La politique de restrictions financières de l'Etat ne permet plus le fonctionnement minimal quotidien de nos services. Nous sommes habitués chaque année aux gels de crédits. Mais cette fois-ci, après nous avoir contraints à fonctionner pendant dix mois de l'année avec 40 % de crédits en moins, le gouvernement a finalement accepté des dégels partiels et nous oblige en deux mois à tout dépenser. Cela manque singulièrement de cohérence et ne peut que conduire à l'asphyxie de nos services.
Toute l'année, nous avons été à la limite de ne plus pouvoir exercer nos missions. On nous a demandé de limiter nos appels téléphoniques vers les portables, alors que c'est souvent pour bon nombre de nos interlocuteurs, notamment ceux qui s'occupent des demandeurs d'asile, la seule façon de les joindre. On nous a priés également de réduire nos déplacements, ce qui signifie moins de réunions de travail nationales et départementales et moins d'inspections sur place.
Avec les restrictions de crédits mais aussi toutes les inconnues de la décentralisation, ils sont extrêmement inquiets sur l'avenir de leurs services. L'Etat décentralise un certain nombre de ses compétences, mais il n'a aucun discours fort sur le rôle qu'il entend garder. On parle de l'Etat garant, mais avec quels outils, quels moyens ? Et « quid » de la fameuse réforme de l'Etat ? En tant qu'inspecteurs, nous demandons de pouvoir contrôler l'effectivité des missions décentralisées - c'est-à-dire les conditions dans lesquelles elles se réalisent - et non plus seulement leur légalité. Ce qui veut dire un renforcement du pouvoir de contrôle de l'Etat et non son affaiblissement.
C'est ce que nous craignons. Alors que nous avions demandé que la décentralisation se fasse sans transfert de personnels. Elle devrait au contraire être l'occasion d'une remise à niveau de nos services, actuellement en sous-effectif par rapport à des missions qui s'alourdissent. Par exemple, toute la politique sur les demandeurs d'asile pilotée par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales a entraîné un surcroît de travail. De même, pour les dispositifs de santé publiques ou d'accès aux soins ou pour le programme national de prévention de la maltraitance en établissement... Quant à la loi du 2 janvier 2002, elle crée des obligations aux établissements au niveau des conditions d'accueil, de séjour et donc exige des contrôles renforcés. Comment comprendre qu'au moment où l'on augmente les exigences - légitimes d'ailleurs - de qualité de la prise en charge des usagers, on ne se donne pas les moyens d'un contrôle efficace ? Il y a un décalage entre les intentions affichées et les actes.
Nous ne comprenons pas pourquoi l'Etat ne s'est pas contenté, comme il l'a fait à l'Education nationale, de transférer aux conseils régionaux le cadre bâti, c'est-à- dire le financement du fonctionnement et de l'investissement des centres de formation en travail social. Je ne vois pas comment l'Etat pourra rester garant du service public des formations sociales en décentralisant l'agrément des centres aux régions. Ces dernières n'ont aucune culture de l'agrément :elles fonctionnent par appels d'offres annuel, en se fondant essentiellement sur le coût des formations. Certes l'Etat devrait rester compétent pour la qualité des formations. Mais de quel pouvoir de sanction disposera-t-il vis-à-vis d'un centre agréé par la région en cas de contrôle « a posteriori » ? Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) L'association réunit actuellement 300 inspecteurs sur 1 500 - C/o DDASS du Vaucluse (Isabelle Persec, présidente) : Cours Jean-Jaurès - Bâtiment 1, porte A - 84044 Avignon cedex 09 - Tél. 04 90 27 71 60.