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La mairie de Paris confrontée au port du voile d'une assistante sociale

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Alors que la question du port de signes religieux à l'école, dans l'administration ou les entreprises agite la société française, le maire de Paris, Bertrand Delanoë  (PS), a décidé de saisir le conseil de discipline du cas de Fatima Senouci, une assistante sociale du service de l'aide sociale à l'enfance qui travaille à l'agence d'Enghien (Val-d'Oise).

Selon François Dagniaud, adjoint au maire de Paris chargé de l'administration générale et des ressources humaines, la jeune femme arrivée en 1999 en tant que contractuelle se serait mise, une fois titularisée en octobre 2000, à porter ostensiblement le foulard sur son lieu de travail et à refuser de serrer la main des hommes. Elle n'aurait en outre jamais voulu modifier son comportement malgré le courrier de sa hiérarchie et un blâme prononcé à son encontre dès janvier 2001. « L'administration de la ville amultiplié à son égard les tentatives de dialogue et de médiation », souligne, dans un communiqué du 17 octobre, le maire de Paris, qui explique que Khedidja Bourcart, adjointe chargée de l'intégration et des étrangers non communautaires, l'a reçue personnellement pour la rappeler à ses obligations et « favoriser une évolution positive de la situation, sans davantage de succès ». « Il y a eu des plaintes d'un juge des enfants. Ses collègues et beaucoup de parents se sont même étonnés de cette situation », précise Gisèle Stievenard, adjointe chargée des affaires sociales et de la solidarité.

Estimant que « son attitude constitue un manquement à l'obligation de neutralité qui s'impose à tout agent de l'administration, ainsi qu'au principe de laïcité qui s'applique aux services publics », le maire de Paris a donc décidé, après consultation des organisations syndicales, de saisir le conseil de discipline d'une proposition d'exclusion temporaire de fonctions, sans traitement, de Fatima Senouci. L'instance l'examinera lors de sa réunion du 2 décembre.

Interrogée par les ASH, Brigitte Kadri, l'avocate de Fatima Senouci, dénonce les « contre-vérités » à propos de sa cliente. Elle affirme que celle-ci portait déjà le voile lorsqu'elle était contractuelle « même si, du fait des pressions, elle venait parfois avec une casquette » et que « rien ne permet de prouver qu'elle aurait refusé de serrer une main qui lui était tendue ». Sur le fond, l'avocate fait valoir que les principes de laïcité et de neutralité du service public français définis par la jurisprudence sont incompatibles avec la Convention européenne des droits de l'Homme qui prohibe toute discrimination en raison d'une pratique religieuse (1). Et elle estime qu'en l'absence de loi française interdisant les signes religieux ostentatoires dans le cadre du service public, sa cliente ne peut être sanctionnée. C'est sur ce fondement que Fatima Senouci a déposé, en juin dernier, un recours en annulation du blâme devant le tribunal administratif. Et qu'elle est bien décidée, s'il le faut, à porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

Au-delà du droit, la déontologie

Mais au-delà du droit, le port du voile dans le cadre du service social renvoie à la déontologie de la profession. Et c'est sur ce plan que se place l'Association nationale des assistants de service social (ANAS)   (2). « Le port de certains signes ostentatoires affirmant l'appartenance à tel ou tel groupe religieux ainsi que l'application ostentatoire de préceptes religieux sont incompatibles avec des pratiques enseignées et admises par la profession », souligne-t-elle dans un communiqué. Et elle rappelle, en citant le préambule du code de déontologie de la profession, que l'assistant social engage sa responsabilité à l'égard des personnes et que son métier s'inscrit dans le respect des institutions et de la législation en vigueur. « Historiquement, le service social s'est détaché des références religieuses avec la mise en œuvre d'une professionnalisation dans un cadre laïque et de service public. Nous n'acceptons pas qu'une pratique religieuse interfère et prenne place dans les modalités d'intervention de l'assistant social dans le cadre des missions de service public. »

I. S.

Notes

(1)  Cette question est d'ailleurs au cœur du débat sur la laïcité. Auditionné le 17 octobre par la commission de réflexion sur la laïcité de Bernard Stasi, Jean-Paul Costa, vice-président de la Cour européenne des droits de l'Homme, indiquait en effet : « Le système français actuel sur la laïcité à l'école me paraît très suspect quant à sa compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'Homme. [...] J'en conclus donc qu'il faut une loi pour réglementer cette question. » Selon lui, seule une loi française permettrait en effet à l'Etat de porter atteinte à la liberté de religion défendue par l'article 9 de la convention.

(2)  ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris - Tél. 01 45 26 33 79.

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