Ce collectif, qui réunit l'Amicale du Nid, Altaïr, l'ANEF, l'Association nationale de réadaptation sociale (ANRS), Aux captifs la libération, existe depuis un an et demi. Face à nos nombreux déboires liés aux retards de trésorerie et à une ligne budgétaire - 6 millions d'euros - qui n'a pas bougé depuis 2001 malgré l'augmentation de nos charges, nous avons décidé de réagir ensemble. Cette année, la situation est particulièrement grave. Un premier gel de nos subventions est intervenu en début d'année à hauteur de 85 %. A la suite de nos interpellations et du soutien de certains élus, nous avons eu, cet été, la promesse d'un dégel partiel de 61 %. Mais pour cela, nous avons dû refaire des budgets prévisionnels 2003 correspondant à ces 61 %. Nous avons bien été obligés d'accepter, au risque de voir disparaître les 39 % restant de la subvention.
Après de nouveaux contacts avec la direction des affaires sociales de Paris et le cabinet de François Fillon, nous avons obtenu la promesse que nous toucherions également les 39 % restants. Mais on nous a indiqué que cette somme ne serait pas prise sur la ligne budgétaire « prostitution » mais sur celle consacrée à l'urgence sociale. Une démarche pour le moins singulière pour récupérer ce qui a été supprimé de notre ligne budgétaire ! On nous a annoncé aussi qu'en 2004, cette ligne n'existera plus et que ses crédits seront intégrés au budget de l'urgence sociale. Explication : cette enveloppe, beaucoup plus importante, permettrait de mieux couvrir nos besoins.
Nous en avons surtout assez des promesses. Pour 2003, nous n'avons pas encore touché un seul euro ! La procédure budgétaire pour le versement des 61 %de la subvention n'aboutira au mieux que le 15 novembre. Résultats ? Nous bricolons sans cesse. L'ANRS a dû diminuer son parc d'hébergement pour les personnes prostituées. Quant à nous, au SAEVI, nous avons divisé par deux nos aides alimentaires et réduit la distribution des cartes orange, ce qui a augmenté le nombre d'amendes. Du coup, nos suivis courts ont presque doublé en 2003, au détriment d'une action en profondeur et de longue durée. Car les jeunes femmes, que l'on ne peut plus aider suffisamment, craquent et ne viennent plus. Ces restrictions touchent également nos effectifs : sur nos cinq travailleurs sociaux, l'un est parti en juillet et nous n'avons pas pu encore le remplacer. La qualité de nos prestations en est donc affectée, malgré l'importance des besoins :chaque année, nous refusons entre 350 et 400 femmes, faute de places et de moyens.
Nous sommes fatigués de devoir sans arrêt négocier avec les banques et aménager des solutions de fortune. Nous voudrions pouvoir nous consacrer à notre métier qui est de nous occuper des personnes en grande difficulté. Mais nous passons plus de temps à courir après les sous ! C'est pourquoi nous réclamons une vraie politique à l'égard de la prostitution qui, malgré les discours, ne se réduit pas dans la réalité à la seule action policière et répressive. Ce qui suppose une sécurité budgétaire pour les associations : pour cela, nous demandons de relever de la ligne budgétaire des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (et non de l'urgence sociale), afin de bénéficier de budgets pérennes, stabiliser notre trésorerie et pouvoir réellement faire évoluer notre travail et nos services. Propos recueillis par Isabelle Sarazin
(1) SAEVI : 61, rue de la Verrerie - 75004 Paris - Tél. 01 44 78 67 83.
(2) Voir ASH n° 2317 du 27-06-03.