le recours au CDD pour « favoriser l'embauche de certaines catégories de personnes sans emploi ». Ce qui lui rend inapplicables les dispositions légales relatives à l'indemnité de précarité, au délai de carence entre deux contrats et à la durée de droit commun des contrats à durée déterminée (Rap. A.N. n° 1216, novembre 2003, Boutin).
La durée du contrat insertion-RMA sera fixée par décret. Mais la loi indique d'ores et déjà qu'elle ne peut excéder 18 mois, renouvellement compris. Le contrat pouvant être renouvelé deux fois, la durée initiale du CI-RMA devrait, en toute logique, être de 6 mois (C. trav., art. L. 322-4-15-4 nouveau).
Les conditions du renouvellement du contrat seront également définies par décret. La loi précise toutefois qu'il est subordonné à celui de la convention département-employeur par voie d'avenant . La décision de renouvellement est notifiée à l'employeur et au salarié. Les conditions de suspension du contrat insertion-RMA doivent, elles aussi, être déterminées par décret (C. trav., art. L.322-4-15-4 nouveau).
Enfin, la loi stipule que le CI-RMA doit être conclu sous forme écrite (C. trav., art. L. 322-4-15-4 nouveau).
L'article 44 de la loi institue un droit d'information des représentants du personnel sur les contrats insertion-revenu minimum d'activité conclus dans l'entreprise ou l'établissement. Ainsi, les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des CI-RMA conclus, comme ils peuvent déjà le faire s'agissant des contrats de mise à disposition d'un travailleur intérimaire (C. trav., art. L. 422-1 modifié) . Le comité d'entreprise, de son côté, ou, à défaut, les délégués du personnel, doivent être informés par l'employeur de la conclusion de conventions ouvrant droit à des CI-RMA. Ils reçoivent chaque trimestre dans les entreprises de plus de 300 salariés et chaque semestre dans les autres un bilan de l'ensemble des embauches et des créations nettes d'emplois effectuées dans ce cadre.
Le CI-RMA est un contrat de travail à temps partiel. La durée minimale de travail de ses bénéficiaires est de 20 heures par semaine (C. trav., art. L. 322-4-15-4 nouveau). Elle peut donc être portée au-delà tant qu'elle reste inférieure à la durée collective de travail applicable.
Pour François Fillon, l'intérêt d'un temps partiel est, notamment, « de préserver la disponibilité nécessaire à l'acquisition éventuelle d'une formation professionnelle, complémentaire des actions de tutorat ou d'adaptation à l'emploi organisées par l'employeur » (J.O. Sén. [C.R.]n° 48 du 27-05-03).
La période d'essai est de un mois sauf si des clauses conventionnelles prévoient une durée moindre (C. trav., art. L. 322-4-15-4 nouveau).
Selon le nouvel article L. 322-4-15-6 du code du travail, le bénéficiaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité perçoit un revenu minimum d'activité (RMA) dont le montant est au moins égal au produit du SMIC horaire par le nombre d'heures de travail effectuées.
Actuellement, pour un SMIC horaire de 7,19 € et une durée du travail de 20 heures par semaine (soit 87 heures par mois), le RMA s'élève donc à au moins 625,53 € bruts. Etant entendu que l'employeur peut proposer un taux horaire supérieur au SMIC. En outre, dans le cas où les conventions collectives prévoient un minimum salarial supérieur au SMIC, celui-ci peut s'appliquer (Rap. Sén. n° 304, tome I, mai 2003, Seillier).
Les modalités de détermination du montant du RMA doivent être fixées par décret. Il se décomposera, en fait, en :
une somme forfaitaire égale à l'aide versée par le département à l'employeur, soit le montant du RMI pour une personne seule, après abattement du forfait logement ;
et un salaire différentiel à la charge de l'employeur. C'est sur ce seul complément que sont prélevées les cotisations et contributions sociales, salariales et patronales .
La loi prévoit que les cotisations salariales et patronales de sécurité sociale sont assises sur le seul « différentiel de salaire » directement pris en charge par l'employeur (C. trav., art. L.322-4-15-7 nouveau).
Ainsi, explique la rapporteure Christine Boutin, « outre l'assurance d'un revenu garanti équivalent au SMIC, ce dispositif dispense le bénéficiaire du RMA du versement de cotisations salariales sur la partie forfaitaire et lui assure donc une rémunération nette supérieure à celle du SMIC net » (Rap. A.N. n° 1216, novembre 2003, Boutin). Mais cette « inégalité de salaire au profit du bénéficiaire du RMA et au détriment du salarié de droit commun employé pour la même durée [...] risque de poser problème non seulement au sein de l'entreprise mais aussi lors de la sortie du bénéficiaire du RMA du dispositif [puisque, en accédant] à un véritable emploi, il toucherait moins que sous CI-RMA », relève la députée (Rap. A.N. n° 1216, novembre 2003, Boutin).
Autre inconvénient : « le bénéficiaire du RMA ne se constitue que des droits à retraite réduits », soit deux trimestres au lieu de quatre pour un salarié ordinaire travaillant pour une même durée de 20 heures par semaine. Il en va de même en matière de droits à l'assurance chômage (Rap. A.N. n° 1216, novembre 2003, Boutin).
Considérant qu'il résultait de cette mesure une rupture de l'égalité entre salariés effectuant le même travail, les parlementaires de l'opposition ont saisi le Conseil constitutionnel. Mais la Haute Juridiction a rejeté leurs arguments. Elle a en effet estimé que « les bénéficiaires du contrat insertion-revenu minimum d'activité, qui sont titulaires d'un contrat de travail tout en continuant à bénéficier de l'allocation de revenu minimum d'insertion [...], se trouvent dans une situation différente de celles des autres salariés ». Et que la finalité d'intérêt général poursuivie par le législateur en matière de lutte contre le chômage et l'exclusion « justifie également qu'une partie du salaire ne donne pas lieu à cotisations sociales et n'ouvre pas de droit différé aux prestations de l'assurance vieillesse et de l'assurance chômage ».
Pour la députée (UMP) Christine Boutin, rapporteure de la loi, mais aussi pour beaucoup d'autres parlementaires, il aurait fallu tirer les conséquences du versement total du revenu minimum d'activité (RMA) par l'employeur en le qualifiant de salaire, augmentant par-là même la protection sociale (chômage, retraite) du bénéficiaire, puisque c'est sur l'ensemble du RMA que les cotisations sociales auraient été prélevées. Elle avait déposé un amendement en ce sens : adopté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, il ne fut, en revanche, pas retenu par les députés qui suivirent le gouvernement, farouchement opposé à cette idée.
Selon le ministre des Affaires sociales, « l'assimilation pure et simple du RMA à un salaire compromet la viabilité du mécanisme d'insertion. Celui-ci repose en effet sur une double attractivité, à la fois pour les employeurs potentiels et pour les allocataires du revenu minimum d'insertion concernés. » Pour les employeurs du secteur marchand, les charges sociales découlant d'une telle assimilation « rendraient dissuasif le coût de l'embauche d'un allocataire du revenu minimum d'insertion ». Pour les allocataires eux-mêmes, le montant du RMA « serait diminué de 80 € » (J.O.A.N. [C.R.] n° 112, du 22-11-03) . Le Conseil constitutionnel a validé ce point de vue :selon lui, ces mesures, « qui sont de nature à diminuer le coût induit par l'emploi de ces personnes et à inciter les employeurs à les recruter, sont en rapport direct avec la finalité d'intérêt général poursuivie par le législateur en matière de lutte contre le chômage et l'exclusion ».
En conséquence, seul le différentiel de rémunération restant à la charge de l'employeur est considéré juridiquement comme un salaire soumis à cotisations sociales.
Le revenu minimum d'activité, dans ses deux composantes, est versé par l'employeur, selon des modalités qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat (C. trav., art. L. 322-4-15-6).
Le revenu minimum d'activité n'est pas assujetti à l'impôt sur le revenu (code général des impôts, art. 81 modifié). Cette exonération est également applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.
La loi prévoit le maintien du revenu minimum d'activité, par l'employeur, dans des conditions fixées par décret, dès le premier jour d'arrêt de travail du salarié en cas (C. trav., L. 322-4-15-6 II nouveau) :
d'incapacité physique, médicalement constatée, de continuer ou de reprendre le travail, ouvrant droit aux indemnités journalière de la sécurité sociale ;
d'accident du travail ou de maladie professionnelle ouvrant droit aux indemnités journalières de la sécurité sociale ;
de congé légal de maternité, de paternité ou d'adoption donnant droit aux indemnités journalières.
Le but de cette disposition est de ne pas pénaliser le titulaire du contrat insertion-revenu minimum d'activité qui, rappelons-le, ne cotise que sur une assiette réduite , et ne devrait donc percevoir que des indemnités journalières réduites elles aussi. A la place des indemnités journalières, le salarié continue donc, dans les cas précédemment cités et dans le limite de la durée du contrat, à percevoir le RMA et ce, sans délai de carence. « Dans la mesure où l'employeur est tenu d'assurer le maintien du [RMA], il lui appartiendra alors de prendre directement à sa charge ce que ne versera pas la sécurité sociale », précise Bernard Seillier (Rap. Sén. n° 304, tome I, mai 2003, Seillier).
En outre, en cas de suspension du CI-RMA pour incapacité médicalement constatée, maternité, paternité ou adoption, son bénéficiaire continue, même s'il n'ouvre pas droit aux indemnités journalières, à percevoir de l'employeur la partie du RMA correspondant à l'aide que ce dernier reçoit du département (C. trav., art L.322-4-15-6 I nouveau). Il s'agit ici de garantir à l'intéressé le versement d'une allocation minimale même s'il ne remplit pas les conditions pour percevoir les indemnités journalières, ce qui est notamment le cas si l'arrêt de travail intervient en début de contrat.
Les modalités de versement du RMA en cas de suspension du contrat de travail seront fixées par décret (C. trav., art. L. 322-4-15-6 III nouveau).
Dans les départements d'outre-mer (DOM), depuis le 1er janvier 2004, la plupart des attributions relatives au revenu minimum d'insertion ne sont pas exercées par les départements mais par les agences d'insertion (8) . Dans un souci de cohérence, la loi du 18 décembre 2003 leur donne certaines compétences en matière de revenu minimum d'activité. Ainsi, les agences d'insertion sont chargées de (CASF, art. L. 522-18 nouveau) :
conclure avec l'employeur la convention préalable à la signature d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) ;
éventuellement renouveler cette convention après évaluation des compétences professionnelles du salarié et de sa participation à l'activité de l'établissement ;
résilier la convention en cas de cumul non autorisé entre le CI-RMA et une autre activité professionnelle rémunérée ;
verser l'aide à l'employeur et, le cas échéant, déléguer le service de cette aide à un organisme tiers ;
conduire des actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du revenu minimum d'activité ;
financer l'aide complémentaire pour prendre en charge les coûts afférents à l'embauche et à la formation des bénéficiaires d'un CI-RMA.
L'agence d'insertion reçoit du département les crédits nécessaires à la mise en œuvre de ces attributions, selon une convention qui détermine le montant et les modalités de leur versement.
Selon le nouvel article L. 322-4-15-8 du code du travail, le bénéficiaire du CI-RMA fait l'objet d'actions destinées à faciliter son retour à l'emploi, menées par le département, avec la participation de l'Etat, des collectivités territoriales et de l'employeur.
Dans cet objectif, l'Etat et le département concluent, dans le cadre de leurs compétences respectives, une convention qui détermine les modalités de participation des services de l'Etat à la mise en œuvre, au financement, au suivi et à l'évaluation du dispositif d'insertion professionnelle des bénéficiaires du CI-RMA défini dans la convention signée entre l'employeur et le département.
De la même manière, la loi prévoit la possibilité pour le département de conclure une convention avec l'ANPE pour la mise en œuvre des CI-RMA. L'agence « pourrait notamment contribuer à élargir l'offre d'insertion, à réaliser la pré-orientation vers le dispositif, à définir les parcours d'insertion et à accompagner les bénéficiaires du CI-RMA jusqu'à la sortie vers l'emploi en mobilisant ses compétences en matière d'orientation professionnelle, d'évaluation des compétences et d'offres d'emploi » (Rap. Sén. n° 304, tome I, mai 2003, Seillier).
Un décret doit déterminer les modalités d'application de ces dispositions.
Le contrat insertion-revenu minimum d'activité ne peut se cumuler avec une autre activité professionnelle rémunérée - emploi ou stage de formation rémunéré - que si la convention département-employeur le prévoit. Et ce cumul ne peut intervenir qu'à l'issue d'une période de 4 mois à compter de la date d'effet du contrat initial. Si ces conditions ne sont pas respectées, le cumul peut donner lieu à la résiliation de la convention département-employeur par le président du conseil général. Si tel est le cas, l'employeur peut rompre le contrat avant son terme, sans avoir à verser de dommages et intérêts (C. trav., art. L. 322-4-15-5 nouveau).
Si ce principe de non-cumul peut paraître strict, « son application est finalement assez souple », fait remarquer Bernard Seillier, rapporteur de la loi au Sénat. « C'est en effet au président du conseil général qu'il appartient de tirer les conséquences d'un éventuel cumul en décidant ou non de résilier la convention. S'il choisit de ne pas résilier la convention, le CI-RMA ne peut alors être rompu par l'employeur » (Rap. Sén., n° 304, tome I, mai 2003, Seillier ).
Par ailleurs, la loi prévoit que les titulaires du CI-RMA peuvent bénéficier, dans des conditions qui seront fixées par décret, du contrat d'appui au projet d'entreprise instauré par la loi pour l'initiative économique (C. trav., art. L. 322-4-15-5 nouveau). Pour mémoire, ce contrat, d'une durée de 12 mois au maximum renouvelable 2 fois, permet à une personne non salariée à temps complet s'engageant à suivre un programme de préparation à la création ou la reprise d'entreprise de bénéficier d'une aide particulière fournie par une personne morale (entreprise, association) (9).
En principe, selon l'article L. 122-3-8 du code du travail, le salarié en contrat à durée déterminée ne peut rompre ce dernier unilatéralement avant son terme que s'il justifie d'une embauche en contrat à durée indéterminée, mais il reste tenu d'effectuer sa période de préavis (10). L'employeur, de son côté, peut mettre fin au contrat à durée déterminée de façon anticipée uniquement en cas de faute grave ou de force majeure, sous peine d'avoir à verser des dommages et intérêts. Mais le contrat insertion-revenu minimum d'activité ayant vocation à ne constituer qu'une première étape dans un parcours d'insertion, il est apparu souhaitable au législateur d'assouplir certaines de ces règles de droit commun, afin de permettre au salarié d'accélérer son passage vers l'emploi ordinaire.
Ainsi, par dérogation aux dispositions de l'article L. 122-3-8 du code du travail, le salarié peut rompre son contrat insertion-revenu minimum d'activité avant son terme s'il justifie (C. trav., art. L.322-4-15-5 nouveau) :
d'une embauche à durée indéterminée ou déterminée d'au moins 6 mois ;
ou du suivi d'une formation conduisant à une qualification mentionnée aux quatre premiers alinéas de l'article L. 900-3 du code du travail, c'est-à-dire « une qualification correspondant aux besoins de l'économie prévisibles à court ou moyen terme » reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche ou figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle.
En outre, à la demande du salarié, le CI-RMA peut être suspendu afin de lui permettre d'effectuer la période d'essai afférente à une offre d'emploi. En cas d'embauche à l'issue de cette période d'essai, le contrat insertion-revenu minimum d'activité est rompu sans préavis (C. trav. art. L. 322-4-15-5 nouveau).
Par ailleurs, le contrat peut être rompu avant son terme lorsque le salarié a cumulé, sans y être autorisé, son CI-RMA avec une autre activité professionnelle rémunérée . Son employeur n'est alors pas tenu de lui verser des dommages et intérêts (C. trav., art. L. 322-4-15-5 nouveau).
À SUIVRE...
(1) Voir ASH n° 2341 du 9-01-04 et n° 2342 du 16-01-04.
(2) Exposé des motifs du projet de loi.
(3) En dernier lieu, voir ASH n° 2313 du 30-05-03 et n° 2319 du 11-07-03.
(4) Voir ASH n° 2335 du 28-11-03.
(5) Voir ASH n° 2341 du 9-01-04.
(6) L'exposé des motifs du projet de loi prévoyait un délai de 2 ans.
(7) Voir ASH n° 2330 du 24-10-03.
(8) Voir ASH n° 2342 du 16-01-04.
(9) Voir ASH n° 2321 du 22-08-03.
(10) Sa durée est calculée à raison d'un jour par semaine compte tenu de la durée totale du contrat, renouvellement inclus, dans une limite maximale de 15 jours.