La loi pour la sécurité intérieure, qui fait du « racolage passif » un délit tout en s'attaquant au proxénétisme (1), « parvient non pas à l'abolition des conditions esclavagistes de l'exercice de la prostitution dans les faits, mais à son abolition statistique ». Le rapport sur la prostitution dans la capitale (2) remis fin novembre à Christophe Caresche, député de Paris et adjoint au maire chargé de la prévention et de la sécurité, vient contredire le satisfecit de Nicolas Sarkozy. Le ministre de l'Intérieur annonçait, le 7 janvier, une baisse de 40 % de la prostitution à Paris, où se concentrent de 7 000 à 8 000 des personnes prostituées sur les 20 000 à 25 000 estimées en France.
Le rapport, réalisé sous la direction de Marie-Elisabeth Handman, maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, et Janine Mossuz- Lavau, directrice de recherche au CNRS, explique que certaines prostituées ne font qu'éviter les « horaires policiers », en ne sortant que très tard la nuit, et quittent les grands boulevards pour s'installer dans les petites rues. Cette plus grande discrétion complique le travail des associations qui ont plus de mal à entrer en contact avec elles : « il faudrait donc davantage de bus et de personnel. Or, en cette année 2003, le budget des directions départementales des affaires sanitaires et sociales ayant été réduit drastiquement, aucun investissement en ce sens ne paraît possible », regrette le rapport. Résultats : « le lien social est coupé », « la politique de santé publique est mise à mal » et les travailleurs sociaux se trouvent dans une position inconfortable « à cause de leur impuissance face à la situation créée et de l'incertitude quant à la possibilité de continuer les suivis ».
Les auteurs formulent par ailleurs une série de propositions pour améliorer l'aide et la réinsertion sociale des personnes prostituées, notamment par le biais d'un hébergement « sécurisé » les mettant à l'abri des réseaux de proxénètes. Ils préconisent un renforcement des moyens matériels et financiers des associations, mais aussi la création d'un « corps d'assistance et de médiation » entre les riverains, les personnes prostituées et les associations. Ce dernier pourrait faciliter le repérage des personnes pour les orienter vers les services d'aide ou les centres d'accueil. Idée d'ailleurs retenue par la mairie, qui s'apprête à confier une mission de médiation à une association. « Nous avons aussi passé un accord avec un centre d'hébergement, dans le centre de la France, pour leur proposer un accueil sécurisé », ajoute Christophe Caresche.
Le rapport suggère également une évolution des politiques sociales envers cette population, qui, puisqu'elle paie des impôts sur les bénéfices non commerciaux, devrait avoir, selon les auteurs, des droits sociaux (sécurité sociale, retraite...).
(1) Voir ASH n°2303 du 21-03-03.
(2) La prostitution à Paris - Sous la direction de Marie-Elisabeth Handman et Janine Mossuz-Lavau - Octobre 2003.