Si le ministre de la Justice, Dominique Perben, a écarté d'une phrase méprisante le récent rapport de l'Observatoire international des prisons (1), il ne peut décemment en faire autant du court texte adopté à l'unanimité par l'Académie de médecine (2). Cette assemblée attire son attention « sur les grandes insuffisances de prise en charge sanitaire des détenus qui persistent dans un grand nombre d'établissements pénitentiaires, du fait de structures architecturales souvent anciennes et inadaptées et de l'insuffisance de moyens matériels et humains ».
L'académie était amenée à se prononcer, à la demande du ministre de la Santé, sur les situations pathologiques qui pourraient relever de la suspension de peine pour raison médicale prévue par la loi du 4 mars 2002 (3). Jugeant qu'elle ne pouvait répondre par une liste précise « en l'absence de toute donnée épidémiologique et de statistiques sur la pathologie observée en milieu carcéral », elle formule néanmoins des propositions. La « parfaite identité de vue » des médecins exerçant en milieu pénitentiaire auditionnés a manifestement emporté la conviction du groupe de travail présidé par Denys Pellerin.
Son rapport ne préconise pas la relaxe systématique des 470 détenus âgés de plus de 70 ans à qui il vaudrait mieux éviter le « traumatisme » d'un transfert - la prison étant souvent devenue « leur domicile » (4). Il relève néanmoins que les établissements sont souvent inadaptés aux handicaps physiques liés à l'âge et qu'il faudrait proposer un « accompagnement approprié » en fin de vie, ce qui « manque actuellement cruellement ».
En revanche, la suspension de peine devrait s'appliquer aux détenus, quel que soit leur âge, dont la situation pathologique engage le pronostic vital, à condition qu'ils bénéficient d'un entourage familial adapté ou que des dispositions d'accueil extérieur soient prises. Sinon, c'est à l'établissement d'assurer « les conditions du respect de la dignité de la personne par la mise en œuvre des soins palliatifs et d'accompagnement appropriés ».
Mais c'est pour la prise en charge plus globale des détenus atteints d'une affection que l'académie dénonce une carence assez générale, regrettant notamment l'arrêt fréquent du suivi médical quand les cellules sont fermées, parfois dès 17 heures. Elle souhaite « qu'une décision de justice ne puisse indirectement faire obstacle à une décision médicale prise dans l'intérêt du malade ». Elle demande que le juge de l'application des peines et les experts chargés de l'éclairer « tiennent le plus grand compte » de l'avis du médecin de l'unité carcérale de soins ambulatoires en charge du détenu. Ce médecin doit aussi permettre à son patient d'argumenter sa demande de remise de peine en lui fournissant un relevé détaillé de son état, du traitement suivi et de ses propositions. Cette remise du dossier médical apparaît comme « le respect des droits du malade dont ne saurait être privé le détenu ».
La chancellerie a fait savoir qu'elle « partageait » sur « certains points » le constat de l'académie et qu'une série de réformes (non précisée) est déjà entamée... Le garde des Sceaux a par ailleurs indiqué, le 13 janvier, que 75 détenus âgés ou malades ont bénéficié d'une suspension de peine à l'initiative de l'administration pénitentiaire.
(1) Voir ASH n° 2331 du 31-10-03.
(2) « Situations pathologiques pouvant relever d'une suspension de peine, pour raison médicale, des personnes condamnées, suite à l'article 720-1-1 du code de procédure pénale » - Disp. sur
(3) Voir ASH n ° 2264 du 24-05-02 et n° 2329 du 17-10-03.
(4) Sur les détenus âgés, voir aussi ASH n° 2253 du 8-03-02.