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Le Parlement adopte la loi sur l'immigration

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Pour Nicolas Sarkozy, « la France a le droit de choisir qui elle veut voir entrer et séjourner sur son territoire ». « Elle doit donc en avoir les moyens.  » Ces moyens, le ministre de l'Intérieur entend les lui donner avec la « loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité », que les parlementaires ont adoptée définitivement le 28 octobre. Un texte qui souffle un peu le chaud et surtout le froid pour les étrangers : si, d'un côté, il réforme la double peine, il durcit, par ailleurs, considérablement les conditions d'accueil et de séjour des étrangers sur le territoire français et allonge la durée de la rétention. Les socialistes ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils saisiraient le Conseil constitutionnel.

L'entrée sur le territoire s'annonce plus difficile pour les étrangers...

Les attestations d'hébergement, qui permettent aux étrangers qui viennent en France en visite pour un séjour de moins de trois mois de se voir délivrer un visa de court séjour, vont devenir plus difficiles à obtenir. Auparavant certifiées sans véritable contrôle par le maire, un commissaire de police ou un commandant de brigade de gendarmerie, elles doivent désormais être validées par le seul maire de la commune d'hébergement (ou, à Paris, Lyon et Marseille, par le maire d'arrondissement). Et ce dernier peut refuser de le faire s'il soupçonne une fraude. Il peut également demander à des agents spécialement habilités des services municipaux chargés des affaires sociales ou du logement, ou de l'Office des migrations internationales (OMI), de procéder à des vérifications sur place. L'hébergeant devra, en outre, verser à l'OMI une taxe de 15  €. Seules dispenses possibles : « en cas de séjour à caractère humanitaire ou d'échange culturel » ou si l'intéressé demande à se rendre en France « pour une cause médicale urgente ou en raison des obsèques ou de la maladie grave d'un proche ».

Certaines catégories d'étrangers, qui seront définies par décret, devront également, si elles sollicitent un visa, présenter une attestation garantissant la prise en charge par une « compagnie d'assurance agréée » des « dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant des soins [que l'étranger] pourrait engager en France » pendant la durée de validité du visa. Justification avancée : il s'agit de mettre fin à ce que les parlementaires de la majorité appellent le « tourisme médical ».

La loi crée, par ailleurs, un fichier des empreintes digitales et photographies des étrangers qui sollicitent un visa d'entrée en France ou dans l'Espace Schengen. Le relèvement de ces données n'est qu'une possibilité offerte aux consulats au stade du dépôt de la demande et n'est donc pas systématique. Mais il devient obligatoire en cas de délivrance d'un visa. L'objectif étant d'identifier les étrangers qui, entrés légalement en France, s'y sont maintenus clandestinement.

Signalons également l'extension du champ de l'infraction d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers, mesure destinée à lutter plus efficacement contre les passeurs et les transporteurs. Une immunité est prévue pour le conjoint de l'étranger ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui. De même, une association ou une personne physique ne pourra être inquiétée si « l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger  ». A condition toutefois qu'il n'y ait pas « disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace » ou que l'acte n'ait pas donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte (1).

... tout comme l'obtention d'un titre de séjour

La nouvelle loi rend l'accès au statut de résident plus difficile. Il faudra désormais non seulement justifier de cinq ans de résidence ininterrompue - contre trois auparavant -, mais aussi prouver son « intégration » au sein de la société française. Une condition appréciée sur la base d'un faisceau d'indices, telles que la connaissance de la langue française, le suivi d'une formation professionnelle ou encore la participation à la vie associative.

Les membres d'une famille venus rejoindre, au titre du regroupement familial, un étranger titulaire d'une carte de résident, ne bénéficieront plus de ce même titre de plein droit. Mais se verront délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Ils ne pourront ensuite prétendre au statut de résident qu'en justifiant d'une résidence interrompue de deux ans et en satisfaisant à la condition d'intégration. La durée de résidence requise est également fixée à deux ans pour les parents étrangers d'un enfant français, titulaires d'une carte de séjour temporaire. Sachant que pour obtenir cette carte, l'intéressé devra désormais prouver non seulement qu'il exerce l'autorité parentale mais aussi qu'il contribue « effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ». Cette condition devra toujours être remplie quand il voudra obtenir le statut de résident. La  durée de mariage nécessaire à un étranger conjoint de Français pour obtenir une carte de résident est, par ailleurs, allongée de un à deux ans et, en cas de mariage célébré à l'étranger, des mesures sont prévues pour déceler d'éventuels indices d'un mariage forcé. Un délit spécifique est créé pour sanctionner les mariages « simulés » (cinq ans d'emprisonnement et 15 000  € d'amende).

Le conjoint étranger auquel une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » a été délivrée ne pourra plus obtenir le renouvellement de son titre si la communauté de vie a cessé. Une exception a cependant été prévue pour les personnes ayant quitté le domicile pour cause de violences conjugales.

La loi Sarkozy encadre, par ailleurs, plus strictement la délivrance, pour raisons de santé, d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », afin d'établir son caractère exceptionnel et toujours dans l'esprit de combattre d'éventuelles fraudes.

Signalons enfin qu'un certain nombre de mesures visent à combattre le travail illégal. Certaines touchant les employeurs mais d'autres, l'étranger lui-même. La loi prévoit ainsi que la personne qui travaille alors que son titre de séjour ne le lui permet pas se verra retirer le titre en question. Entraînant ainsi la possibilité d'expulsion. Les parlementaires ont été tout près d'ajouter une peine d'amende et d'interdiction du territoire mais y ont finalement renoncé.

L'éloignement du territoire

Le délai maximal pendant lequel un étranger peut être placé en centre de rétention, en vue de son éloignement, est allongé de 12 à 32 jours. Parallèlement, le délai de recours contre un arrêté de reconduite à la frontière est porté de 48 à 72 heures. Par ailleurs, le Conseil d'Etat l'avait réclamé au gouvernement (2)  : un espace permettant aux avocats de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus devra, dans chaque lieu de rétention ou zone d'attente, être prévu et, « sauf cas de force majeure » être « accessible en toutes circonstances ». Signalons encore que, disposition très controversée, la loi ouvre la possibilité de délocaliser les audiences des tribunaux dans des salles affectées au ministère de la Justice et « spécialement aménagées » à proximité des centres de rétention et des zones d'attente.

La double peine

Un des rares sujets de consensus aura finalement été la réforme de la double peine, pratique qui rend possible l'éloignement d'un étranger qui a purgé une peine de prison sur le territoire français. Cinq catégories sont désormais protégées : l'étranger justifiant résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans  ; celui qui réside régulièrement en France depuis plus de 20 ans  ; celui qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et est marié depuis au moins trois ans avec un Français ou un étranger qui a lui-même passé toute son enfance en France ; l'étranger résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans et parent d'un enfant français  ; celui résidant habituellement en France dont l'état de santé s'oppose à ce qu'il soit renvoyé dans un pays où il ne pourra recevoir le traitement approprié. Trois exceptions sont toutefois prévues : le terrorisme, les atteintes aux intérêts de l'Etat et l'incitation à la haine raciale et religieuse. Dans le même esprit, une condamnation passée ne retire plus forcément le droit de demander la nationalité française.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2329 du 17-10-03.

(2)  Sur les craintes des associations par rapport au « délit de solidarité », voir ASH n° 2318 du 4-07-03.

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