« Réforme historique », « réforme sociale d'envergure »... Voilà l'appréciation portée par Jean-Pierre Raffarin sur son plan de « solidarité pour les personnes dépendantes », présenté le 6 novembre en présence de tous les ministres concernés. Côté associations, le propos est toutefois beaucoup plus mesuré (voir encadré). Ce plan sur 4 ans est décliné en deux programmes, l'un pour les personnes âgées (850 millions d'euros par an), l'autre pour les personnes handicapées (également 850 millions d'euros par an).
Pour ces dernières, le Premier ministre aura essentiellement synthétisé et confirmé, avec moins de précisions parfois, ce qui était déjà connu depuis plusieurs semaines. A savoir les grandes lignes de la réforme de la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, dont la présentation en conseil des ministres est promise d'ici à la fin de l'année (1).
S'agissant des personnes âgées, le gouvernement prévoit la création de plus de 30 000 places supplémentaires sur 4 ans pour favoriser le maintien à domicile, la modernisation de 6 500 maisons de retraite et le développement des services gériatriques. Le secrétariat d'Etat aux personnes âgées doit d'ailleurs présenter prochainement le détail des effets de la réforme aux organisations professionnelles du secteur, en ce qui concerne aussi bien les établissements que le domicile.
Mais c'est sur la question du financement que le plan s'avère le plus novateur. Au total, 9 milliards d'euros devraient être dégagés d'ici à 2008. Ils s'ajouteront aux 660 millions d'euros déjà décidés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et aux mesures fiscales de la loi de finances 2004 (extension du champ du crédit d'impôt pour les dépenses d'équipements pour des personnes âgées ou handicapées) (2). Ces financements, permettant également de sécuriser l'allocation personnalisée d'autonomie, devraient être affectés en totalité à une nouvelle caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), instituée pour l'occasion. Pour l'alimenter, le gouvernement prévoit notamment la suppression d'un jour férié ou de réduction du temps de travail au titre de la solidarité nationale et une cotisation patronale de 0,3 % de la masse salariale. Une loi créant cette nouvelle contribution et instaurant la CNSA devrait être votée dans le courant du premier semestre 2004. L'objectif étant que cette caisse soit réellement opérationnelle avant la fin 2004.
Le plan poursuit trois priorités en direction des personnes âgées.
En premier lieu, le gouvernement entend favoriser le maintien à domicile des personnes âgées, en augmentant l'offre de services et en la diversifiant.
30 000 places supplémentaires doivent ainsi voir le jour d'ici à 2007, réparties de la façon suivante : 17 000 places en service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) (ce qui porterait leur nombre total à 100 000 places en 2007) et 13 000 en hébergement (4 500 pour l'hébergement temporaire et 8 500 places d'accueil de jour pour la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'affections apparentées). Etant précisé que l'enveloppe dédiée à ces mesures servira également à financer des dispositifs innovants : « places d'accueil de jour itinérantes, d'accueil de nuit, gardes itinérantes de nuit ».
Le gouvernement souhaite « permettre aux personnes âgées et à leurs proches de pouvoir disposer d'une offre de services enrichie ». A cette fin, il propose de développer les services polyvalents d'aide et de soins à domicile pour améliorer la coordination et l'adaptation des réponses à domicile en termes d'aide et de soins. Une mesure dont ni le calendrier ni le budget ne sont cependant précisés. Il envisage également :
de développer un accueil familial adapté ;
de faciliter l'aide au déplacement et au transport accompagné des personnes âgées ;
d'améliorer l'accessibilité et l'adaptation de l'habitat des personnes âgées ;
d'utiliser les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées à domicile ;
de créer des relais d'écoute et des lieux de parole destinés aux aidants ;
et de mettre à l'étude un congé de 3 mois au maximum pour s'occuper d'un ascendant.
Ainsi que l'avait préconisé la mission parlementaire créée à l'Assemblée nationale au lendemain de la canicule (3), un programme d'alerte sera élaboré. Il repose sur un partenariat entre les autorités sanitaires et Météo France en cas d'alerte climatique. Son déclenchement et la gestion de la crise seront confiés au préfet de département. Les ministres chargés de la santé et des personnes âgées devront mobiliser, à cette fin, tout ou partie des préfets de département et des directeurs d'agence régionale de l'hospitalisation (le protocole précisant les modalités de cette mobilisation sera élaboré au cours du premier trimestre de l'année 2004). Par ailleurs, le gouvernement annonce qu'un repérage et un suivi des personnes âgées fragiles seront mis en œuvre avec leur recensement et la mobilisation de relais de proximité.
En parallèle, l'alerte sanitaire sera renforcée, un premier volet de mesures figurant déjà dans le projet de loi de santé publique, actuellement débattu au Parlement (4) : signalement à l'autorité sanitaire des menaces imminentes pour la population par les services de l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les observatoires régionaux de la santé, les médecins et directeurs de laboratoire. En outre, le certificat de décès pourra être utilisé à des fins sanitaires et d'alerte par les services de l'Etat et l'Institut national de veille sanitaire.
Deuxième priorité : moderniser 6 500 maisons de retraite pour leur assurer une meilleure médicalisation. D'ici à 2007, assure le Premier ministre, 13 200 personnels soignants seront recrutés et 10 000 nouvelles places médicalisées en établissement créées (soit 1 800 emplois de soignants).
Egalement à l'ordre du jour : la rénovation du bâti, avec un recensement et un suivi des établissements concernés par la mise aux normes et l'implantation, dans chaque établissement, d'une pièce à température maîtrisée. « Les pouvoirs publics veilleront à fixer les normes utiles afin que chaque établissement dispose d'au moins une salle climatisée. » Un groupe de travail commun aux ministères de l'Intérieur, de l'Equipement et des Affaires sociales proposera les adaptations nécessaires à la mise en sécurité des établissements pour le second semestre 2004. Signalons aussi que, dans le cadre du renforcement de l'alerte sanitaire, le gouvernement annonce la mise au point de « plans bleus » dans toutes les institutions accueillant des personnes âgées (publiques, privées, associatives ou lucratives) définissant un mode général d'organisation de l'établissement pour toute situation de crise sanitaire. Une convention entre l'établissement et un établissement de santé devra être conclue à cette fin.
Autre annonce : l'incitation à la création de structures de type résidences intégrées et de petites unités de vie, actuellement peu nombreuses. Leur fonctionnement pourra, selon les fiches techniques élaborées à Matignon, être envisagé sous différentes formes : « s'appuyer sur une convention de partenariat avec les SSIAD, avec une présence permanente de jour comme de nuit, [ou] s'apparenter, mais de façon très simplifiée, au fonctionnement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes en prévoyant une graduation pour tenir compte du niveau de dépendance des personnes accueillies ».
Le gouvernement annonce, sans plus de précision, une simplification de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes afin de « mettre un terme au co-pilotage actuel trop déresponsabilisant entre l'autorité départementale et le préfet ainsi qu'à un conventionnement jugé beaucoup trop complexe ». Le président du conseil général deviendrait, ainsi, l'interlocuteur unique des établissements.
En outre, le plan entend globaliser les dépenses « par l'intégration des frais pharmaceutiques au sein de la dotation d'assurance maladie ». La mesure, très critiquée, de réintégration, sous certaines conditions, des médicaments dans les tarifs journaliers de soins, abandonnée l'an passé lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (5), serait-elle de nouveau à l'ordre du jour ?
Les mesures du plan « urgences » du ministère de la Santé (6) sont intégrées dans le nouveau programme pour les personnes dépendantes. En amont de la prise en charge sanitaire, une consultation de prévention en direction des personnes âgées, et plus particulièrement de celles qui sont les plus fragiles, devrait être inscrite dans le projet de loi relatif à la santé publique. Pour la prise en charge sanitaire, le programme prévoit de développer des services de court séjour gériatriques. Pour renforcer l'offre de soins gériatriques à proximité du domicile de la personne âgée, les compétences gériatriques à l'hôpital seront, selon le plan, déployées dans un cadre pluriannuel. Il s'agit de doter les établissements disposant de lits de médecine et de soins de suite et de réadaptation « de moyens adaptés ». Les équipes mobiles gériatriques devraient renforcer l'expertise indispensable en matière de gériatrie. En aval de l'hospitalisation, un retour à domicile, s'il est possible, sera assuré. Les capacités d'accueil des services de soins de suite médicalisés seront, à cette fin, accrues, affirme Jean- Pierre Raffarin. Celles de lits de médecine générale seront également augmentées, et l'hospitalisation à domicile encouragée. Le développement des réseaux gérontologiques sera accéléré, l'objectif étant de « susciter leur création et d'assurer une synergie avec les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) ».
« Concrétiser l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées quelle que soit la nature de leur handicap, [...] créer les conditions de leur pleine participation à la vie sociale et du plein exercice de leur citoyenneté et, enfin, [...] garantir l'effectivité des droits reconnus par la législation mais restés souvent lettre morte. » Telles sont les orientations de la réforme de la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Orientations toutefois déjà largement connues (7) et que le Premier ministre n'a fait que rappeler.
Au-delà du rappel de ces futures dispositions législatives, le gouvernement a annoncé, sans plus de précision, la mise en œuvre de programmes d'action pluriannuels. En particulier, la création de places en établissement sera poursuivie grâce à de nouveaux efforts budgétaires de l'Etat et de l'assurance maladie. En fait, il s'agit, selon le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées, de la poursuite des plans pluriannuels de création de places en centre d'aide par le travail et en maison d'accueil spécialisée. Un effort en ce sens est d'ores et déjà prévu dans le projet de loi de finances 2004 qui doit être prochainement voté (8).
Le gouvernement souhaite, pour mieux prendre en charge la dépendance :
améliorer les outils d'évaluation des besoins des personnes âgées : grille AGGIR (9) , évaluation dans le cadre de la démarche de soins infirmiers à domicile ou de l'attribution de certaines prestations ;
professionnaliser et rendre plus attractifs les métiers du secteur personnes âgées. Au-delà de la validation des acquis de l'expérience, le gouvernement envisage de faciliter les modes d'accès aux formations qualifiantes de niveau V, en particulier en ouvrant la formation d'aide-soignant à l'alternance, ou en encourageant l'apprentissage. Une campagne d'information sur les métiers sera également programmée sur plusieurs années et relayée au niveau local ;
améliorer la coordination gérontologique. A cette fin, devrait être organisée une articulation des coordinations gérontologiques de proximité avec les professionnels libéraux. La prise en compte de l'habitat devrait être favorisée par les coordinations gérontologiques.
Par ailleurs, le gouvernement préconise de développer l'animation et la vie sociale des personnes âgées, notamment en identifiant dans le budget des établissements une ligne dédiée à ces activités. Signalons que le rapport de Bernard Hervy consacré à ce thème est attendu pour le 19 novembre.
Enfin, il est prévu d'encourager les échanges entre les générations et de « développer la solidarité entre les générations » en facilitant le rôle des familles et des bénévoles (développement d'un « passeport du bénévole » permettant de reconnaître les compétences acquises et les responsabilités exercées).
En outre, des programmes spécifiques seront également lancés à destination des personnes « qui sont le plus souvent sans solution », et tout particulièrement les personnes polyhandicapées, autistes, handicapées psychiques. Là encore, peu de surprises, puisque le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées avait déjà annoncé un plan en faveur des autistes pour 2004 (10).
Enfin, la délégation interministérielle aux personnes handicapées met actuellement la dernière touche à un programme d'actions visant à améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées. Et attend les arbitrages du gouvernement pour le dévoiler.
Première ambition du projet gouvernemental : assurer aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie, par « la compensation personnalisée des handicaps et [...] un revenu d'existence qui permette une vie autonome digne ».
Répondant à une attente forte des associations, le gouvernement a confirmé son intention de donner un véritable contenu au droit à compensation, inscrit dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (11). Ce droit reposera sur une évaluation individualisée des moyens de compensation à mettre en place, contractualisés dans le respect du libre choix de la personne et de son entourage en tenant compte de son environnement et de ses habitudes de vie. L'idée est, en effet, d'apporter à chaque personne handicapée « la réponse appropriée à ses besoins spécifiques qu'il s'agisse d'orientation en établissement, de services d'accompagnement à la vie sociale pour les personnes handicapées psychiques ou de prestations en nature ou en espèces destinées au maintien à domicile ».
Dans ce cadre, un plan personnalisé de compensation des handicaps (PPCH) devrait être élaboré par une équipe médico-sociale avec la participation de la personne ou de son représentant, en s'appuyant sur des référentiels d'évaluation nationaux établis par type de handicap qui prendront en considération les potentialités et les aptitudes de la personne. Les surcoûts liés aux aides nécessaires pour compenser les conséquences des handicaps devraient être couverts (aides humaines, techniques, juridiques, à l'aménagement du logement...).
Le plan de solidarité pour les personnes dépendantes suscite des réactions contrastées.
« Atterrés », « abasourdis » : les premières réactions des responsables des 13 organisations du secteur de l'hébergement des personnes âgées, qui étaient, le jour de l'annonce du plan Raffarin, présentes à Reims pour soutenir un directeur d'établissement (12) , exprimaient « une énorme déception ». « On est largement en dessous du minimum que l'on pouvait attendre » après le drame de l'été. C'est « la douche froide après la canicule », résumait le Syncass-CFDT. « Dérisoire : c'était la réaction immédiate, mais après réflexion, c'est pire, ajoute Claudy Jarry, président de la Fnadepa. L'intégration des places nouvelles et d'un plan climatisation dans l'enveloppe de 850 millions prévus rend illusoire l'amélioration des prestations des maisons de retraite existantes. » Au mieux, « c'est 1,5 poste de plus par établissement alors qu'il faudrait doubler le personnel », calcule Pascal Champvert, président de l'Adehpa. Le plan « risque de laisser la situation des établissements pratiquement inchangée », analyse également l'Uniopss. « On ne pourra pas en rester là », estiment les 13 organisations qui se concerteront de nouveau le 17 novembre pour trouver les moyens de toucher le grand public au-delà du « tapage médiatique » du gouvernement. De son côté, dans un communiqué pourtant très balancé, la Fédération hospitalière de France considère aussi « qu'il reste beaucoup de chemin à faire pour rattraper les retards » et demande une « évolution très dynamique » des crédits d'assurance maladie sur la période 2004-2008.
Les associations d'aide à domicile ne sont guère plus satisfaites. « Copie bâclée », juge l'Unassad. Si, de son côté, l'ADMR se félicite de la création de 17 000 places en services de soins, les deux fédérations déplorent qu'aucune mesure ne soit prévue pour le développement des interventions « pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ». L'allocation personnalisée d'autonomie « est loin de toujours permettre cette prise en charge », précise l'ADMR. Cette absence est « une erreur de conception », affirme l'Unassad, doublée d'une criante « sous-évaluation des besoins ».
L'annonce du programme pour les personnes handicapées « anticipe » sur la loi d'égalité des chances qui sera présentée dans quelques semaines, note Jean-Marie Schléret, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), qui se réjouit néanmoins du renforcement de l'intégration et du financement du droit à compensation annoncés. L'Unapei souligne de « bonnes orientations » qui laissent des « questions en suspens » et l'APF salue une « avancée positive » qui « nécessite encore de vrais aménagements », en attendant « avec impatience » le projet de loi qui permettra un « véritable débat ». ...
Autre aspect de ce libre choix de leur projet de vie : la volonté d'assurer aux personnes handicapées un revenu d'existence digne. A cet effet, et comme l'avait déjà expliqué Marie-Thérèse Boisseau (13), le gouvernement confirme son intention de réformer l'allocation aux adultes handicapés. Celle-ci devrait demeurer un revenu d'existence pour toute personne handicapée sans emploi, mais des dispositions seront introduites pour permettre un meilleur cumul avec un revenu d'activité pour celles qui peuvent travailler.
Dans le même esprit, Jean-Pierre Raffarin souhaite une réforme de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH). Retenant l'une des hypothèses émises par les inspections générales des affaires sociales et des finances (14), il propose d'instaurer une aide au poste simplifiant le dispositif actuel et visant à mieux assurer la promotion des travailleurs handicapés dans leur CAT ou leur passage en milieu ordinaire de travail.
Deuxième priorité du projet de loi : mettre en œuvre un principe d'accessibilité généralisée, décliné à travers différentes dispositions contraignantes et incitatives, et destiné à rendre l'accès à la cité effectif pour les personnes handicapées.
Sur le plan de la scolarité, outre une clarification des compétences entre l'Etat et l'assurance maladie, la réforme consacrera, selon Jean-Pierre Raffarin, « le devoir de l'Education nationale d'accueillir tous les enfants handicapés à l'école » ou d'assurer, si nécessaire, leur scolarisation dans des établissements adaptés.
… Cependant, un point est d'ores et déjà accueilli comme une avancée : la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, appelée à intervenir à tout âge pour la compensation des incapacités. L'Unapei, l'APF, la FNATH, l'ADMR, la FHF se félicitent de l'émergence de cette « nouvelle branche de la protection sociale ». Même si elle « s'apparente davantage à un fonds national de financement », elle « ouvre objectivement la voie à la reconnaissance d'un cinquième risque », juge l'Uniopss, qui réclame néanmoins une « inscription formelle de ce risque dans le cadre de la sécurité sociale ». La même Uniopss, comme l'Unapei et la FNATH, remarque avec satisfaction que les « milieux associatifs » seront représentés dans ses organes de surveillance.
L'Assemblée des départements de France salue l'instauration d'un « organisme collecteur garant de l'exercice par l'Etat de la solidarité nationale et de la fraternité » qui permettra notamment un « financement stabilisé » de l'allocation personnalisée d'autonomie. Sa gestion « décentralisée au niveau des conseils généraux » suscite l'approbation de la FHF... et les craintes de beaucoup d'autres qui, comme l'APF, redoutent « une disparité de traitement des personnes sur l'ensemble du territoire ». La délégation de compétences doit être assortie « d'un certain nombre de conditions comme l'élaboration de référentiels communs, la signature de conventions d'objectifs entre la caisse nationale et les collectivités ou encore une évaluation régulière des politiques menées », demande l'Unapei.
Par ailleurs, l'Uniopss s'inquiète du « flou » entourant la répartition des prestations entre elles qui continueront d'être financées par l'assurance maladie et celles qui le seront par la nouvelle caisse. L'APF regrette aussi la « confusion faite entre le champ du soin et le champ social » dans les mesures annoncées .Le Syncass-CFDT dénonce carrément la création d'une caisse spécifique destinée à recevoir des crédits d'assurance maladie avec le risque que cela n'entraîne deux systèmes de prise en charge, « un pour les personnes handicapées[…], un pour les autres ». La CGT et FO partagent cette inquiétude. Les organisations syndicales s'étonnent aussi de cette annonce - lancée sans concertation avec les partenaires sociaux - alors même que la consultation commence sur l'avenir de l'assurance maladie.
Enfin, le mode de financement par la suppression d'un jour férié suscite beaucoup de réticences. Les organisations syndicales s'opposent à cette atteinte à la réduction du temps de travail alors que l'on compte trois millions de chômeurs. Certaines associations regrettent une « mesure stigmatisante pour les personnes concernées » (pour la FNATH), une forme de « quête publique misérabiliste » (pour le Collectif des démocrates handicapés), « contradictoire avec le changement de regard » souhaité de la société (pour l'Association nationale pour l'intégration des handicapés moteurs). Loin de « mesurettes aux financements hasardeux », estime l'APAJH, l'appel à la solidarité nationale aurait dû être assuré par des cotisations assises sur l'ensemble des revenus. Y compris ceux des retraités imposables, précise l'APF. Et à hauteur suffisante pour assurer un véritable droit à compensation, insistent toutes les associations.
Marie-Jo Maerel
En matière d'emploi, l'accent devrait être mis, « dans toute la mesure du possible », sur le travail en milieu ordinaire. Ainsi, le gouvernement entend mobiliser les partenaires sociaux sur cet enjeu dans le cadre de la négociation collective et imposer des aménagements raisonnables des postes et du milieu de travail. Il veut, en outre, inciter les entreprises à recruter des personnes handicapées et sanctionner celles qui ne font aucun effort en ce sens. Enfin, il désire augmenter le recrutement de ces personnes dans la fonction publique.
Quant au milieu protégé, le gouvernement souhaite le « valoriser » et prévoir des passerelles améliorant la fluidité entre les milieux de travail protégé et ordinaire.
Autre domaine d'application de ce principe d'accessibilité : le cadre de vie. Il s'agit de réaffirmer l'obligation d'accessibilité à toute personne - quelle que soit la nature de son handicap - des espaces publics, des transports et du cadre bâti, de renforcer les contrôles et les sanctions en cas de non-respect de ces obligations. Et de subordonner le versement d'aides publiques au respect de ces règles d'accessibilité.
Enfin, le projet du gouvernement prévoit une réforme des institutions avec le triple objectif de simplifier les démarches des intéressés, de rapprocher l'usager et le décideur ainsi que de garantir l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire et d'assurer la qualité de services.
Devraient y contribuer en particulier les nouvelles maisons des personnes handicapées prévues par la réforme. L'objectif : instaurer un lieu privilégié d'écoute et d'accompagnement et mettre à disposition de la personne ou de sa famille un interlocuteur unique pour prendre en charge ses démarches. S'il subsistait une interrogation quant au statut de ces instances (15), le Premier ministre semble avoir tranché en faveur de leur « décentralisation contractuelle ».
De même, en matière de clarification des compétences et de simplification des procédures, la décentralisation en 2005 des auxiliaires de vie, des centres d'aide par le travail et des centres de rééducation professionnelle apparaît désormais acquise. Et une nouvelle réflexion sur la réforme de la tarification des établissements devrait être engagée.
Selon le gouvernement, 9 milliards d'euros seront mobilisés pour les personnes dépendantes d'ici à 2008. Les entreprises sont mises à contribution à hauteur de 1,2 milliard d'euros en année pleine avec la nouvelle contribution et l'Etat à hauteur de 400 millions. Les revenus du capital, quant à eux, doivent procurer 300 millions. Le gouvernement prévoit une montée en charge de ces recettes en raison d'une croissance de la masse salariale liée à une reprise de l'emploi, avec un objectif de 2,1 milliards d'euros.
Le gouvernement a choisi, pour assurer le financement des nouvelles mesures, de « demander aux Français un jour de travail de plus », qui sera le lundi de Pentecôte pour les fonctionnaires et pour les salariés, sauf si, pour ces derniers, des négociations de branche ou d'entreprise en décident autrement. Ainsi, à défaut d'accord des partenaires sociaux sur le choix d'un autre jour - férié ou de RTT -, « la loi s'imposera à toutes les conventions collectives et c'est [...] le lundi de Pentecôte qui sera la règle au plan national », a expliqué François Fillon sur RTL, le 7 novembre. Concrètement , la durée annuelle du travail sera augmentée de 7 heures, ce qui implique une modification législative la portant de 1 600 à 1 607 heures.
Toutefois, en ce qui concerne 2004, le lundi de Pentecôte continuera à être chômé et le jour de travail supplémentaire devra être effectué entre le 1er juillet 2004 et le 1er juillet 2005.
En contrepartie de ce jour de travail supplémentaire, une nouvelle cotisation patronale sera mise en place dès le 1er juillet 2004, la loi la créant étant prévue pour le premier semestre 2004. Elle sera à la charge des entreprises, excepté celles uni-personnelles, de l'Etat, des collectivités et de leurs établissements. Son taux sera de 0,3 % de la masse salariale.
Ainsi, ne seront assujettis à la contribution ni les retraités, ni les chômeurs, ni les professions indépendantes lorsqu'elles n'emploient pas de salarié, ni les agriculteurs, à moins qu'ils ne disposent de revenus du capital (voir ci-dessous).
Le gouvernement espère retirer 1,2 milliard d'euros des prélèvements opérés sur les entreprises et 0,4 milliard des contributions des employeurs publics.
La nouvelle cotisation sera également prélevée sur les revenus des capitaux, excepté ceux de l'épargne populaire, tel le livret A. Une mesure qui devrait rapporter 0,3 milliard d'euros.
Une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sera mise en place. En réalité, il s'agit d'un fonds de financement de la dépendance plutôt que d'une caisse de sécurité sociale au sens strict. En effet, elle se contentera de recueillir les fonds destinés à la prise en charge de la dépendance : la nouvelle contribution de 0,3 %, les « moyens de l'Etat et de l'assurance maladie », le produit de la contribution sociale généralisée représentant la participation de l'Etat au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), et elle aura pour mission de veiller à leur adéquate affectation. Mais elle n'assurera pas la gestion du risque. En effet, elle déléguera les moyens financiers aux départements, seuls responsables de la mise en œuvre globale des outils de prise en charge de la dépendance (aides financières à la personne dépendante, aides techniques, humaines, structures d'hébergement ou de travail). Explications de François Fillon, ministre des Affaires sociales : « Il s'agit de ne pas reproduire dans cette nouvelle branche de la sécurité sociale [la dépendance] ce que nous reprochons actuellement au fonctionnement de la sécurité sociale elle-même. [La caisse] est gérée par les départements de manière à ce que l'effet de proximité qu'on recherche dans la décentralisation soit assuré. »
En outre, la caisse financera chaque année à partir de 2004, 400 millions d'euros pour assurer la pérennité du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). L'occasion pour le gouvernement d'annoncer qu'il entend « poursuivre l'amélioration de la gestion de l'APA » et réviser les mécanismes de péréquation entre les départements.
Jean-Pierre Raffarin a chargé Raoul Briet, conseiller maître à la Cour des comptes, et Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, de travailler à la création de la caisse, sa gouvernance et ses objectifs. Ils devront consulter les élus départementaux, les partenaires sociaux, les professionnels et les représentants des associations. Leurs conclusions sont attendues pour mai, sachant que la caisse doit être opérationnelle avant la fin 2004.
Sophie André - Catherine Sebbah
(1) Voir ASH n° 2330 du 24-10-03.
(2) Voir ASH n° 2327 du 3-10-03.
(3) Voir ASH n° 2326 du 26-09-03.
(4) Voir ASH n° 2312 du 23-05-03.
(5) Voir ASH n° 2291 du 27-12-02.
(6) Voir ASH n° 2327 du 3-10-03.
(7) Voir ASH n° 2330 du 24-10-03.
(8) Voir ASH n° 2327 du 3-01-03.
(9) Sur les préconisations du comité de scientifiques pour réformer la grille, voir ASH n° 2304 du 28-03-03.
(10) Voir ASH n° 2328 du 10-10-03.
(11) Voir ASH n° 2253 du 8-03-02.
(12) Voir ASH n° 2332 du 7-11-03.
(13) Voir ASH n° 2326 du 26-09-03.
(14) Voir ASH n° 2321 du 22-08-03.
(15) Voir ASH n° 2319 du 11-07-03.