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ÉLOIGNEMENT DU TERRITOIRE ET NATIONALITÉ

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Après l'entrée et le séjour des étrangers en France (voir ASH n° 2336 du 5-12-03), nous présentons les dispositions de la loi « Sarkozy » sur l'immigration relatives à la « double peine », à la rétention administrative, aux zones d'attente et à la nationalité.

Les autres dispositions de la loi « Sarkozy » sur l'immigration (Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 et décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, J.O. du 27-11-03)

Un des rares sujets de consensus au cours des débats parlementaires sur la loi du 26 novembre 2003 aura été la réforme de la « double peine », pratique qui rend possible l'éloignement d'un étranger qui a purgé une peine de prison sur le territoire français. Les modifications se traduisent par un assouplissement de la législation - en matière d'expulsion, d'interdiction du territoire et d'assignation à résidence - en faveur des étrangers passibles, en principe, d'un éloignement du territoire mais ayant tissé des liens particulièrement forts avec la France. Le gouvernement devra, d'ici 5 ans, remettre au Parlement un rapport évaluant l'application de ces dispositions (art. 88 de la loi).

La loi sur l'immigration révise par ailleurs le régime de la rétention administrative, faisant passer notamment, dans certaines circonstances, sa durée maximale totale à 32 jours. Elle apporte également des modifications touchant au fonctionnement même des lieux de rétention et procède à d'importants changements dans le dispositif des zones d'attente.

La loi comporte enfin diverses autres dispositions, touchant notamment au droit de la nationalité.

En l'absence de dispositions particulières, la loi est entrée en vigueur le 29 novembre (un jour franc après sa publication).

La loi « Sarkozy » sur l'immigration dans les ASH

Dans notre numéro 2336 du 5-12-03: L'entrée et le séjour des étrangers

Dans ce numéro :

I - La réforme de la « double peine »

A - La modification du régime de l'expulsion B - La modification du régime de l'interdiction du territoire français C - Le règlement des situations antérieures à la réforme D - Les assignations à résidence

II - La réforme de la rétention administrative

A - Le placement en rétention B - L'information des étrangers retenus C - Le maintien en rétention D - Une possibilité d'appel suspensif E - La fin de la rétention

III - Le maintien en zone d'attente

A - L'information de l'étranger maintenu B - La « sécurisation juridique » du maintien en zone d'attente C - Une possibilité d'appel suspensif D -L'organisation des audiences

IV - La nationalité A - L'acquisition de la nationalité française par le mariage B - L'acquisition par déclaration des enfants recueillis en France C - L'acquisition par naturalisation D -L'incapacité d'acquisition de la nationalité française E - La déchéance de la nationalité française

I - LA RÉFORME DE LA « DOUBLE PEINE »

A - La modification du régime de l'expulsion

L'expulsion peut, en principe, être prononcée par l'autorité administrative à l'encontre d'un étranger si sa présence sur le territoire français constitue une « menace grave pour l'ordre public » (ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 [ord. 1945], art. 23 al. 1 inchangé). Depuis une loi du 29 octobre 1981, certaines catégories sont toutefois protégées contre la mesure d'éloignement. Une protection qui n'est que « relative » dans la mesure où elle peut être levée dans un certain nombre d'hypothèses. La loi sur l'immigration maintient l'existence de ces protections relatives mais en modifie les bénéficiaires (ord. 1945, art. 25 modifié). Elle crée par ailleurs une protection dite « absolue » pour certaines catégories d'étrangers ayant un lien particulièrement fort avec la France et instaure une nouvelle procédure permettant aux étrangers expulsés mais restés clandestinement sur le territoire de voir leur situation réexaminée.

1 - LA PROTECTION « RELATIVE » CONTRE L'EXPULSION (art. 36 et 37 de la loi)

a - La redéfinition des bénéficiaires de la protection

La loi du 26 novembre 2003 raccourcit la liste des catégories concernées par la protection « relative » (ord. 1945, art. 25 modifié).

Les étrangers qui bénéficient désormais de la « protection absolue », instaurée par ailleurs par la loi « Sarkozy » (voir ci-dessous), en ont ainsi été logiquement retirés : il s'agit des mineurs de 18 ans, ainsi que des étrangers justifiant par tous moyens résider en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de 10 ans (1).

Une catégorie est en revanche définitivement supprimée : celle des « étrangers en situation régulière qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ». « Le gouvernement considère qu'il est justifié d'éloigner un étranger à la moindre infraction dès lors que son seul lien avec la France réside dans la régularité de son séjour » (Rap. A.N. n° 949, juin 2003, Mariani).

Certaines des conditions devant être remplies par les étrangers pour bénéficier de la protection relative sont par ailleurs modifiées. Tel est le cas pour les étrangers parents d'enfants français, qui se voient appliquer les mêmes exigences qu'en matière de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale (2).

Ainsi, au final, la protection « relative » contre un arrêté d'expulsion ou une mesure de reconduite à la frontière est dorénavant accordée à l'étranger :

  « ne vivant pas en état de polygamie », qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, « à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant » depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (3)  ;

 ou est marié depuis au moins 2 ans (au lieu de un an auparavant) avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;

 ou justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de 15 ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant »  ;

 ou réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant »  ;

 ou est titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.

b - Les dérogations permettant l'éloignement d'étrangers protégés

La loi sur l'immigration ne modifie pas sur le fond les exceptions à la protection « relative » prévue par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 mais les réécrit simplement.

Les étrangers « protégés » en principe peuvent ainsi faire, malgré tout, l'objet d'un arrêté d'expulsion s'ils ont été condamnés définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à 5 ans (ord. 1945, art. 25 modifié).

Une expulsion peut, par ailleurs, toujours être prononcée à leur encontre si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique (ord. 1945, art. 25 bis 2° nouveau).

A noter : « en cas d'urgence absolue », toute expulsion peut être prononcée sans que l'étranger puisse bénéficier des garanties qui lui sont normalement accordées (information préalable de la mesure d'expulsion envisagée, avis préalable de la commission de l'expulsion) (ord. 1945, art. 25 bis 1° nouveau). Si l'expulsion constitue, en plus, une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, les étrangers concernés ne pourront bénéficier ni d'une protection relative, ni des garanties de la procédure de l'expulsion (ord. 1945, art. 25 bis 3° nouveau).

2 - L'INSTAURATION D'UNE PROTECTION « ABSOLUE » (art.38)

L'instauration d'une protection « absolue » contre les mesures d'expulsion et de reconduite à la frontière constitue l'avancée principale de la réforme de la « double peine ». Elle ne concerne pas tous les cas d'éloignement forcé mais seulement ceux frappant les étrangers qui ont des liens très particuliers avec la France. Par exemple les personnes ayant une femme et des enfants français, et n'ayant pas ou peu vécu dans leur pays d'origine, comme ce fut le cas dans les affaires Chalabi et Bouchelaleg citées à plusieurs reprises par le ministre de l'Intérieur aux cours des débats. Ce dernier, qui devait convaincre sa majorité, a utilisé deux arguments principaux. Le premier : il est « parfaitement injuste, quand quelqu'un a commis une faute, de faire peser le poids de celle-ci sur les épaules de la femme ou des enfants qui n'y sont pour rien » (J.O. Sén. [C.R.] n° 86 du 16-10-03). Le second : l'expulsion d'un étranger ayant l'essentiel de ses liens familiaux, sociaux et culturels en France, serait inefficace du point de vue de l'ordre public, l'intéressé décidant le plus souvent soit de ne pas quitter le territoire malgré la mesure d'expulsion, soit de revenir et de rester clandestinement en France.

Bien que présentée par le gouvernement comme étant « absolue », la nouvelle protection n'est toutefois pas totale dans la mesure où l'expulsion reste possible dans certains cas exceptionnels.

a - Les bénéficiaires de la protection

Sont désormais protégés « de façon absolue » contre une mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière (ord. 1945, art. 26 I nouveau)  :

 l'étranger mineur de 18 ans  ;

 l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans  ;

 l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 20 ans  ;

 l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

 l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 3 ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger résidant habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;

 l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (4).

Toutefois, dans ces deux derniers cas, la protection ne s'applique pas si les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

b - Les dérogations permettant l'éloignement d'étrangers protégés

Seuls les mineurs de 18 ans ne peuvent en aucun cas faire l'objet ni d'un arrêté d'expulsion ni d'une mesure de reconduite à la frontière (ord. 1945, art. 26 II nouveau). Des exceptions sont en effet prévues pour les autres catégories d'étrangers protégés en principe de façon absolue. Elles « recouvrent des comportements non seulement particulièrement graves au regard de la sûreté de l'Etat et du respect de l'ordre public, mais qui remettent également en cause la sincérité de leur attachement à la France et aux valeurs essentielles de la République » (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). La protection « absolue » peut ainsi être écartée en cas de comportements (ord. 1945, art. 26 I nouveau)  :

 de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat  ;

 liés à des activités à caractère terroriste  ;

La reconnaissance d'une mesure d'éloignement prononcée dans un pays de l'Union européenne (art.39)

La loi du 26 novembre 2003 transpose une directive européenne (5) de 2001 pour introduire en droit français le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement exécutoires prises par les Etats membres de l'Union européenne à l'encontre de ressortissants de pays tiers (ord. 1945, art. 26 bis modifié)

.Ainsi, le préfet - ou à Paris le préfet de police - peut désormais décider que l'étranger non-communautaire qui se trouve sur le territoire français et qui a fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par un autre Etat membre sera d'office reconduit à la frontière. Des précisions seront apportées par décret. Cette possibilité n'était ouverte auparavant qu'à l'encontre des étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne « ayant fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire » prise par l'un des autres Etats parties à la convention de Schengen et « se trouvant irrégulièrement sur le territoire métropolitain ».

 constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence en raison de l'origine ou de la religion des personnes.

Comme tout étranger faisant l'objet d'une expulsion, les personnes éloignées dans ce cadre bénéficient, sauf « en cas d'urgence absolue », des garanties prévues à l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : information préalable de la mesure d'expulsion envisagée, avis préalable de la commission de l'expulsion.

3 - LE RéEXAMEN DES MOTIFS DE L'ARRêTé D'EXPULSION (art.35)

Une procédure de réexamen automatique des motifs de l'arrêté d'expulsion est instaurée (ord.1945, art. 23 modifié). « Il s'agit de répondre à des situations jusqu'à présent insolubles, dans lesquelles se trouvent certains étrangers restés ou revenus sur le territoire français malgré l'arrêté d'expulsion dont ils font l'objet », explique le sénateur (UMP) Jean-Patrick Courtois (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). « Parfois, l'arrêté [...] n'a même jamais fait l'objet d'une mise à exécution de la part de l'administration. »

Le réexamen a lieu tous les 5 ans à compter de l'adoption de l'arrêté et tient compte « de l'évolution de la menace que constitue la présence de l'intéressé en France pour l'ordre public, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente ». La procédure peut donc aboutir éventuellement à l'abrogation de l'arrêté.

L'étranger peut présenter des observations écrites. La décision prise après réexamen peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif.

A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de 2 mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite refusant l'abrogation.

A noter : le réexamen des motifs de l'arrêté d'expulsion ne donne pas lieu à la consultation de la commission prévue à l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui entend normalement toute personne en passe d'être expulsée et donne son avis à l'autorité administrative compétente pour statuer.

B - La modification du régime de l'interdiction du territoire français

Comme les arrêtés d'expulsion, « les peines d'interdiction du territoire français sont vivement critiquées lorsqu'elles sont appliquées à des personnes ayant des liens familiaux, sociaux, voire culturels particulièrement forts avec la France » (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). La législation en la matière est donc réformée dans la même logique. La loi permet ainsi désormais aux étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement et qui ont été, en plus, interdits de territoire, de bénéficier d'un aménagement de peine. Les catégories bénéficiant d'une protection relative sont modifiées et une protection absolue est instaurée. Il est par ailleurs désormais possible d'infliger à un étranger à la fois une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve et une peine d'interdiction du territoire français. Enfin, dernière nouveauté : l'instauration d'une enquête préalable sur la situation des étrangers passibles d'une peine d'interdiction du territoire mais déclarant pouvoir bénéficier d'une protection relative ou absolue contre cette mesure.

1 - DES AMéNAGEMENTS DE PEINE POUR LES éTRANGERS INTERDITS DE TERRITOIRE (art. 78 I)

Les étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement et, à titre complémentaire, à une peine d'interdiction du territoire français ne bénéficiaient pas auparavant d'aménagements de peine. Il n'était, en effet, « pas envisagé », après avoir condamné une personne à cette peine complémentaire, « de la laisser vivre en dehors de la prison sur le territoire français, même dans le cadre d'un aménagement de sa peine d'emprisonnement » (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). La loi Sarkozy vient changer la donne :l'interdiction du territoire prononcée en même temps qu'une peine d'emprisonnement ne fait dorénavant plus obstacle à ce que cette dernière fasse l'objet, «  aux fins de préparation d'une demande de relèvement, de mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir  » (code pénal [CP], art.131-30 modifié). Ce qui offre aux intéressés « une chance de s'amender et de se réinsérer » (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). C'est le fait que ces mesures soient prises dans la perspective de préparer une requête en relèvement de la peine d'interdiction qui justifie cette recherche de la réinsertion des personnes condamnées.

La possibilité de prononcer également, avec une peine d'interdiction du territoire français, une peine de prison assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve ou une mesure de liberté conditionnelle relève de la même logique.

2 - LA PROTECTION DE CERTAINS éTRANGERS CONTRE LES PEINES D'INTERDICTION DU TERRITOIRE (art. 78 II)

Comme en matière d'expulsion, une protection « relative » contre les peines d'interdiction du territoire français existait déjà auparavant et voit son régime modifié par la loi sur l'immigration. Et une protection dite « absolue » est instaurée pour certaines catégories d'étrangers ayant des liens particulièrement forts avec la France.

a - La protection « relative » contre les peines d'interdiction du territoire

Certaines catégories d'étrangers ayant des liens familiaux, sociaux ou culturels avec la France bénéficiaient déjà, avant la loi, d'une protection contre les peines d'interdiction du territoire. Une protection dite « relative » car susceptible d'être levée dans un certain nombre d'hypothèses. Elle résidait dans l'exigence d'une motivation spéciale de la décision au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. La loi du 26 novembre 2003 maintient cette obligation mais prévoit expressément qu'elle n'est applicable qu'en matière correctionnelle (CP, art. 131-30-1 nouveau). Elle apporte, par ailleurs, plusieurs retouches à la liste des personnes concernées.

Le tribunal qui envisage de prononcer une peine d'interdiction du territoire français a ainsi dorénavant l'obligation de motiver spécialement sa décision si est en cause un étranger :

  « ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant » depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (6)  ;

 marié depuis au moins 2 ans (au lieu de un an auparavant) avec un conjoint de nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation (7), que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française  ;

 qui justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de 15 ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant »  ;

 qui réside régulièrement en France depuis plus de  10 ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant »  ;

 titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.

Signalons enfin que les exceptions à l'obligation de motivation spéciale, prévues auparavant en cas de décision concernant des étrangers condamnés pour crimes contre l'humanité, trafic de stupéfiants ou atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, entre autres, sont désormais supprimées (art. 78 III de la loi).

b - L'instauration d'une protection « absolue »

 Les bénéficiaires de la protection

La loi sur l'immigration instaure une protection dite « absolue » pour certaines catégories d'étrangers ayant des liens particuliers avec la France contre une peine d'interdiction du territoire français.

Sont plus précisément concernés les étrangers (CP, art. 131-30-2 nouveau)  :

 qui justifient par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il ont atteint au plus l'âge de 13 ans  ;

 qui résident régulièrement en France depuis plus de 20 ans  ;

  résidant habituellement en France et dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'ils ne puissent effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont ils sont originaires ;

 qui résident régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, sont mariés depuis au moins 3 ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française - à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n'ait pas cessé -, soit, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger résidant habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ;

 qui résident régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, sont père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'ils établissent contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (8).

Toutefois, dans ces deux derniers cas, la protection ne s'applique pas si les faits à l'origine de la peine d'interdiction du territoire ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'étranger.

 Des exceptions liées à la nature de l'infraction

Comme en matière d'expulsion, des exceptions à l'application de la protection « absolue » sont prévues. Elles sont liées à la nature de l'infraction, d'une particulière gravité au regard de la protection de l'ordre public ou de la sûreté de l'Etat et mettant en cause, de par leur nature, la sincérité de l'attachement de l'étranger à la France. La protection « absolue » peut ainsi être écartée notamment pour la grande majorité des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous (CP, art. 131-30-2 nouveau).

3 - L'INSTAURATION D'UNE « INTERDICTION DU TERRITOIRE FRANçAIS CONDITIONNéE » (art. 79)

Lorsqu'une juridiction prononce, à titre de peine complémentaire, la peine d'interdiction du territoire français (ITF) pour une durée de 10 ans au plus, il est désormais sursis à son exécution dans le cas où la peine principale est assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve (CP, art. 132-40 nouveau).

La mesure d'interdiction du territoire français devient exécutoire de plein droit en cas de révocation totale du sursis avec mise à l'épreuve. Autrement dit, dans cette hypothèse, l'intéressé devra, après avoir effectué la peine d'emprisonnement pour laquelle il disposait d'un sursis avec mise à l'épreuve - qui a donc été révoqué -, également exécuter la peine d'interdiction du territoire français dont il fait l'objet.

Cette nouvelle procédure conduit à l'instauration d'une sorte d' « interdiction du territoire conditionnée, donnant à l'étranger condamné la possibilité de s'amender et de se réinsérer en France » (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois).

La loi ne précise pas si, au cas où la condamnation serait réputée non avenue au terme du délai de mise à l'épreuve, la peine d'interdiction du territoire français sera également réputée non avenue. Mais, pour le sénateur Jean-Patrick Courtois (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois), tel devrait être le cas « dans la mesure où il semble que les peines complémentaires suivent le même régime que la peine principale d'emprisonnement ».

A noter : une libération conditionnelle peut désormais être accordée à un étranger faisant l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire (code de procédure pénale [CPP], art. 729-2 modifié). Son exécution est suspendue pendant la durée des mesures d'assistance et de contrôle prévues en matière de liberté conditionnelle.

4 - UNE ENQUêTE PRéALABLE SUR L'éTRANGER PASSIBLE D'êTRE INTERDIT DE TERRITOIRE (art. 80)

Face à un étranger déclarant appartenir à l'une des catégories d'étrangers bénéficiant d'une protection-  « relative » ou « absolue »  - contre une peine d'ITF, le pro- cureur de la République ne pourra requérir cette dernière que s'il a auparavant ordonné une enquête lui permettant de «  vérifier le bien-fondé de cette déclaration » (CPP, art. 41 modifié). Il s'adresse pour ce faire, « suivant les cas », à l'officier de police judiciaire compétent, au service pénitentiaire d'insertion et de probation, au service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou à toute personne habilitée dans les conditions de l'article 81 du code de procédure pénale. « Cette mesure devrait permettre au juge de disposer d'informations sur la situation familiale et sociale de l'étranger qu'il s'apprête à juger pour une infraction » (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois).

C - Le règlement des situations antérieures à la réforme

La loi du 26 novembre 2003 prévoit une disposition transitoire pour permettre aux étrangers ayant déjà fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une peine d'interdiction du territoire français, qui auraient pu, en vertu des nouvelles règles, bénéficier d'une protection absolue contre cette mesure, et qui justifient vivre actuellement en France, de voir leur situation régularisée. Et ce, en se voyant accorder de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », sous réserve de respecter un certain nombre de conditions. L'idée est, selon l'exposé des motifs du projet de loi, de compléter la réforme de la double peine en en tirant les conséquences pour des étrangers qui, « pères de familles françaises, sont actuellement sous le coup de peines d'interdiction du territoire français ou de mesures d'expulsion dont ils n'obtiennent ni le relèvement, ni l'abrogation alors même que leur comportement au regard de l'ordre public impliquerait qu'une nouvelle chance leur soit accordée et que leur famille soit reconstituée ». Dans le même esprit, le législateur a voulu faciliter la délivrance des visas pour les étrangers qui ont fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une peine d'interdiction du territoire et qui ont déjà quitté la France mais qui pourraient bénéficier de la nouvelle protection « absolue ».

1 - LE RELèVEMENT DE LA PEINE D'INTERDICTION DU TERRITOIRE (art. 86 I)

a - Les conditions à remplir

La loi limite la possibilité de relever la peine d'interdiction du territoire à celui qui en fait la demande avant le 31 décembre 2004, qui justifie qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et qui avait été condamné postérieurement au 1er mars 1994 par décision devenue définitive.

Il doit, en outre, entrer dans l'une des quatre catégories suivantes :

 il résidait habituellement en France depuis au plus l'âge de 13 ans à la date du prononcé de la peine ;

 il résidait régulièrement en France depuis plus de 20 ans à la date du prononcé de la peine ;

 il résidait régulièrement en France depuis plus de 10 ans à la date du prononcé de la peine et, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 3 ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger résidant régulièrement en France depuis au plus l'âge de 13 ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;

 il résidait régulièrement en France depuis plus de 10 ans à la date du prononcé de la peine et, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de ce dernier ou depuis un an (9).

b - Les cas de relèvement impossible

Le relèvement de la peine d'interdiction du territoire français est impossible si celle-ci est fondée sur des comportements ou des infractions constituant des exceptions au bénéfice de la protection absolue (atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, actes de terrorisme, etc). Il en est de même pour l'étranger « protégé » parce qu'il est père ou mère d'enfant français ou est marié à un ressortissant français, si les faits en cause ont été commis à l'encontre de ses enfants ou de son conjoint.

La demande de relèvement de la peine ne peut pas, non plus, être admise si cette dernière est réputée non avenue.

c - La procédure de relèvement de la peine

La demande de relèvement est portée, suivant le cas, devant le procureur de la République ou le procureur général de la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations, de la dernière juridiction qui a statué. Si le représentant du ministère public estime que la demande répond aux conditions exigées, il fait mentionner le relèvement en marge du jugement ou de l'arrêt de condamnation et en informe le casier judiciaire national automatisé. Il fait également procéder, s'il y lieu, à l'effacement de la mention de la peine au fichier des personnes recherchées. Et informe le demandeur, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'adresse qu'il a fournie lors du dépôt de la demande, du sens de la décision prise.

Tous incidents relatifs à la mise en œuvre de cette procédure son portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence. Sous peine d'irrecevabilité, le demandeur doit saisir le tribunal ou la cour dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la lettre du ministère public.

2 - L'ABROGATION DE L'ARRêTé D'EXPULSION (art. 86 II)

a - Les conditions à remplir

L'étranger qui souhaite obtenir l'abrogation d'un arrêté d'expulsion doit nécessairement en faire la demande avant le 31 décembre 2004. Il doit, par ailleurs, justifier qu'il résidait habituellement en France avant le 30 avril 2003 et entrer dans l'une des catégories suivantes :

 il résidait habituellement en France depuis au plus l'âge de 13 ans à la date du prononcé de la mesure d'expulsion ;

 il résidait régulièrement en France depuis plus de 20 ans à la date du prononcé de la mesure d'expulsion ;

 il résidait régulièrement en France depuis plus de 10 ans à la date du prononcé de la mesure d'expulsion et, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 3 ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger résidant régulièrement en France depuis au plus l'âge de 13 ans, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;

 il résidait régulièrement en France depuis plus de 10 ans à la date du prononcé de la mesure d'expulsion et, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis la naissance de ce dernier ou depuis un an (10).

b - Les cas d'abrogation impossible

L'abrogation de l'arrêté d'expulsion n'est pas possible si les faits à l'origine de la mesure d'expulsion constituent les exceptions au bénéfice de la protection absolue . Il en est de même pour l'étranger « protégé » parce qu'il est père ou mère d'enfant français ou est marié à un ressortissant français, si les faits en cause ont été commis à l'encontre de ses enfants ou de son conjoint.

c - La procédure à suivre pour obtenir l'abrogation

La demande doit être formée auprès de l'auteur de l'acte. Si ce dernier constate qu'elle répond aux conditions exigées, il fait procéder à la suppression de la mention de cette mesure au fichier des personnes recherchées. Il informe l'intéressé du sens de la décision par lettre recommandée avec avis de réception à l'adresse qu'il a fournie lors du dépôt de la demande.

3 - LA RÉGULARISATION DES SITUATIONS

a - La délivrance d'une carte de séjour temporaire (art. 86 III)

L'étranger qui a été relevé de l'interdiction du territoire français dont il faisait l'objet ou dont la mesure d'expulsion a été abrogée se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Cela ne sera toutefois pas le cas si l'intéressé commet, postérieurement au prononcé de la mesure d'expulsion, des faits l'empêchant de bénéficier de la protection absolue. De même si ces mêmes faits ont été commis avant le prononcé de cette mesure, mais n'ont pas été pris en compte pour la motiver.

Dernière précision : en cas de pluralité de peines d'interdiction du territoire français, la délivrance de la carte ne se fera qu'en cas de relèvement de l'ensemble de ces peines.

b - Un droit au visa pour les étrangers ayant quitté le territoire (art. 87)

Les étrangers entrant dans la catégorie de ceux bénéficiant désormais d'une protection absolue et ayant déjà quitté l'Hexagone après avoir fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une peine d'interdiction du territoire français vont pouvoir rentrer plus facilement en France. Ils bénéficient en effet dorénavant d'un visa. Plusieurs conditions doivent toutefois être réunies. Cette possibilité n'est ainsi ouverte qu'aux étrangers qui, résidant hors de France, ont obtenu l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils faisaient l'objet ou encore dont les peines d'interdiction du territoire français ont été entièrement exécutées ou ont acquis un caractère non avenu. Cela concerne donc des catégories bien précises d'étrangers . Il ne faut pas, en outre, que leur retour constitue une menace pour l'ordre public. Enfin, s'ils ont été condamnés en France pour violences ou menaces à l'encontre d'un ascendant, d'un conjoint ou d'un enfant, le droit au visa est subordonné à l'accord des ascendants, du conjoint et des enfants vivant en France.

D - Les assignations à résidence (art. 40)

Les situations dans lesquelles une assignation à résidence peut être prononcée se limitaient auparavant à deux cas. Premier d'entre eux :l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français et ce « en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays (ord. 1945, art. 28 inchangé). « En bénéficient principalement les étrangers dont la vie, la liberté ou la sécurité est menacée dans [leur] pays d'origine, sans qu'aucun autre pays ne puisse les accueillir », précise le sénateur (UMP) Jean- Patrick Courtois (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). La même mesure peut également être prise,  en cas d'urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, à l'encontre de l'étranger faisant l'objet d'une proposition d'expulsion (ord. 1945, art. 28 inchangé). La loi sur l'immigration crée deux nouvelles possibilités d'assignations à résidence.

1 - LA CRéATION D'UNE ASSIGNATION à RéSIDENCE « à TITRE PROBATOIRE ET EXCEPTIONNEL » (art. 40 - II)

Selon le sénateur (UMP) Jean-Patrick Courtois, l'usage de l'assignation dépassait en réalité « bien souvent » les deux hypothèses prévues auparavant par la loi. Il arrivait en effet que l'administration ait recours à cette mesure « afin de permettre à un étranger de demeurer légalement sur le territoire national malgré l'arrêté d'expulsion » dont il faisait l'objet, « du fait de ses attaches familiales, sociales et culturelles en France » (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). Autrement dit, les règles étaient assouplies pour les « étrangers qualifiés de « double peine »  » et ce, sans aucune base légale. La loi sur l'immigration change la donne, en instaurant une assignation à résidence « à titre probatoire et exceptionnel » pour les étrangers qui, en principe, devraient pouvoir bénéficier de la protection relative contre une mesure d'expulsion mais qui, en fait, entrent dans les exceptions à cette protection (ord. 1945, art. 28 ter nouveau). Soit parce qu'ils ont été condamnés définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à 5 ans, soit parce que leur expulsion constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique.

L'idée, explique Jean-Patrick Courtois, c'est de laisser « une seconde chance aux étrangers qui, tout en ayant des comportements justifiant de prononcer une mesure d'expulsion à leur encontre, ont des liens particulièrement étroits avec la France, qu'ils soient familiaux, sociaux ou culturels, et qui justifient cette mesure ». « La période d'assignation à résidence devrait permettre à l'étranger de s'amender et de se réinsérer. » La mesure est, du reste, assortie d'une autorisation de travail.

Précision importante : elle peut être abrogée à tout moment en cas de faits nouveaux constitutifs d'un comportement préjudiciable à l'ordre public.

Les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie ainsi que les sanctions en cas de non-respect des prescriptions liées à la mesure (c'est-à-dire un emprisonnement de 6 mois à 1 an) sont les mêmes que pour les autres cas d'assignation à résidence (11).

Une commission nationale de contrôle des centres de rétention et des zones d'attente (art.54)

Une commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente est créée (ord. 1945, art. 35 nonies nouveau) . Elle veillera au respect des étrangers qui y sont placés ou maintenus et au respect des normes relatives à l'hygiène, à la salubrité, à la sécurité, à l'équipement et à l'aménagement de ces lieux. Elle effectuera des missions sur place et pourra faire des recommandations au gouvernement tendant à l'amélioration des conditions matérielles et humaines de rétention ou de maintien des personnes.

Sa composition : un député et un sénateur, un membre ou un ancien membre de la Cour de cassation (lequel sera le président de la commission), un membre ou un ancien membre du Conseil d'Etat, une personnalité qualifiée en matière pénitentiaire, 2 représentants d'associations humanitaires et 2 représentants des principales administrations concernées. Un décret fixera les modalités de fonctionnement de l'instance.

2 - UNE ASSIGNATION à RéSIDENCE POUR LES éTRANGERS MALADES (art. 40- I)

Peut désormais être sous le coup d'un arrêté d'assignation à résidence « l'étranger qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non exécuté lorsque son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité » (ord. 1945, art. 28 bis modifié). Sous réserve toutefois « qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ».

Comme pour la nouvelle assignation à résidence « à titre probatoire et exceptionnel », cette mesure est assortie d'une autorisation de travail. Les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie ainsi que les sanctions en cas de non-respect des prescriptions liées à la mesure (c'est-à-dire un emprisonnement de 6 mois à 1 an) sont par ailleurs les mêmes que pour les autres cas d'assignation à résidence (12).

II - LA RéFORME DE LA RéTENTION ADMINISTRATIVE (art. 49)

La loi du 26 novembre 2003 modifie l'ensemble du régime de la rétention administrative. Trois axes ont guidé cette réforme : « réduire les risques de vices de procédure, garantir les droits des étrangers et donner les moyens et le temps aux services de l'Etat d'exécuter les mesures d'éloignement » (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). Pour mémoire, le placement en rétention administrative vise à maintenir à la disposition de l'administration les étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, quelle qu'elle soit, dans le cas où cette mesure ne peut être mise en œuvre immédiatement.

A - Le placement en rétention

1 - LA DÉCISION INITIALE

La décision de placement est prise par le préfet- ou à Paris par le préfet de police -, et ce, précise la nouvelle loi, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant , à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention (ord. 1945, art. 35 bis nouveau). Elle est écrite et motivée. Un double en est remis à l'intéressé et le procureur de la République en est informé immédiatement.

2 - LES ÉTRANGERS POUVANT ÊTRE PLACÉS EN RÉTENTION

La loi retouche la liste des catégories de personnes pouvant être placées en rétention. Les étrangers concernés sont désormais ceux qui (ord. 1945, art. 35 bis I nouveau)  :

 devant être remis aux autorités compétentes d'un Etat de l'Union européenne en application de l'article 33 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ne peuvent quitter immédiatement le territoire français ;

 faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, ne peuvent quitter immédiatement le territoire français ;

 faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière édicté moins de un an auparavant, ne peuvent quitter immédiatement le territoire français ;

 faisant l'objet d'un signalement ou d'une décision exécutoire d'éloignement prise par un Etat membre  - procédure prévue aux 2e et 3e alinéas de l'article 26 bis (voir encadré)  -, ne peuvent quitter immédiatement le territoire français ;

 ayant fait l'objet d'une décision de placement au titre de l'un des cas précédents, n'ont pas déféré à la mesure d'éloignement dont ils sont l'objet dans un délai de 7 jours suivant le terme du précédent placement ou, y ayant déféré, sont revenus sur le territoire français alors que cette mesure est toujours exécutoire.

B - L'information des étrangers retenus

L'étranger retenu peut, comme auparavant, demander, dès le début du maintien, l'assistance d'un interprète, d'un médecin et d'un conseil. Il peut également toujours communiquer avec son consulat ou une personne de son choix. Ce qui change, ce sont les modalités de la notification de ces droits à l'intéressé. L'étranger est ainsi dorénavant informé « dans les meilleurs délais » - et non plus « immédiatement »  - des possibilités qui lui sont offertes, et ce « dans une langue qu'il comprend » (sur le recours à l'interprétariat, voir encadré) (ord. 1945, art. 35 bis I nouveau).

Par ailleurs, le Conseil d'Etat l'avait réclamé au gouvernement (13)  : un espace permettant aux avocats de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers doit désormais être prévu dans chaque lieu de rétention. Et être, sauf en cas de force majeure, « accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat ».

Autre nouveauté : il sera désormais notifié aux étrangers, dès leur arrivée au centre de rétention, que leurs demandes d'asile éventuelles ne seront recevables que dans les 5 jours suivant la notification du placement en rétention. Une manière de « dissuader la manœuvre dilatoire qui consiste à déposer une demande d'asile dans les derniers jours de la rétention afin de retarder l'éloignement ou faire tomber l'ensemble de la procédure », justifie le sénateur (UMP) Jean-Patrick Courtois (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). Le Conseil constitutionnel a toutefois souligné que l'irrecevabilité des demandes d'asile déposées au-delà de 5 jours « ne pourra pas conduire à des mesures d'éloignement mettant en péril [la] vie, [la] liberté » ou l'intégrité physique de l'intéressé.

L'étranger doit, enfin, dorénavant être informé par le responsable du lieu de rétention de toutes les prévisions de déplacement le concernant  : audiences, présentation au consulat, conditions de départ. Deux exceptions toutefois à cette obligation : en cas de menace à l'ordre public à l'intérieur ou à l'extérieur du lieu de rétention, ou « si la personne ne paraît pas psychologiquement à même de recevoir ces informations ».

Enfin, un « document rédigé dans les langues les plus couramment utilisées » -lesquelles seront définies par arrêté - et décrivant les droits de l'étranger au cours de la procédure d'éloignement et de rétention, ainsi que leurs conditions d'exercice, doit dorénavant être mis à disposition dans chaque lieu de rétention.

C - Le maintien en rétention

1 - LA SAISINE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION

Le juge des libertés et de la détention intervient toujours à partir de 48 heures de rétention. Passé ce délai, se pose la question de la prolongation ou non de la mesure. Le juge statue, comme auparavant, par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l'étranger, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l'intéressé en présence de son conseil, s'il en a un. La loi sur l'immigration ouvre toutefois la possibilité de délocaliser les audiences (ord. 1945, art. 35 bis I nouveau). Tel sera le cas si « une salle d'audience attribuée au ministère de la Justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate » du lieu de rétention.

A noter : la loi Sarkozy ouvre également la possibilité de tenir des audiences par visio-conférence, par décision du juge sur proposition du préfet - ou à Paris du préfet de police - et avec le consentement de l'étranger. Il est alors dressé un procès-verbal des opérations effectuées dans chacune des salles d'audience ouvertes au public.

2 - L'ASSIGNATION À RÉSIDENCE

C'était déjà le cas avant la loi sur l'immigration : le juge peut, plutôt que de décider d'une prolongation, ordonner à titre exceptionnel une assignation à résidence, « si l'étranger dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou d'une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution » (ord. 1945, art. 35 bis I nouveau). La nouveauté, c'est qu'une motivation spéciale du juge est désormais nécessaire pour accorder l'assignation à résidence à l'étranger « qui s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière en vigueur, d'une interdiction du territoire dont il n'a pas été relevé ou d'une mesure d'expulsion en vigueur ».

A noter : lorsque le juge met fin à la rétention ou assigne l'étranger à résidence, son ordonnance est immédiatement notifiée au procureur de la République. A moins que ce dernier n'en dispose autrement, l'étranger est alors maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de 4 heures à compter de la notification de l'ordonnance au procureur.

Le déplacement d'un étranger d'un lieu de rétention à un autre

La loi du 26 novembre 2003 prévoit qu' « en cas de nécessité et pendant la durée de la rétention », le préfet- ou à Paris le préfet de police -peut désormais décider de déplacer l'étranger d'un lieu de rétention vers un autre (ord. 1945, art. 35 bis VIII nouveau) . Sous réserve toutefois, d'en informer les procureurs de la République compétents du lieu de départ et du lieu d'arrivée. Si cette décision est prise après une première ordonnance de prolongation, les juges des libertés et de la détention devront également être informés.

3 - LA PROLONGATION DE LA RÉTENTION

A l'expiration des 48 heures, le juge des libertés et de la détention peut donc prononcer une prolongation de la rétention. Durée maximale désormais : 15 jours (et non plus 5) (ord. 1945, art. 35 bis II nouveau). A l'issue de ces 15 jours, le juge peut de nouveau être saisi aux fins d'une nouvelle prolongation, d'une durée maximale variable selon les raisons ayant conduit à cette décision. La possibilité de procéder à cette seconde prolongation n'est ouverte que dans 3 hypothèses, l'une déjà prévue avant la loi Sarkozy, liée au comportement de l'étranger, les deux autres en revanche complètement inédites, tenant à des facteurs extérieurs à l'intéressé.

a - Une seconde prolongation demandée en raison du comportement de l'étranger

Prolonger une seconde fois la rétention pour des motifs liés au comportement de l'étranger était déjà possible avant la loi du 26 novembre 2003. Ces motifs ne changent quasiment pas.

Cette seconde prolongation ne peut ainsi être prononcée qu'en cas d'urgence absolue, ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, d'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résultant de la perte, de destruction des documents de voyage de l'intéressé, de dissimulation par celui-ci de son identité, ou encore d'obstruction volontaire faite à son éloignement (14) (ord. 1945, art. 35 bis II nouveau).

La véritable innovation, ici, concerne la durée maximale totale de la prolongation, qui passe de 5 à  15 jours. Autrement dit, la durée maximale de la rétention peut aller, dans cette hypothèse, jusqu'à 32 jours.

b - Deux nouveaux cas justifiant une seconde prolongation

Le juge des libertés et de la détention peut également être saisi pour une seconde prolongation lorsque, « malgré les diligences de l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport  » (ord. 1945, art. 35 bis III nouveau). Et à condition également que le représentant de l'Etat dans le département - ou à Paris, le préfet de police - ait établi que l'une ou l'autre de ces circonstances devait intervenir à bref délai.

Autre motif justifiant la saisine du juge aux mêmes fins : la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l'administration, pour pouvoir procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement dans le délai fixé dans le cadre de la première prolongation.

Dans ces deux hypothèses, la deuxième prolongation ne pourra excéder 5 jours. Ce qui porte ici la durée totale maximale de la rétention à 22 jours.

D - Une possibilité d'appel suspensif

Les ordonnances du juge des libertés et de la détention sont susceptibles d'appel devant le premier président de la cour d'appel qui statue dans les 48 heures de sa saisine.

Cet appel peut être formé par l'intéressé, le ministère public et le préfet. En principe, il n'est pas suspensif. Toutefois, le ministère public a désormais la possibilité de demander au juge d'appel de déclarer son recours suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives ou en cas de menace grave pour l'ordre public (ord.1945, art. 35 bis IV nouveau). Auquel cas l'appel, accompagné de la demande qui se réfère à l'absence de garanties de représentation effectives ou à la menace grave pour l'ordre public, est formé dans un délai de 4 heures à compter de la notification de l'ordonnance au procureur de la République et transmis au premier président de la cour d'appel. Ce dernier décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à cet appel un effet suspensif, « par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n'est pas susceptible de recours ». L'étranger est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel du ministère public, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond.

Les modalités de recours à l'interprétariat (art. 51)

La loi sur l'immigration harmonise les règles en matière d'interprétariat pour les 3 procédures de non- admission sur le territoire français, de placement en rétention et de maintien en zone d'attente.

A chaque fois, l'étranger doit, au début de la procédure, indiquer s'il sait lire et informer les autorités de la langue qu'il comprend. Laquelle sera utilisée jusqu'à la fin de la mesure. S'il refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, celle utilisée sera le français. L'assistance d'un interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et s'il ne sait pas lire. Elle peut se faire « par l'intermédiaire de moyens de télécommunication », auquel cas il ne pourra être fait appel qu'à des interprètes appartenant à un organisme agréé ou figurant sur une liste tenue par le procureur de la République dans chaque tribunal de grande instance.

E - La fin de la rétention

Comme auparavant, l'étranger ne peut être maintenu en rétention que le « temps strictement nécessaire à son départ » (ord. 1945, art. 35 bis VI nouveau). Précision du Conseil constitutionnel : l'autorité judiciaire conserve, à cet égard, la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque la rétention n'est plus nécessaire à l'éloignement.

Si le juge administratif annule la mesure d'éloignement, il est mis fin « immédiatement » à ce maintien et l'étranger se voit doter d'une autorisation provisoire de séjour « jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau à statuer sur son cas ».

S'il est mis fin au maintien en rétention pour une autre raison, le juge des libertés et de la détention, ou le cas échéant le chef du centre de rétention, doit désormais rappeler à l'étranger son « obligation de quitter le territoire ». Etant toutefois précisé que la méconnaissance de cette exigence sera sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé de procédures ultérieures d'éloignement et de rétention.

III - LE MAINTIEN EN ZONE D'ATTENTE (art. 50)

Un étranger arrivé en France par la voie maritime, ferroviaire ou aérienne peut se retrouver maintenu dans la zone d'attente de la gare ferroviaire, du port ou de l'aéroport parce qu'il n'est pas autorisé à entrer sur le territoire, ou encore parce qu'il demande son admission au titre de l'asile ou enfin parce qu'il se trouve en transit et ne peut embarquer vers le pays de destination finale. Le maintien dans ces lieux est prononcé par une décision du chef de service de contrôle aux frontières pour une durée qui ne peut excéder 48 heures renouvelable une fois, soit 4 jours. Au-delà de ces 4 jours, si l'étranger se trouve toujours en zone d'attente, le juge de la liberté et de la détention est saisi et peut prolonger le maintien pour 8 jours. A l'expiration de ce délai, le maintien peut être renouvelé une nouvelle fois pour 8 jours à titre exceptionnel. La durée totale maximale est donc de 20 jours.

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