La loi « Sarkozy » sur l'immigration (Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, J.O. du 27-11-03)
Pour Nicolas Sarkozy, « la France a le droit de choisir qui elle veut voir entrer et séjourner sur son territoire. Elle doit donc en avoir les moyens. » Ces moyens, le ministre de l'Intérieur entend les lui donner avec la « loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité » du 26 novembre. Un texte qui durcit significativement les conditions d'accueil et de séjour des étrangers non communautaires sur le territoire français et suscite, globalement, l'hostilité du monde associatif (1).
En première ligne dans le collimateur de l'ancien maire de Neuilly-sur-Seine : les attestations d'accueil, qui permettent aux étrangers qui viennent en visite pour un séjour de moins de 3 mois de pouvoir justifier d'un hébergement et de se voir délivrer un visa de court séjour. Source de fraude selon le gouvernement, elles seront désormais plus difficiles à obtenir. Les obligations pesant sur l'hébergeant sont, en outre, renforcées.
Certaines catégories d'étrangers devront dorénavant, si elles sollicitent un visa, présenter en plus une attestation de souscription d'une assurance médicale. Autre nouveauté : les empreintes digitales de tous ceux qui auront obtenu un visa seront relevées dans un fichier qui comprendra également une photographie.
Le champ du délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers est par ailleurs étendu afin de lutter plus efficacement contre les filières de trafic de clandestins.
La loi « Sarkozy » donne aussi un tour de vis en matière de séjour des étrangers. Elle restreint ainsi l'accès au statut de résident. Elle durcit également les conditions de délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ainsi que les conditions d'obtention d'un titre de séjour pour les membres d'une famille venus rejoindre, au titre du regroupement familial, un étranger résidant en situation régulière. Les mariages blancs et les reconnaissances de paternité de complaisance préoccupant particulièrement le gouvernement, la législation est modifiée afin d'encadrer plus strictement la délivrance d'un titre de séjour aux étrangers mariés à un Français ou parents d'enfants français.
Enfin, dernière cible de la nouvelle loi : le travail illégal. Plusieurs mesures sont ainsi prévues à l'encontre des employeurs mais aussi des travailleurs étrangers, qui pourront être expulsés.
En l'absence de dispositions particulières, la loi est entrée en vigueur le 29 novembre (un jour franc après sa publication).
A noter : la loi du 26 novembre apporte également quelques retouches au droit de la nationalité, afin de tenir compte de la notion d'intégration. Elle réforme par ailleurs la double peine - pratique qui rend possible l'éloignement d'un étranger qui a purgé une peine de prison sur le territoire français -, allonge la durée de la rétention administrative et aménage le dispositif des zones d'attente. Nous reviendrons sur ces thèmes dans un prochain dossier.
Dans ce numéro sur « l'entrée et le séjour des étrangers » :
I - L'entrée en France
A - Le durcissement du régime de l'attestation d'accueil B -L'obligation de présenter une attestation médicale C- Le relèvement des empreintes digitales
II - Le séjour en France
A - L'accès au statut de résident B - Le droit au regroupement familial C - La carte « vie privée et familiale » D - Les mariages simulés E - La lutte contre le travail clandestin
III - Le délit d'aide à l'entrée, au séjour et à la circulation
A - L'extension du champ du délit B - Les circonstances aggravantes C - Les immunités
Dans un prochain numéro :
Les autres dispositions de la loi (nationalité, procédures d'éloignement...)
Pour obtenir un visa, les candidats au séjour en France doivent désormais fournir une attestation d'accueil, contracter pour certains une assurance médicale et déposer dans un fichier leurs empreintes digitales ainsi qu'une photographie.
Tout étranger venant en France pour une visite familiale ou privée n'excédant pas 3 mois doit justifier des conditions de son hébergement. Depuis la suppression des certificats d'hébergement par la loi « Chevènement » du 11 mai 1998, ce sont les attestations d'accueil qui remplissent cette fonction. Aux yeux du gouvernement, présenter ce document était devenu un moyen facile pour entrer légalement en France, afin, ensuite, de s'y maintenir illégalement. La faute, selon lui, à des conditions de délivrance trop légères et à des moyens de contrôle insuffisants.
Jusqu'à présent, l'attestation d'accueil devait simplement être signée par l'hôte de l'étranger et « certifiée », au choix, par le maire, un commissaire de police ou un commandant de brigade de gendarmerie. Cette certification avait pour seul objectif de vérifier, au vu des pièces d'identité et des justificatifs de domicile demandés, que le demandeur était bien la personne déclarant accueillir l'étranger et qu'il disposait d'un logement pour son visiteur. De fait, selon le député Thierry Mariani (Rap. A.N. n° 949, juin 2003, Mariani), cette procédure faisait des représentants de l'autorité publique de simples « agents d'enregistrement ». Seule l'absence des pièces justificatives demandées pouvait entraîner le refus de certification du document. L'autorité publique n'avait aucune capacité pour contrôler le caractère véridique des attestations d'accueil, ce qui n'était pas le cas avant, avec les certificats d'hébergement. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, leur suppression aurait eu comme résultat le « développement des attestations délivrées par complaisance », « incompatibles » pour certaines « avec un hébergement normal ». « On est passé en 5 ans de 160 000 attestations d'accueil à 735 000 en 2002 », a souligné, de son côté, Nicolas Sarkozy devant les parlementaires.
L'attestation d'accueil est désormais validée par le seul maire de la commune du lieu d'hébergement (ou, à Paris, Marseille et Lyon, par le maire d'arrondissement) (ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 [ord. 1945], art. 5-3 nouveau). Les commissaires de police ou commandants de brigade de gendarmerie ne pourront plus certifier d'attestation. La liste des pièces justificatives devant accompagner la demande de validation sera déterminée par décret.
Différence de taille par rapport au régime précédent, le maire peut refuser de valider le document s'il ressort de la teneur de l'attestation et des pièces justificatives présentées ou de la vérification effectuée au domicile de l'hébergeant (voir ci-dessous) que l'étranger ne peut être accueilli dans des conditions normales de logement.
Trois autres raisons peuvent également fonder son refus :
l'hébergeant ne peut pas présenter les pièces justificatives requises ;
les mentions portées sur l'attestation sont inexactes ;
les attestations antérieurement signées par l'hébergeant ont fait apparaître, le cas échéant après enquête demandée par l'autorité chargée de valider l'attestation d'accueil aux services de police ou aux unités de gendarmerie, un détournement de procédure.
Le maire agit, dans le cadre de la procédure de validation, « en qualité d'agent de l'Etat ». Un recours administratif auprès du préfet - préalablement à un éventuel recours contentieux - est donc possible contre les décisions de refus. Ce recours doit être exercé dans les 2 mois suivant la décision du maire (ord. 1945, art. 5-3 nouveau). Le préfet pourra rejeter le recours ou valider lui-même l'attestation.
Précision importante : le silence gardé par le maire pendant plus de un mois sur la demande de validation de l'attestation d'accueil (ou par le préfet sur le recours administratif) vaut décision de rejet.
Le maire peut demander à l'Office des migrations internationales (OMI) ou à des « agents spécialement habilités des services de la commune chargés des affaires sociales ou du logement » de procéder à des « vérifications sur place » (ord.1945, art. 5-3 nouveau). L'idée étant de pouvoir lever un éventuel doute sur la réalité des conditions d'hébergement.
Les agents ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant sans le consentement écrit de ce dernier. S'il refuse le contrôle, les conditions d'un accueil dans des conditions normales de logement seront réputées non remplies.
Le préfet saisi d'un recours contre un refus de validation peut, lui aussi, faire appel à l'OMI pour procéder à des vérifications.
Afin de « lutter contre les détournements de procédure », la loi accorde aux maires la possibilité de mémoriser dans des fichiers les demandes de validation des attestations d'accueil (ord. 1945, art. 5-3 nouveau).
Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, doit préciser la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes qui seront amenées à consulter ces fichiers ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès.
« Les signatures à la chaîne, cela suffit ! » Nicolas Sarkozy en est convaincu : il faut « responsabiliser les hébergeants », leur signifier « qu'en recevant quelqu'un, [ils prennent] une responsabilité, parce que la France va délivrer un visa à la personne hébergée ». Conséquence : désormais, chaque demande de validation d'une attestation d'accueil doit être accompagnée de l'engagement de l'hébergeant à prendre en charge, au cas où l'étranger n'y pourvoirait pas, les frais de séjour de ce dernier pendant toute la durée de validité du visa ou pendant une durée de 3 mois à compter de son entrée dans l'Espace Schengen (ord. 1945, art. 5-3 nouveau). Dans la limite toutefois du montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil.
Dans le texte voté par les parlementaires, il était prévu que l'hôte soit également contraint de s'engager à couvrir les frais de rapatriement de l'étranger si ce dernier ne disposait pas des moyens lui permettant de quitter la France. Une exigence finalement censurée par le Conseil constitutionnel (2). Motif : en imposant cet engagement sans tenir compte des ressources de l'hébergeant, du prix du voyage de retour, de sa bonne foi, du comportement de son visiteur ou encore du temps écoulé depuis la fin de la visite, la loi rompait « de façon caractérisée l'égalité des citoyens devant les charges publiques » proclamée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le ministère de l'Intérieur a toutefois fait savoir que cette mesure fera l'objet d'une « nouvelle rédaction et sera soumise au Parlement dès que l'occasion se présentera ».
Chaque demande d'une attestation d'accueil donne dorénavant lieu au versement, par l'hébergeant, d'une taxe d'un montant de 15 € au profit de l'Office des migrations internationales (ord. 1945, art. 5-3 nouveau).
Elle est recouvrée comme en matière de droit de timbre.
Un étranger pourra, dans certaines situations, être dispensé d'attestation d'accueil : en cas de séjour à caractère humanitaire ou d'échange culturel, s'il demande à se rendre en France pour une cause médicale urgente ou en raison des obsèques ou de la maladie grave d'un proche (ord. 1945, art. 5-3 modifié). Des précisions seront données par décret.
Certaines catégories d'étrangers, qui seront définies par décret, devront également, si elles sollicitent un visa, présenter une attestation garantissant la « prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant des soins [que l'étranger] pourrait engager en France » (ord. 1945, art. 5 2° modifié).
Justification avancée sur les bancs de la majorité : il s'agirait de mettre fin au « tourisme médical ». Une pratique, explique le sénateur (UMP) Jean-Patrick Courtois, consistant « pour certains étrangers, notamment [...] âgés, à entrer en France sous couvert d'un visa touristique afin de se faire soigner » (J.O. Sén. [C.R.] n° 84 du 10-10-03).
Le décret devrait déterminer également les conditions d'agrément des opérateurs d'assurance.
A noter : l'hébergeant peut se substituer à l'étranger accueilli et souscrire à son profit l'assurance couvrant les dépenses médicales et hospitalières que ce dernier pourrait engager pendant son séjour.
La loi sur l'immigration rend possible le relèvement, dans un fichier, des empreintes digitales de deux nouvelles catégories d'étrangers : ceux qui ne remplissent pas les conditions d'entrée en France et dans l'Espace Schengen, d'une part, et ceux qui sollicitent un visa, d'autre part.
Dans les deux cas, un décret pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés précisera la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes pouvant y accéder ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées pourront exercer leur droit d'accès.
La législation française permettait déjà de relever les empreintes digitales de certains étrangers non ressortissants d'un Etat de l'Union européenne. En l'occurrence ceux qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour, ceux qui sont en situation irrégulière en France ou encore ceux qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français.
La loi Sarkozy ajoute une nouvelle catégorie d'étrangers aux trois déjà prévues : il s'agit des étrangers non communautaires ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière en provenance d'un pays tiers aux Etats parties à la convention de Schengen et qui ne satisfont pas aux conditions d'entrée en France et dans l'Espace Schengen (ord.1945, art. 8-3 modifié).
Elle complète, par ailleurs, le dispositif en prévoyant le relevé d'une photographie de l'intéressé en plus des empreintes digitales.
Les consulats pourront désormais relever et mémoriser dans un fichier les empreintes digitales et la photographie des étrangers qui sollicitent un visa d'entrée en France ou dans l'Espace Schengen (ord.1945, art. 8-4 nouveau).
Au stade du dépôt de la demande, le recueil de ces données n'est qu'une possibilité offerte à ces administrations et n'est donc pas systématique. Il est, en revanche, obligatoire en cas de délivrance d'un visa. L'objectif étant d'identifier les étrangers qui, entrés légalement en France, s'y sont maintenus clandestinement.
Jusqu'à présent, la carte de résident était délivrée à l'étranger justifiant d'une résidence ininterrompue d'au moins 3 ans sur le territoire français. Et pouvait aussi être délivrée de plein droit à certaines catégories d'étrangers en raison de leurs liens particuliers avec la France. La loi du 26 novembre change la donne.
Les étrangers devront désormais justifier d'une résidence ininterrompue en France pendant 5 ans et non plus seulement 3 ans (ord. 1945, art. 14 modifié).
Toutefois, la durée de résidence requise est réduite à 2 ans lorsque l'étranger sollicitant la carte de résident :
a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial demandé par le titulaire d'une carte de résident ;
est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis 2 ans de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » du fait de cette qualité de parent, à condition qu'il remplisse toujours les conditions prévues pour l'obtention de cette carte .
Tout étranger qui sollicite une carte de résident doit dorénavant satisfaire à une condition d'intégration dans la société française. Une condition appréciée par le préfet - ou à Paris le préfet de police - « en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes régissant la République française » (ord. 1945, art. 6 modifié). D'autres éléments pourraient encore être retenus afin de déterminer si l'intégration est effective ou non. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, la condition serait appréciée en fonction d'un « faisceau d'indices, parmi lesquels la scolarisation, l'apprentissage de la langue, le suivi d'une formation professionnelle, la participation à la vie associative ou encore le suivi d'un contrat d'accueil et d'intégration ».
Le préfet peut saisir pour avis le maire de la commune de résidence de l'intéressé.
La carte de résident peut être délivrée de plein droit à certaines catégories d'étrangers en raison de leurs liens particuliers avec la France. Et notamment aux conjoints étrangers de ressortissants français. La carte de résident pouvait leur être auparavant délivrée si le mariage datait d'au moins un an. Ce délai est désormais de 2 ans (ord. 1945, art. 15 1° modifié).
Les autres conditions exigées sont toujours les mêmes : communauté de vie ininterrompue, conservation de sa nationalité par le ressortissant français, transcription du mariage sur les registres de l'état civil français s'il a été célébré à l'étranger.
Le droit au regroupement familial est accordé à l'étranger résidant en France, afin de lui permettre d'être rejoint en France par sa femme et ses enfants mineurs. L'étranger doit, pour bénéficier de ce droit, remplir certaines conditions et suivre une procédure particulière, modifiées par la nouvelle loi.
Le regroupement familial peut être refusé si le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes ses ressources et celles de son conjoint indépendamment des prestations familiales.
La loi « Chevènement » du 11 mai 1998 disposait que l'insuffisance des ressources ne pouvait motiver un refus si celles-ci étaient supérieures au SMIC. Selon le décret d'application, les revenus du demandeur étaient appréciés par rapport à la moyenne du SMIC sur douze mois. Désormais, la loi prévoit expressément que « les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au SMIC mensuel » (ord. 1945, art. 29 I 1° modifié). Une fois ce montant atteint, la condition de ressources pour bénéficier du regroupement familial est réputée acquise.
L'autorisation d'entrer sur le territoire dans le cadre du regroupement familial est donnée par le préfet, après vérification des conditions de ressources et de logement du regroupant. Jusqu'à présent, c'était l'Office des migrations internationales qui assurait cette tâche. Désormais, elle reviendra au maire de la commune de résidence de l'étranger ou à celui de la commune où il envisage de s'établir (ord. 1945, art. 29 II modifié).
Pour accomplir cette mission, le maire examine les pièces justificatives requises dont une liste doit être déterminée par décret. Il peut également faire procéder à des vérifications sur place et désigner, pour cela, des « agents spécialement habilités des services de la commune chargés des affaires sociales ou du logement ». Il peut également faire appel à des agents de l'OMI. Le consentement écrit de l'occupant est nécessaire. Mais en cas de refus, les conditions de logement sont réputées non remplies.
Si les vérifications ne peuvent pas être effectuées parce que le demandeur ne dispose pas encore du logement nécessaire au moment de la demande, le regroupement familial pourra être autorisé si les autres conditions sont remplies et après que le maire a vérifié sur pièces les caractéristiques du logement et la date à laquelle le demandeur en aura la disposition.
Passé cette phase d'instruction, le maire émet un avis motivé. Il sera réputé favorable à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de la communication du dossier par le préfet. Le dossier est transmis à l'OMI qui peut demander à ses agents de procéder, s'ils ne l'ont pas déjà fait, à des vérifications sur place.
A noter : l'avis rendu par le maire demeure purement consultatif. Le préfet reste pleinement compétent pour décider si les conditions sont remplies. Il statue dans un délai de 6 mois à compter du dépôt de la demande et informe le maire de sa décision.
Jusqu'à présent, la décision du préfet autorisant l'entrée en France des membres de la famille d'un étranger était caduque si le regroupement familial n'était pas intervenu dans un délai de 6 mois suivant la notification de cette décision au demandeur. La loi sur l'immigration prévoit que, dans le cas où une procédure de vérification d'un acte d'état civil étranger a été engagée par les autorités diplomatiques ou consulaires (voir encadré), ce délai ne court qu'à compter de la délivrance du visa (ord. 1945, art. 29 II modifié).
Les membres de la famille d'un étranger entrés régulièrement sur le territoire français au titre du regroupement familial recevaient jusqu'à présent de plein droit un titre de séjour de même nature que celui détenu par la personne rejointe. Et pouvaient donc se voir attribuer, selon les cas, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ou une carte de résident. Désormais, ils recevront uniquement de plein droit une carte de séjour temporaire, quelle que soit la nature du titre de séjour dont est titulaire l'étranger qu'ils rejoignent (ord.1945, art. 29 III modifié).
Jusqu'à présent, en cas de rupture de la vie commune, le titre délivré au conjoint d'un étranger dans le cadre d'un regroupement familial pouvait faire l'objet, pendant l'année suivant sa délivrance, d'un refus de renouvellement s'il s'agissait d'une carte de séjour temporaire, ou d'un retrait pour une carte de résident. Cela sera désormais possible dans les 2 années suivant la délivrance (ord. 1945, art. 29 IV modifié).
En outre, le préfet - ou le préfet de police à Paris - pourra dorénavant refuser de délivrer la carte en cas de rupture de la vie commune intervenue antérieurement à la délivrance du titre.
Le renouvellement pourra toutefois être accordé si la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison de violences conjugales.
Ces dispositions ne sont applicables qu'aux étrangers ayant reçu un titre de séjour après l'entrée en vigueur de la loi sur l'immigration (ord.1945, art. 37 modifié).
« Actuellement, certains étrangers ne peuvent bénéficier du droit au regroupement familial puisqu'ils ne remplissent pas les conditions prévues. » « Pourtant ils parviennent à faire venir leur conjoint et leurs enfants, qui entrent sur le territoire national avec un visa, ne repartent jamais et résident ensuite en France clandestinement », explique le sénateur (UMP) Jean-Patrick Courtois (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois). C'est pour empêcher ces pratiques que la loi du 26 novembre 2003 ouvre la possibilité de retirer son titre de séjour à l'étranger qui aurait « fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure de regroupement familial » (ord. 1945, art. 29 IV bis nouveau).
Les étrangers bénéficiant d'une protection absolue ou relative contre les arrêtés d'expulsion (3) échappent toutefois à cette sanction. La décision de retrait est prise après avis de la commission du titre de séjour (4).
A noter : des dispositions identiques avaient été prévues par la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, mais elles avaient été supprimées par la loi « Chevènement » de 1998.
La loi sur l'immigration durcit les conditions de délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale. Tout en assouplissant, cependant, les règles de maintien et de renouvellement de la carte pour les conjoints étrangers victimes de violences conjugales en cas de rupture de la vie commune.
La carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée, pour mémoire, pour une durée maximale de un an renouvelable, à certains étrangers ne remplissant pas les conditions nécessaires pour être titulaires d'une carte de résident mais ayant des liens personnels et familiaux d'une particulière intensité avec la France. Tour d'horizon des catégories d'étrangers concernées par les modifications.
La carte est désormais délivrée de plein droit, d'une part, aux enfants mineurs - ou se trouvant dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire - et, d'autre part, au conjoint d'un étranger titulaire d'une carte de résident ou d'une carte de séjour temporaire, entrés régulièrement en France et autorisés à y séjourner au titre du regroupement familial (ord. 1945, 12 bis 1° modifié). Cela n'était auparavant le cas que pour les enfants et conjoints des étrangers bénéficiant d'une carte de séjour temporaire.
Cette modification est, en fait, la conséquence d'une autre : la délivrance de plein droit, dorénavant, d'une carte de séjour temporaire pour les membres de la famille entrés régulièrement en France au titre du regroupement familial, quelle que soit la nature du titre détenu par l'étranger qu'ils viennent rejoindre . La délivrance de plein droit d'une carte de résident aux membres d'une famille entrés en France dans le cadre du regroupement familial et rejoignant un étranger qui en est titulaire est supprimée dans la même logique .
Le nombre des cartes de séjour temporaire octroyées au titre du regroupement familial devrait augmenter, dans la mesure où tous les étrangers entrant sur le territoire français dans le cadre du regroupement familial doivent, désormais, obligatoirement être titulaires de cette carte, quelle que soit celle détenue par l'étranger qu'ils rejoignent.
La carte de séjour temporaire vie privée et familiale est désormais délivrée de plein droit à l'étranger mineur - ou se trouvant dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire - qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans, et non plus 10 comme auparavant (ord. 1945,12 bis 2° modifié). Une modification liée à la création d'une protection absolue contre les arrêtés d'expulsion et les peines d'interdiction du territoire français pour certaines catégories d'étrangers, parmi lesquels ceux qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de 13 ans (art. 38 et 78 de la loi). Nous y reviendrons dans un prochain dossier.
La carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de 10 ans ou plus de 15 ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. A condition toutefois de ne pas vivre en état de polygamie. Et, précision apportée aujourd'hui par la nouvelle loi, étant entendu que les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte pour la justification du temps de résidence habituelle nécessaire à l'obtention de la carte (ord. 1945, art. 12 bis 3° modifié).
La carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale peut être également délivrée à l'étranger marié à un ressortissant français. L'intéressé ne doit toutefois pas vivre en état de polygamie. Son entrée en France doit, par ailleurs, avoir été régulière et son conjoint doit avoir conservé la nationalité française. Et, si le mariage a été célébré à l'étranger, il doit avoir été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. La loi Sarkozy ajoute une condition supplémentaire : il faut désormais également « que la communauté de vie n'ait pas cessé » (ord. 1945, art. 12 bis 4° modifié).
Le renouvellement de la carte de séjour pour cette catégorie d'étrangers était déjà auparavant subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Cette exigence est dorénavant assouplie au profit du conjoint étranger victime de violences conjugales, en cas de rupture de la vie commune (ord. 1945,12 bis 11° modifié). Le préfet, ou à Paris le préfet de police, peut ainsi, dans ce cas, accorder le renouvellement du titre.
L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur, résidant en France, peut aussi se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale. A certaines conditions toutefois. Ainsi sa présence ne doit pas représenter une menace pour l'ordre public et il ne doit pas vivre en état de polygamie. En outre, on exigeait jusqu'à présent qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de l'enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Désormais, le parent devra établir « contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [...] depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an » (ord. 1945, art. 12 bis 6° modifié). Et ce, dans les conditions prévue par l'article 371-2 du code civil relatif à l'autorité parentale, lequel dispose que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ».
Précision supplémentaire apportée par la loi du 26 novembre 2003 : l'accès de l'enfant français à la majorité ne fait pas obstacle au renouvellement de la carte de séjour (ord. 1945, art. 12 bis 12° modifié).
La carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale peut être délivrée à l'étranger résidant habituellement en France et dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Sous réserve toutefois qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. Cette possibilité est aujourd'hui encadrée plus sévèrement, afin de lui donner un caractère exceptionnel.
Ainsi, la décision de délivrer le titre, prise par le préfet, ou à Paris le préfet de police, n'intervient désormais qu'après avis du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin chef du service médical de la préfecture de police (ord. 1945, art. 12 bis 12° modifié). Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut, en outre, « convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale », dont la composition sera fixée par décret.
Difficile aujourd'hui de se faire une idée précise du nombre de « mariages blancs » célébrés chaque année. Pourtant, le ministre de l'Intérieur et les parlementaires de la majorité en sont convaincus : le phénomène est réel, il y aurait en France une recrudescence des mariages
frauduleux. Pire, de véritables réseaux spécialistes des mariages de complaisance se seraient mis en place. Le gouvernement a donc décidé la création, ni plus ni moins, d'un délit spécifique de mariage simulé, et un contrôle accru des mariages a priori.
Désormais, « le fait de contracter un mariage aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française », est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (ord. 1945, art. 21 quater I nouveau). Des peines également applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage aux mêmes fins.
Si, circonstance aggravante, l'infraction est commise en « bande organisée », ces peines sont portées à 10 ans d'emprisonnement et 750 000 € d'amende.
Les personnes physiques risquent d'être sanctionnées, en plus, par une peine complémentaire (ord. 1945, art. 21 quater I nouveau) :
d'interdiction de séjour pendant une durée de 5 ans au plus ;
d'interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans au plus ou à titre définitif (5) ;
d'interdiction, pour une durée de 5 ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (6).
Enfin, si la peine applicable à titre principal sanctionne l'organisation ou la tentative d'organisation d'un mariage de complaisance, les personnes physiques peuvent subir une peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature.
Les personnes morales peuvent aussi être déclarées responsables pénalement des infractions précitées (organisation ou tentative d'organisation d'un mariage de complaisance et infraction commises en bande organisée). Elles encourent une amende d'un montant maximal de 75 000 € ainsi que les peines suivantes : la dissolution, l'interdiction définitive ou temporaire d'exercer directement ou indirectement l'activité dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture définitive ou temporaire des établissements ou de l'un ou plusieurs des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés, l'exclusion des marchés publics et, pour finir, l'affichage ou la diffusion de la condamnation (ord.1945, art. 21 quater II nouveau). Autre peine encourue : la confiscation de tout ou partie de leurs biens, lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
Avant la célébration d'un mariage, le maire publie les bans. Cette publication n'est toutefois possible que si chacun des futurs époux lui remet un certificat médical datant de moins de 2 mois, attestant à l'exclusion de toute autre indication que l'intéressé a été examiné en vue du mariage. Une nouvelle condition est désormais posée : « l'audition commune des futurs époux, sauf en cas d'impossibilité ou s'il apparaît au vu des pièces du dossier, que cette audition n'est pas nécessaire » (code civil [C. civ.], art. 63 modifié). Il peut également, « s'il l'estime nécessaire, demander à s'entretenir séparément avec l'un ou l'autre des futurs époux ». Avec comme conséquence possible la saisine du parquet.
A noter : ces dispositions concernent l'ensemble des mariages, mixtes ou non.
Le maire peut désormais saisir le procureur de la République lorsqu' « il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition » des intéressés, que l'union envisagée est un mariage de complaisance (C. civ., art. 175-2 modifié). Le texte voté par les parlementaires prévoyait que le fait pour un ressortissant étranger de ne pas justifier de la régularité de son séjour constituait un indice sérieux. Et obligeait le maire à, parallèlement, informer « immédiatement » le préfet (ou à Paris, le préfet de police) de cette situation. Ces deux dispositions sont finalement tombées le 20 novembre sous le couperet du Conseil constitutionnel (7). Considérées par les neuf sages comme portant atteinte à la liberté du mariage, elles risquent toutefois de revenir sous une autre forme, dans un autre texte. C'est en tout cas ce qu'a promis le ministère de l'Intérieur.
Le procureur de la République est tenu, dans les 15 jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée au maire, aux intéressés mais pas au préfet, comme les parlementaires l'avaient là encore prévu à l'origine.
La durée du sursis décidée par le procureur ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée. A l'expiration du sursis, il fait savoir au maire, par une décision motivée, s'il laisse procéder au mariage ou s'il s'oppose à sa célébration.
L'un ou l'autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance, qui statue dans les 10 jours. La décision de ce dernier peut être déférée à la cour d'appel, qui statuera dans le même délai.
Désormais, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers dressé en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays font foi, « sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié, ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » (code civil, art. 47 modifié) .
En cas de doute, l'administration saisie d'une demande d'établissement, de transcription ou de délivrance d'un acte ou d'un titre sursoit à la demande et informe l'intéressé qu'il peut saisir, dans les 2 mois, le procureur de la République de Nantes, pour vérification de l'authenticité de l'acte (8) .
S'il estime la demande de contrôle sans fondement, il en avise l'intéressé et l'administration dans le délai de un mois. Si, au contraire, il juge lui aussi les documents douteux, il fait procéder à « toutes investigations utiles », dans un délai qui ne peut excéder 6 mois renouvelable une fois pour les nécessités de l'enquête. Les autorités consulaires compétentes peuvent ainsi être chargées de procéder aux enquêtes et vérifications nécessaires. La rapidité de ces investigations dépendra, en fait, de la volonté de collaboration des Etats en cause. La loi précise ainsi que l'intéressé et l'administration seront informés du résultat de l'enquête « dans les meilleurs délais ».
Au final, le procureur peut saisir le tribunal de grande instance de Nantes afin qu'il statue sur l'authenticité de l'acte. Les agents diplomatiques ou consulaires peuvent également, de leur propre initiative, procéder à la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur l'authenticité de ce document, lorsqu'ils sont saisis d'une demande de visa ou d'une demande de transcription d'un acte d'état civil (ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, art. 34 bis modifié) .
Pour ces vérifications, les autorités diplomatiques et consulaires sursoient à statuer sur la demande de visa présentée par la personne qui se prévaut de l'acte d'état civil litigieux, pendant une période maximale de 4 mois. Si ces vérifications n'ont pas abouti, la suspension peut être prorogée « pour une durée strictement nécessaire » et qui ne peut excéder 4 mois.
Les mariages mixtes sont dans le collimateur du gouvernement. Ceux qui sont célébrés à l'étranger peut-être plus que les autres. La loi du 26 novembre renforce le contrôle sur ces unions, pour lutter contre les mariages de complaisance mais aussi contre les « mariages forcés ». « Les services compétents et les associations d'aide aux femmes constatent une croissance » d'unions à l'occasion de séjours de la famille dans le pays d'origine « ou même sans la présence de la femme », explique le sénateur (UMP) Jean-Patrick Courtois (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois).
Comme auparavant, le mariage célébré à l'étranger reste soumis à un certain nombre de règles de validité pour être reconnu en France. Il doit ainsi avoir été célébré dans les formes usitées dans le pays étranger, précédé de la publication des bans (dont les règles ont été modifiées par ailleurs, voir) et avoir fait l'objet d'une transcription par les agents diplomatiques et consulaires compétents. Sur ce dernier point, une procédure de contrôle a d'ailleurs été instaurée en 1993 afin de vérifier la conformité du mariage aux règles du code civil. Elle ouvre la possibilité aux agents diplomatiques ou consulaires de saisir le ministère public en cas d'indices sérieux laissant présumer que l'union est frauduleuse ou ne peut être validée en droit français.
La nouveauté, c'est qu'en amont de toutes ces formalités, les agents diplomatiques ou les consuls de France « doivent » désormais, s'ils l'estiment nécessaire et sauf en cas d'impossibilité, procéder à l'audition commune des futurs époux ou des époux, selon les cas, soit lors de la demande de publication des bans, soit lors de la demande de transcription du mariage par le ressortissant français. Et surtout, ils peuvent demander à s'entretenir séparément avec l'un ou l'autre des époux ou futurs époux, ou encore requérir leur présence à l'occasion de chacune des formalités nécessaires (C. civ., art. 175-2 modifié). L'idée étant que les fonctionnaires puissent examiner la réalité du consentement et de l'intention matrimoniale des intéressés.
La carte de séjour temporaire peut déjà être retirée à l'étranger passible de poursuites pénales dans différents cas, notamment s'il a commis les infractions créées en mars dernier par la loi sur la sécurité intérieure comme la traite des êtres humains, le racolage, l'exploitation de la mendicité ou la demande de fonds sous contrainte (9). La loi du 26 novembre crée une nouvelle possibilité de retrait : en cas d'infractions à la législation du travail. Il s'agit plus précisément de lutter contre le travail au noir. La personne qui travaille, alors que son titre de séjour - en l'occurrence, sa carte de séjour temporaire - ne le lui permet pas, se verra retirer le titre en question (ord. 1945, art. 12 modifié). Risquant ainsi l'expulsion. Les parlementaires ont abandonné au passage toute idée d'ajouter une peine d'amende ou d'interdiction du territoire.
L'étranger qui aura travaillé sans être pourvu d'une autorisation de travail pendant la durée de validité de son visa court séjour ou pendant les 3 mois à compter de son entrée sur le territoire français sans être titulaire d'un premier titre de séjour pourra désormais être reconduit à la frontière (ord. 1945, art. 22 I 2° modifié). Argument avancé : il s'agirait de répondre au « développement de filières de travail clandestin qui profitent des visas touristiques pour organiser des allers et retours permanents ». « L'étranger muni de son visa de touriste vient travailler 3 mois, repart dans son pays puis revient 3 mois plus tard », explique le sénateur (UMP) Jean-Patrick Courtois (Rap. Sén. n° 1, octobre 2003, Courtois).
Autre nouveauté en la matière : alors qu'auparavant, dès la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger était « immédiatement » mis en mesure d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix, cette possibilité ne sera désormais ouverte que « dans les meilleurs délais » (ord. 1945, art. 22 I modifié). Présentée comme une souplesse nécessaire face aux difficultés fréquentes d'interprétariat, cette mesure est censée éviter certains vices de procédure.
Les employeurs d'étrangers en situation irrégulière doivent désormais acquitter une « contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine » (ord. 1945, art. 21 quinquies nouveau). Elle s'ajoute à la contribution qu'ils doivent par ailleurs verser à l'Office des migrations internationales (10).
Le montant total des sanctions pécuniaires infligées à ces employeurs ne peut toutefois dépasser le montant de l'amende pénale encourue.
Un décret doit préciser les modalités d'application de cette mesure.
Les inspecteurs du travail sont dorénavant habilités à constater les infractions en matière de travail dissimulé (voir ci-contre) ou d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers des étranger en France (code du travail, art. L. 611-1 modifié) . Ils peuvent donc dresser des procès-verbaux si au cours de leurs contrôles, ils constatent de telles infractions.
Ces fonctionnaires, ainsi que les contrôleurs du travail, sont par ailleurs également habilités à demander aux employeurs et aux « personnes occupées dans les établissements assujettis » au code du travail de justifier de leur identité et de leur adresse (C. trav., art. L. 611-8 et L. 611-12 modifié) .
La loi sur l'immigration aggrave les peines principales encourues par les personnes physiques et morales coupables d'employer, directement ou par personne interposée, un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.
Elles sont dorénavant de 5 ans d'emprisonnement (contre 3 auparavant) et 15 000 € d'amende (au lieu de 4 500 €) (C. civ., art. L. 364-3 modifié). En cas de commission en bande organisée, elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende.
L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés.
Les personnes physiques qui ont employé un étranger non muni de titre de travail encourent toute une série de peines complémentaires. Une liste allongée aujourd'hui par la loi sur l'immigration.
Si le coupable est étranger, il pourra ainsi être condamné, en plus de la peine principale, à une interdiction de séjour pour une durée de 5 ans au plus (C. civ., art. L. 364-8 6° nouveau).
Les personnes physiques ou morales ayant commis l'infraction en bande organisée risquent par ailleurs une peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature (C. civ., art. L. 364-8 modifié).
Les parlementaires ont prévu deux nouvelles possibilités de retrait de la carte de séjour temporaire en matière d'infraction à la législation des stupéfiants (art. 16 II de la loi) :
en cas de cession ou d'offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle (code pénal [CP] , art. 222-39 inchangé) ;
en cas de condamnation pour impossibilité de pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à des activités de trafic de stupéfiants ou une ou plusieurs personnes se livrant à l'usage de stupéfiants (CP, art. 222-39-1 inchangé) .
C'était déjà le cas avant la loi du 26 novembre : toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui, alors qu'elle se trouvait en France, a facilité ou tenté de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour de l'étranger, peut être poursuivie. Les mêmes faits sont incriminés lorsque cette personne se trouvait sur le territoire d'un Etat partie à la convention de Schengen ou si, se trouvant en France, elle a commis ces faits au détriment de l'un de ces Etats. La nouveauté, c'est que la liste des pays concernés va bientôt s'allonger. Le champ du délit comprendra en effet tous les Etats parties à la convention de Palerme signée le 12 décembre 2000 et ratifiée par 40 nations (ord. 1945, art. 21 I modifié). Cette extension sera effective à compter de la publication au Journal officiel du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air, mer, additionnel à la convention (art. 89 de la loi).
La peine sanctionnant le délit ne change pas (5 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende) (ord. 1945, art. 21 I).
La loi aggrave par ailleurs certaines peines complémentaires prévues pour les personnes coupables du délit. L'interdiction de séjour et la suspension de permis de conduire passent ainsi de 3 à 5 ans au plus (ord. 1945, art. 21 II modifié).
A noter : la durée de l'interdiction de séjour ne pourra plus être doublée en cas de récidive.
La loi du 26 novembre 2003 ajoute de nouvelles circonstance aggravantes au délit d'aide directe ou indirecte à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers. Le coupable encourra ainsi une peine de 10 ans d'emprisonnement et 750 000 € d'amende non seulement si l'infraction a été commise en bande organisée mais également si elle a (ord. 1945, art. 21 bis nouveau) :
été commise dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
eu pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;
été commise au moyen d'une habilitation ou d'un titre de circulation en zone réservée d'un aérodrome ou d'un port ;
eu comme effet, pour des mineurs étrangers, de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement traditionnel.
Certains membres de la famille de l'étranger ou des associations qui auraient commis l'infraction en agissant pour des raisons humanitaires peuvent être protégés contre des poursuites pénales. Précision importante : ces immunités ne concernent que le délit d'aide au séjour irrégulier, et non celui d'aide à l'entrée irrégulière ou à la circulation.
Depuis 1996, l'immunité est accordée aux ascendants, descendants et conjoint de l'étranger. Dans ce dernier cas, elle ne s'appliquait pas, à l'époque, si les époux étaient séparés de corps ou autorisés à résider séparément. La loi « Chevènement » du 11 mai 1998 a étendu cette immunité au conjoint des descendants ou des ascendants, aux frères et sœurs et à leur conjoint, ainsi qu'à la personne qui vit notoirement en situation maritale avec l'étranger. La condition de n'être pas séparés de corps ou de ne pas être autorisés à résider séparément a alors été supprimée. Elle est rétablie aujourd'hui (ord. 1945, art. 21 III 1° modifié), assortie d'une condition de communauté de vie pour les conjoints des divers membres de la famille et de l'étranger (ord. 1945, art. 21 III 2° modifié).
Une personne morale ou physique ne pourra pas être inquiétée si « l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger » (ord. 1945, art. 21 III 3° nouveau). A condition toutefois qu'il n'y ait pas « disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace » ou que l'acte n'ait pas « donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ».
Olivier Songoro
(1) Voir ASH n° 2333 du 14-11-03.
(2) Voir ASH n° 2335 du 28-11-03.
(3) La loi change la donne s'agissant des catégories d'étrangers protégés contre l'expulsion (art. 36 et 38 de la loi, notamment). Nous reviendrons sur ces modifications dans un prochain dossier.
(4) Réformée par ailleurs par la loi dans son article 19. Nous y reviendrons dans un prochain dossier.
(5) Dans les conditions prévues aux articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal.
(6) Cette interdiction n'est pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
(7) Voir ASH n° 2335 du 28-11-03.
(8) Une compétence qui s'explique par la localisation du service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères à Nantes.
(9) Voir ASH n° 2303 du 21-03-03.
(10) Contribution due en cas d'introduction d'un travailleur étranger sans passer par l'intermédiaire de l'OMI et prévue à l'article L. 341-7 du code du travail.