Alors que le Parlement discute actuellement le projet de loi de santé publique et celui relatif aux responsabilités locales (1) - textes comportant certaines dispositions dans le domaine de la prévention en matière de santé - le Conseil économique et social (CES) espère-t-il influer sur le cours des débats ? C'est en tout cas le vœu de Guy Robert qui a préparé au nom de la section des affaires sociales un avis sur la question, adopté le 25 novembre (2).
Premier écueil mis en avant par l'instance consultative : le manque de coordination. Un problème rencontré en particulier au sein de l'Education nationale. Ainsi, déplore le conseil, « le travail en commun des différentes institutions qui peuvent connaître les enfants ou les adolescents (les enseignants, les infirmières scolaires, les médecins, les éducateurs relevant des services de l'Etat, des collectivités territoriales ou du monde associatif, dont les intervenants de l'éducation populaire, les assistantes sociales...) est encore trop réduit ». Aussi apparaît-il indispensable à la Haute Assemblée d'ouvrir davantage ce ministère sur l'extérieur, notamment en le faisant participer plus activement, avec les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS), à l'élaboration des schémas régionaux d'éducation pour la santé (SREPS), mais aussi en le faisant collaborer aux autres projets locaux comportant un volet d'éducation pour la santé (contrats locaux de sécurité, contrats éducatifs locaux, conseils communaux de prévention de la délinquance...).
De même, le conseil regrette la discontinuité dans le suivi de l'état de santé des jeunes liée à un partage des compétences entre la protection maternelle et infantile (PMI), qui relève du département, et la médecine scolaire, qui dépend du ministère de l'Education nationale, hérité des lois de décentralisation et « porteur de certaines incohérences » (3). C'est pourquoi il se félicite de l'annonce de la création d'un « dossier de santé », faite par le ministre délégué à l'enseignement scolaire, Xavier Darcos, en février 2003 (4), qui doit permettre, selon lui, de réaliser cette coordination, dans le prolongement du carnet de santé de la PMI et du dossier de santé scolaire actuel.
Toujours dans le même esprit, le CES préconise l'introduction dans la formation des travailleurs sociaux d'un enseignement de santé publique et de prévention. Il estime également nécessaire de développer des formations interprofessionnelles, « étant donné la nécessité de la collaboration entre médecins, infirmiers et acteurs du social ». Et de renforcer la polyvalence des équipes intervenant dans le cadre de l'action sociale, en assurant la représentation de plusieurs approches professionnelles, intégrant notamment une dimension de soins médicaux et de prévention sanitaire.
Pour finir, le rapport plaide pour une plus grande place accordée aux régions, échelon jugé le mieux adapté à la coordination entre tous les acteurs de la prévention. Une proposition qui va dans le sens, en particulier, du projet de loi relatif aux responsabilités locales qui prévoit de reconnaître aux régions la possibilité d'engager des programmes régionaux spécifiques de santé publique et de leur donner la responsabilité des formations sociales et paramédicales.
Dans un autre registre, le conseil s'attarde sur le dépistage des troubles d'ordre physique ou psychique chez l'enfant. Même si le bilan médical effectué lors de la sixième année lui semble satisfaisant, il juge que celui-ci intervient trop tard pour repérer les pathologies qui auraient intérêt à être soignées plus tôt. Dès lors, la décision du gouvernement de le pratiquer en moyenne section de maternelle (en non plus en grande section) lui semble une première avancée (5). En outre, il lui apparaît indispensable d'établir des connexions entre les services de maternité des hôpitaux et de PMI. Ce, pour « permettre un meilleur repérage et traitement de la dépression maternelle, et éviter les conséquences négatives que celle-ci peut avoir sur le psychisme de l'enfant ».
Par ailleurs, pour lutter contre la souffrance des adolescents, le conseil préconise de combler le « vide institutionnel » devant lequel ceux-ci se trouvent en cas de difficulté. Ce qui suppose, de développer sur l'ensemble du territoire les « points écoute jeunes » ou « points écoute parents », ainsi que les structures telles que les « maisons des adolescents » instaurées dans quelques services hospitaliers.
Enfin, dernière critique : l'avis déplore que les politiques et les actions de prévention reposent trop souvent sur une vision biomédicale de la santé et ne prennent pas suffisamment en considération l'environnement économique et social dans lequel évolue la personne. Ainsi les outils existants de surveillance en santé publique (maladies à déclaration obligatoire, maladies professionnelles, déclarations de décès, etc.) devraient systématiquement recueillir des données pertinentes sur la situation sociale des personnes et sur leur trajectoire de vie (ruptures, isolement).
(1) Voir ASH n° 2312 du 23-05-03 et n° 2328 du 10-10-03.
(2) La prévention en matière de santé - Disponible sur le site
(3) A noter que le Sénat, lors de l'examen en première lecture du projet de loi sur les responsabilités locales, a décidé de confier la tutelle de la médecine scolaire aux départements.
(4) Voir ASH n° 2300 du 28-02-03.
(5) Voir ASH n° 2300 du 28-02-03.