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Charges de famille

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On oppose habituellement deux figures de l'aide aux personnes dépendantes, expliquent Agnès Gramain, économiste, et Florence Weber, anthropologue et sociologue : d'un côté, l'aide familiale, non rémunérée et fondée sur des sentiments ; de l'autre, l'aide professionnelle, rémunérée et exempte de toute affectivité. « Ou, pour le dire plus rapidement, l'amour et l'intérêt. » Démentant cette analyse binaire, les recherches ethnographiques réunies dans cet ouvrage proposent d'entrer dans l'intimité des familles, pour comprendre comment les responsabilités de chacun envers les plus fragiles y sont distribuées, déléguées, refusées ou revendiquées. Ayant l'objectif d'analyser les différentes modalités de la prise en charge des personnes dépendantes et leurs déterminants économiques et sociaux, les chercheurs ont observé sa diversité : diversité de la dépendance, physiologique ou financière ; diversité de la prise en charge, à domicile ou en institution ;diversité de son cadre légal, aide sociale, aide bénévole, aide familiale ou aide professionnelle ; diversité, enfin, des relations interpersonnelles et des sentiments qui les accompagnent.

« Nos enquêtes montrent que l'opposition entre argent et sentiment ne fonctionne pas dans la réalité, parce qu'elle confond deux niveaux d'analyse », commentent Agnès Gramain et Florence Weber : le niveau ponctuel, de l'aide apportée (qu'elle soit obligatoire ou non) ou de la tâche effectuée (rémunérée ou pas)  ; et le niveau de la relation- appréhendée dans son histoire et empreinte de sentiments - dans laquelle s'inscrit cette aide. Remettant en cause les lignes de partage entre une aide familiale naturelle, gratuite et fondée sur l'affectivité, et une aide mercenaire impersonnelle, plusieurs monographies donnent ainsi à voir des logiques de relations professionnelles qui s'apparentent à des relations de quasi-parenté, et des configurations familiales où se cristallisent les rapports de forces - entre hommes et femmes, entre générations, entre catégories sociales -expliquant que certains se dévouent, plus que d'autres, à la cause commune.

Au-delà des cas présentés, l'ouvrage vise à approfondir la réflexion sur les frontières de l'économie domestique, à partir de l'exemple de la prise en charge des personnes âgées dépendantes : comment, à leur égard, se définissent et s'articulent les tâches qui relèvent de l'Etat et celles qui relèvent de la famille ? Et, à l'intérieur de cette dernière, comment se décide puis s'organise concrètement le mode de prise en charge, compte tenu, notamment, de ses implications économiques ? Mais aussi, comment une personne dépendante se trouve-t-elle privée de toute solidarité familiale et « livrée » aux seules institutions ? L'inconditionnalité de l'aide familiale peut effectivement se trouver mise à l'épreuve, en particulier dans les familles soumises à une forte divergence sociale au sein de la fratrie, et dans certaines familles populaires caractérisées par une grande instabilité des relations de parenté, observent Agnès Gramain et Florence Weber.

Charges de famille. Dépendance et parenté dans la France contemporaine  -Sous la direction de Florence Weber, Séverine Gojard et Agnès Gramain - Ed. La Découverte -29,50  .

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