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L' « aggiornamento » de la prévention spécialisée est déjà en marche

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Non, la prévention spécialisée n'est pas enfermée dans une tour d'ivoire, et elle réfléchit depuis longtemps à sa place dans les politiques publiques. C'est la réponse de Bernard Heckel, directeur technique du Comité national de liaison des associations de prévention spécialisée (CNLAPS), à Gilbert Berlioz, qui s'exprimait récemment dans nos colonnes (1).

« [...] Le travail réalisé auprès d'éducateurs, d'équipes, d'associations, un peu partout en France, m'autorise à affirmer que Monsieur Berlioz pose un regard partiel et partial par méconnaissance des processus de changement qui traversent depuis quelques années la réflexion et l'action de la prévention spécialisée.

A trop regarder l'articulation des politiques de prévention avec les autres politiques, en chaussant les lunettes de la commande politique de proximité, on peut déformer la réalité... [...]

Sur quelles informations est fondée, par exemple, l'affirmation que la “relation [de la prévention spécialisée] aux autres politiques publiques territorialisées piétine ”  ?

Il est possible de démontrer le contraire en décrivant l'une après l'autre les diverses formes de contractualisation négociées et réalisées entre les départements, les communes et les associations. Et s'il est toujours possible de trouver des exemples qui montrent le contraire, je suis prêt à présenter un panorama des conventions, des contrats, des chartes qui positionnent clairement la prévention spécialisée au sein des politiques publiques en tant que maillon singulier des réponses éducatives et sociales.

Mais ces réalités objectives ne sont pas toujours très visibles en raison du peu de place que le discours politique donne aujourd'hui à la prévention sociale et éducative, de plus en plus amalgamée à la prévention de la délinquance. Et là, les éducateurs ont raison de s'inquiéter au regard de la judiciarisation de nombreux domaines de la vie en société. La sécurité, ou plutôt les obsessions sécuritaires ont érigé en délits ce qui était, ily a encore deux ou trois années, des actes d'incivilité relevant d'un travail à engager autour de l'établissement ou du rétablissement du lien social. Faut-il pour autant vouer aux gémonies la “doctrine simple et généreuse de la prévention spécialisée : obtenir l'adhésion des jeunes pour les (re) mettre sur le (droit) chemin du développement personnel et social”  ?

Je voudrais aussi rappeler que ce n'est pas le “logiciel” issu des textes de 1972 qui constitue le référentiel conceptuel et institutionnel de la prévention spécialisée. J'estime qu'il s'agit là d'une affirmation réductrice et simpliste. Le “quelque chose” qui sous-tend les pratiques se réfère à l'aide sociale à l'enfance, c'est-à-dire à une idée, à une philosophie de l'action éducative, à un positionnement idéologique autour de la notion de protection, d'aide à la personne et de soutien éducatif. La prévention spécialisée propose une véritable alternative à l'issue sécuritaire : rendre les personnes plus responsables, plus citoyennes, plus sociables. Ce faisant, elle contribue à la production de sécurité.

La promotion des individus et des groupes toujours d'actualité

Contrairement à Monsieur Berlioz, je pense que la mise en œuvre d'une logique de projet, de promotion des individus et des groupes reste d'une actualité brûlante et pertinente.

[...] Pourquoi mettre l'aggiornamento de la prévention spécialisée au futur, quand on sait l'engagement de l'Etat, des conseils généraux, des collectivités locales, des associations, des professionnels, dans un certain nombre de travaux, de démarches au plan national ces cinq dernières années. J'en cite trois qui me paraissent essentiels et infirmer l'assertion de “dérive” et de “direction mal maîtrisée”  :

 le cadre de référence départemental sur la prévention spécialisée, réalisé et diffusé par l'Assemblée des départements de France (ADF) en 2002 ;

 les travaux du groupe de travail inter-institutionnel sur la prévention spécialisée (2), mis en place à la suite du rapport “Brévan-Picard” sur les métiers de la ville (3). Ce groupe, animé par le président du Conseil technique des clubs et équipes de prévention spécialisée  (CTPS) et dont le secrétariat est assuré par la direction générale de l'action sociale, a reçu une triple mission :poser les bases d'un état des lieux des transformations à l'œuvre dans la prévention spécialisée faisant notamment apparaître les enjeux liés à l'évolution des populations, des problématiques sociales, des cadres institutionnels et des territoires d'intervention ; dégager les orientations autour desquelles le développement de cette pratique éducative spécifique peut être favorisé ; et formuler des propositions de rénovation du CTPS. Un état des lieux de la prévention spécialisée a été dressé au moyen d'une enquête nationale. Le rapport final, dont une note d'étape a été distribuée en octobre 2002 aux assises de Marseille, sera publié prochainement. [...] Même si je partage (partiellement) avec Monsieur Berlioz l'analyse d'une “crise de représentation de la prévention spécialisée”, il faut dire aussi que des réponses et des solutions y sont apportées. Le rapport en énonce ;

 les propositions et les préconisations résultant des travaux préparatoires à la tenue des assises de Marseille (4).

La prévention spécialisée est une démarche engagée.

L'éducation en est son objet et son projet. Dès lors, son adaptation à l'évolution du monde actuel et à venir induit remise en cause permanente, droit à l'expérimentation, recherche- action, questionnement sur le sens...

Je ne suis pas sûr qu'une lecture généralisante serve sa cause dans le contexte actuel... »

Bernard Heckel Directeur technique du CNLAPS : 2/4, rue de l'Avenir - 73100 Aix-les-Bains -Tél. 04 79 34 36 25.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2334 du 21-11-03.

(2)  Composé de représentants de l'ADF, de l'Etat (délégation interministérielle à la ville, direction générale de l'action sociale, direction de la protection judiciaire de la jeunesse), de l'Association des maires de France (AMF), du CNLAPS, de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence, du CTPS. Voir ASH n° 2336 du 5-12-03 et n° 2282 du 25-10-02.

(3)  Voir ASH n° 2181 du 22-09-00.

(4)  Publiées dans l'ouvrage Pour une Convention nationale de la prévention spécialisée - Ed. L'Harmattan, 2002.

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