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Reconnaître le métier d'animateur en gérontologie

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Pour développer « la vie sociale des personnes âgées », Bernard Hervy propose de sortir l'animation en gérontologie « de l'indigence et de la précarité ». Il plaide pour une politique de professionnalisation des animateurs et la création d'un brevet professionnel « personnes âgées ».

Alors que l'animation constitue une réponse privilégiée au développement ou au maintien de la vie sociale des personnes âgées et qu'elle a élaboré, au fil d'une décennie, ses propres méthodologies, ce secteur demeure mal identifié. Une sorte de flou entoure encore cette discipline qui ne peut plus se limiter à une succession d'activités occupationnelles, mais doit viser, à partir des besoins propres de chaque personne âgée, à l'accomplissement de soi et à la participation à la vie sociale. D'autant qu'avec l'arrivée du secteur commercial dans le champ gérontologique, l'animation est devenue « un enjeu stratégique de recherche de clientèle ».

Tel est l'état des lieux que dresse, Bernard Hervy, dans le rapport qu'il a remis, le 19 novembre, à Hubert Falco (1). C'est en janvier dernier que le secrétaire d'Etat aux personnes âgées avait confié à ce spécialiste (2) une mission destinée à établir des propositions concrètes pour le développement de la vie sociale des personnes âgées. Outre une mise à plat des pratiques existantes, à domicile comme en institution, le document formule 33 préconisations, dont une très attendue, la création d'un brevet professionnel « personnes âgées » pour les animateurs en gérontologie.

 Quelle place revêt aujourd'hui l'animation dans ce secteur ? Et que recouvre cette notion de « vie sociale »  ? La mission en esquisse une double définition : il s'agit du « développement de la vie relationnelle, sociale et culturelle des personnes » et, selon les professionnels de l'animation, d'une « méthode de conduite d'un groupe qui favorise l'intégration et la participation de ses membres à la vie collective ». L'animation est l'un des moyens de mettre en œuvre cette vie sociale. Elle doit désormais sortir du flou qui, dans un secteur longtemps dominé par le soin, entoure les modalités de sa pratique et les métiers de l'animation.

Une ambitieuse politique de professionnalisation des intervenants et des moyens de fonctionnement adaptés :voilà ce que réclame l'auteur du rapport. Celui-ci constate les faiblesses du secteur sur plusieurs aspects. Il pointe en premier lieu une insuffisance en nombre, avec un taux de 1,07 personnel affecté à l'animation pour 100 personnes âgées. Mais il y a plus grave : le manque de compétence, de qualification et de formation. 80 % des animateurs n'ont pas de formation spécifique à l'animation. Ce secteur compte une majorité d'emplois- jeunes, environ 15 % d'emplois aidés et 20 % d'emplois sans qualification.

Régler la question des emplois-jeunes apparaît donc pour Bernard Hervy comme une urgence absolue, dans la mesure où un grand nombre de contrats arrivent à leur terme en cette fin d'année. Plus de 45 % des emplois actuels d'animation en gérontologie, selon l'enquête effectuée par la mission (3), sont liés à ce dispositif. Soit un total d'environ 5 500 jeunes dont seulement 20 % sortent qualifiés et expérimentés. Pour les autres, très majoritaires, glissements de fonctions et absence de formation ont été le lot quotidien. Comme dans différents secteurs, « trop de jeunes ont dû assumer, sans perspectives, des tâches multiples, correspondant à ce que les personnels en poste ne pouvaient pas faire », regrette Bernard Hervy, recommandant l'intégration des emplois-jeunes formés par des mesures de professionnalisation du secteur.

Pour l'auteur du rapport, à l'instar des autres filières de la gérontologie, la professionnalisation des intervenants en animation est indispensable. Elle « sera d'autant plus nécessaire que les personnes seront plus fragiles. L'avenir de la gérontologie se situe dans une pluriprofessionnalité ouverte, centrée sur des personnes âgées actrices de leur vie. » En outre, l'actuel défaut de reconnaissance des qualifications existantes est source d'injustices. « Certaines structures voient leurs animateurs partir dans des secteurs où ils sont reconnus. L'égalité de moyens souvent avancée n'est pas assurée, les plus malades et les plus dépendants ayant les animateurs les moins qualifiés ! », s'indigne Bernard Hervy. Par exemple, la fonction publique hospitalière reconnaît mal les qualifications les plus adaptées. Le responsable de la mission propose donc de clarifier cette situation en s'appuyant sur les compétences professionnelles des intervenants, « c'est- à-dire sur les diplômes professionnels du secteur, en complétant les filières quand elles sont embryonnaires, en les harmonisant, et également en réaffirmant leur ancrage dans les filières du travail social et socioculturel ».

Mais plutôt que des diplômes très ciblés sur un public, le rapport privilégie une formation qualifiante généraliste en animation, axée sur l'insertion sociale, avec des modules spécifiques pour s'adapter aux personnes âgées. « Il est préférable, indique Bernard Hervy, de ne pas orienter la formation vers une spécialisation, mais au contraire de privilégier la méthodologie. Il est toujours plus aisé de se spécialiser par la suite, mais l'inverse n'est pas vrai. » En d'autres termes, mieux vaut une majorité de professionnels susceptibles de monter et de mettre en œuvre, avec les autres acteurs, des projets ciblés sur la vie sociale, et une minorité de spécialistes. Car, s'il reconnaît l'intérêt des animations par secteur d'activité quand les intervenants sont formés, le rapporteur estime, en revanche, que « la présence, dans un établissement, d'une seule série d'activités réalisées par des vacataires spécialisés correspond à une prise en charge très partielle de la diversité des personnes. Ces réalisations [...] ne doivent pas faire oublier l'essentiel, le projet de vie de la personne. »

Mesure phare du rapport : la création d'un brevet professionnel « personnes âgées » (niveau IV) à partir du brevet d'Etat d'animateur technicien de l'éducation populaire et de la jeunesse (voir encadré ci- dessous). A côté, Bernard Hervy suggère d'expérimenter des contrats de qualification de deux ans (avec une extension possible de un an), pour permettre aux débutants titulaires d'un DUT animation- carrières sociales - diplôme qui, a du mal à trouver sa place - de préparer un diplôme d'Etat aux fonctions d'animation (DEFA) tout en bénéficiant d'une grille salariale correcte ; mais aussi, de reconnaître un niveau d'aide-animateur ou d'adjoint d'animation, déjà existant dans la fonction publique territoriale, et le diplôme correspondant, le brevet d'aptitude professionnelle d'assistant animateur technicien.

Le rapport s'inquiète également de la situation « en danger » des cadres de l'animation en gérontologie. La fuite des titulaires du DEFA « hypothèque l'avenir d'un secteur qui ne pourra pas se développer sans ses cadres ». Il s'agit, là encore, d'une question de reconnaissance : dans la fonction publique territoriale, le DEFA ne fait pas partie de la filière professionnelle mais de la filière administrative en cadre A. Dans la fonction publique hospitalière, il est reconnu au cadre B et sans possibilité d'évolution. Le rapport préconise de reclasser le DEFA sur deux niveaux : un premier pour les titulaires du DEFA débutants, et un second en cadre A après cinq années d'expérience. Le rapport suggère également - des expérimentations sont déjà en cours - de confier l'encadrement professionnel des animateurs isolés, ou exerçant dans de petites structures, à des équipes mobiles d'animation, au sein de réseaux d'établissements et de services. La mission propose aussi d'envisager des coordonnateurs de vie sociale (avec DEFA plus expérience) à l'échelon de cantons ou de zones géographiques.

Mais comment faire quand les moyens de l'animation en gérontologie sont quasiment nuls ? La mission propose d'abord de rendre effective la circulaire dite Francheschi de 1982. Un minimum de 1 % de toutes les dépenses des établissements et services serait ainsi consacré à la vie sociale des personnes âgées et affecté à des moyens ou budgets spécifiques. Ce qui permettrait, selon le rapport, d'entamer un processus de qualification des animateurs. Par ailleurs, la mission prône de « revenir à la proposition initiale de la réforme de la tarification, c'est-à-dire d'assurer le financement de la vie sociale des personnes âgées en perte d'autonomie, pour deux tiers, dans la partie “dépendance” et, pour un tiers, dans la partie “hébergement” » - ce qui éviterait que le financement en soit uniquement supporté par la personne âgée et sa famille.

LES ENGAGEMENTS D'HUBERT FALCO

Le 25 novembre, lors des états généraux de l'animation en gérontologie (voir ce numéro), Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, s'est engagé sur trois points :

 l'examen de la création d'un brevet professionnel « personnes âgées » dans le cadre d'une réflexion interministérielle ;

 l'étude d'un budget spécifique pour l'animation en gérontologie dans le cadre du plan « Solidarité pour les personnes âgées » présenté le 6 novembre (4)  ;

 l'élaboration d' « un guide de bonnes pratiques » pour les intervenants.

UN BREVET PROFESSIONNEL « PERSONNES ÂGÉES »

Pour Bernard Hervy, la qualification la plus pertinente est aujourd'hui le brevet d'Etat d'animateur technicien de l'éducation populaire et de la jeunesse (Beatep). La fonction publique territoriale en a fait le diplôme pivot de sa filière professionnelle animation. Dans le secteur des personnes âgées, certains ont suivi des Beatep plus généralistes (type animation des groupes ou des collectivités), d'autres plus nombreux, des Beatep option personnes âgées. Outre le fait que les personnels formés à un niveau de baccalauréat professionnel (niveau IV) se révèlent parfaitement adaptés au montage de projets ciblés sur la vie sociale, cette formation reste accessible financièrement à des établissements de petite taille. Le Beatep sera remplacé dans les deux ans par un brevet professionnel-jeunesse, éducation populaire et sports (BP-JEPS) avec un champ d'action élargi et un découpage modifié pour faciliter la validation des acquis de l'expérience. Faut-il alors un BP spécifique aux personnes âgées ?Méfiant quant à une spécialisation trop poussée, Bernard Hervy se prononce sur un brevet professionnel large, interministériel (Education nationale/Affaires sociales), orienté vers l'ensemble des personnes âgées et reconnu dans tous les secteurs de la gérontologie. Celui-ci pourrait être calé sur la grille de classement des moniteurs- éducateurs ou celle des animateurs de la fonction publique territoriale.

Enfin, pour rendre sa place à l'animation et à l'accompagnement de la vie sociale, le rapport préconise que 10 % du temps de tous les personnels des établissements, sans exception, soit consacré à l'accompagnement de la vie sociale des personnes âgées. Ces propositions (1 % budgétaire et 10 % du temps des personnels) seraient également applicables à l'aide à domicile. En effet, les expériences d'aide à la vie sociale déjà menées dans ce secteur mettent en évidence des résultats positifs. Elles pourraient être prises en charge en partie dans la prestation autonomie.

Sandrine Pageau

Notes

(1)  Propositions pour le développement de la vie sociale des personnes âgées - Editions ENSP, 2003.

(2)  Il est animateur-coordonnateur en gérontologie dans les hôpitaux gériatriques Broca et La Rochefoucauld et fondateur du Groupement des animateurs en gérontologie.

(3)  Elle s'est donné pour moyens la reprise d'enquêtes précédentes, mais elle a également mené une enquête propre, sous une double forme : 10 000 questionnaires adressés aux établissements, des contacts directs avec des professionnels et des auditions de groupe de professionnels (animateurs, directeurs, soignants, responsables de services et d'associations), de bénévoles, de familles et de personnes âgées.

(4)  Voir ASH n° 2333 du 14-11-03.

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