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LE PROJET DE LOI RELATIF AUX RESPONSABILITÉS LOCALES

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Le projet de loi « relatif aux responsabilités locales » scelle de nouveaux transferts massifs de compétences d'Etat aux collectivités locales, qui devraient être effectifs au 1er janvier 2005. Il vient notamment conforter l'assise des départements en matière d'action sociale. Et transfère aux régions la formation des travailleurs sociaux.

Action sociale et médico-sociale, protection de l'enfance

Troisième texte destiné à mettre en musique la loi sur l'organisation décentralisée de la République (1), le projet de loi « relatif aux responsabilités locales » marque une des étapes les plus importantes de l' « acte II de la décentralisation ». Il conduit en effet l'Etat à se délester de nombreuses prérogatives au profit des collectivités locales.

Les régions devraient avoir la haute main sur les aides aux entreprises mais aussi sur toute la formation professionnelle. Le projet de loi leur confie ainsi la pleine responsabilité de la formation professionnelle des adultes, avec notamment le transfert des crédits de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), ainsi que, par ailleurs, la responsabilité des formations sociales et paramédicales. Les régions devraient encore avoir pour tâche de coordonner la politique d'accueil, d'information et de conseil à l'orientation des jeunes et des adultes en vue de leur insertion professionnelle et sociale. Transférées aussi aux régions, la part conservée par l'Etat dans le financement du réseau d'accueil des jeunes ainsi que la responsabilité du développement du réseau des missions locales et permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO).

Les régions devraient, enfin, faire leur entrée dans le domaine de la santé, avec l'établissement des programmes régionaux de santé publique, ainsi que, en complément des politiques nationales, leur participation au financement des investissements hospitaliers.

Les départements, qui sont, dans l'esprit du gouvernement - en subsidiarité avec les communes et les intercommunalités -, « en charge des politiques de solidarité et de la gestion des équipements de proximité », ne sont pas en reste. Le projet de loi confie ainsi aux conseils généraux la coordination de l'ensemble des dispositifs et services qui concourent à l'insertion et à la lutte contre les exclusions. Les départements devraient, par ailleurs, bénéficier du transfert de fonds sociaux de l'Etat comme le Fonds d'aide aux jeunes en difficulté (FAJ) ou le Fonds de solidarité logement (FSL). Plus généralement, la responsabilité d'élaborer et d'arrêter le schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale reviendrait au seul président du conseil général. Le projet de loi accentue enfin le rôle des conseils généraux en matière de politique gérontologique.

Au final, dans le domaine de l'action sociale, l'Etat ne devrait plus être en charge que de la très grande exclusion (centres d'hébergement et de réinsertion sociale, hébergement d'urgence), de l'intégration et des gens du voyage.

S'agissant de la protection de l'enfance, le projet de loi prévoit d'élargir les compétences des conseils généraux, à titre expérimental, en matière de mise en œuvre des mesures d'assistance éducative.

Plusieurs pans de la gestion du logement social devraient, enfin, glisser également dans le champ des collectivités locales.

Le projet de loi n'aborde finalement pas la question d'un éventuel transfert des compétences dans le domaine du handicap, renvoyant ce chantier à la réforme de la loi de 1975 (2). Rappelons par ailleurs que la décentralisation du revenu minimum d'insertion fait également l'objet d'un texte distinct (3). Lequel devrait être adopté à la mi-novembre par les députés, pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2004.

Contrairement à ce que le Premier ministre avait indiqué en présentant, le 28 février dernier à Rouen, la « deuxième vague de la décentralisation », ces transferts ne devraient intervenir qu'au 1er janvier 2005 et non dès le mois de janvier 2004. Un report que Jean-Pierre Raffarin a justifié à l'occasion du congrès de l'Assemblée des départements de France, le 17 septembre, par un argument financier :avoir le temps d'inscrire au préalable dans la loi de finances les crédits correspondant aux transferts. Mais le retard pris peut également être imputé à la grogne des personnels de l'Education nationale, qui aura obligé le gouvernement à lâcher du lest durant l'été. Et à renoncer ainsi à décentraliser la médecine scolaire, les conseillers d'orientation, les psychologues et les assistantes sociales en milieu scolaire (4).

Au total, ces transferts de compétences devraient représenter de 11 à 13 milliards d'euros et concerner plus de 130 000 fonctionnaires. Lesquels auront le choix de conserver leur statut de fonctionnaires de l'Etat ou d'inté-grer la fonction publique territoriale (voir encadré).

Ce sont les sénateurs qui, le 28 octobre, plancheront les premiers sur le texte.

A noter : nous ne détaillons, dans ce dossier, que les parties du projet de loi ayant trait à l'action sociale et médico-sociale, ainsi qu'à la protection de l'enfance. Les autres dispositions sont présentées succinctement (voir encadré ci-dessous).

I - LA FORMATION DES TRAVAILLEURS SOCIAUX TRANSFÉRÉE AUX RÉGIONS

A - Une nouvelle définition des formations sociales

La dernière réforme d'envergure du cadre législatif régissant le dispositif de formation des professions sociales date de 1998, avec la loi de lutte contre les exclusions (5). Depuis, les établissements doivent exercer leurs missions suivant les orientations du « schéma national des formations sociales ». Et contribuer ainsi « à la qualification et à la promotion des professionnels et des personnels salariés et non salariés engagés dans la lutte contre l'exclusion, la prévention et la réparation des handicaps ou inadaptations, la promotion du développement social ». La loi dispose en outre actuellement que les formations sociales, définies par le schéma national, « assurent à la fois une approche globale et transversale et une connaissance concrète des situations d'exclusion et de leurs causes », et « préparent les travailleurs sociaux à la pratique du partenariat avec les personnes et les familles visées par l'action sociale ».

Un ensemble de définitions que le projet de loi relatif aux responsabilités locales propose de remplacer, indiquant plus simplement que les formations sociales « contribuent à la qualification et à la promotion des professionnels et des personnels salariés et non salariés engagés dans la lutte contre les exclusions, la perte d'autonomie et la maltraitance, la prévention et la réparation des handicaps ou inadaptations, la promotion du développement social ».

Exit donc toute référence au schéma national des formations sociales, dont le projet de loi sonne le glas. Seule autre véritable nouveauté dans cette nouvelle formulation, la mention de la perte d'autonomie et de la maltraitance.

B - L'Etat, garant du contenu des formations au plan national

Le projet de loi vise à l'intégration des formations sociales dans le droit commun des diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'Etat. Il confirme que les établissements dispensant les formations sociales participent au « service public de la formation ». Mais en tire cette fois toutes les conséquences, en les soumettant à la procédure de déclaration préalable auprès du représentant de l'Etat dans la région, prévue à l'article L. 920-4 du code du travail, comme toute personne physique ou morale qui réalise des prestations de formation professionnelle. Soit une procédure qui, selon l'exposé des motifs, permettra « de garantir la qualité des formations et des professionnels qualifiés par l'Etat, de garantir la sécurité des usagers d'organismes qui sont à 80 % associatifs, et de préserver les diplômes permettant l'accès à des professions réglementées, dont celle d'assistant de service social ». Les sanctions encourues en cas de non-respect de cette obligation de déclaration préalable seront définies par décret.

Au-delà de cet enregistrement, l'Etat assurera, en outre, le contrôle des programmes et « la qualité des enseignements délivrés par les établissements pendant la durée des formations préparant aux diplômes et titres du travail social ». L'Etat garderait donc un œil sur le contenu des formations. Selon quelles modalités ? Ce n'est pas précisé, le projet de loi laissant au gouvernement le soin d'en dire plus « par voie réglementaire ».

Signalons enfin que l'Etat conserve le pouvoir de délivrer les diplômes et titres du travail social, « dans le respect des orientations définies par le ministre chargé des affaires sociales après avis du Conseil supérieur du travail social ».

A retenir également

Formation professionnelle

La région assume actuellement l'entière responsabilité de la formation professionnelle des jeunes, celle des adultes étant partagée avec l'Etat, selon la situation des personnes et le type de formation. Le projet de loi élargit la compétence des régions à l'ensemble du champ de la formation professionnelle des adultes. Ces collectivités se voient ainsi notamment confier la charge d'assurer une offre de formation qualifiante accessible aux demandeurs d'emploi et la mission de contribuer à assister les candidats à la validation des acquis de l'expérience. Cet élargissement de compétences devrait s'accompagner d'un transfertdes crédits que l'Etat affecte aujourd'hui à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Un transfert qui devra être progressif, région par région, en accord entre l'Etat, la région et l'AFPA. Une convention associant les trois parties sera prévue à cet effet. Autre modification attendue : l'extension du plan régional de développement des formations professionnelles aux formations sanitaires et sociales. Il est encore proposé de confier aux régions la compétence de coordination de la politique d'accueil, d'information et de conseil à l'orientation des publics, sans distinction d'âge et de statut. Enfin, le projet de loi transfère aux régions la part conservée par l'Etat dans le financement du réseau d'accueil des jeunes ainsi que la responsabilité du développement du réseau des missions locales et des permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO).

C - Le pouvoir des régions

1 - L'ÉVALUATION DES BESOINS

Le projet de loi transfère aux régions la responsabilité de la politique de formation des travailleurs sociaux. Et les charge, à ce titre, tout d'abord, d'évaluer les besoins en formation de personnels qualifiés en travail social. Comment ? En procédant, « dans le cadre de l'élaboration du schéma prévisionnel des formations mentionné à l'article L. 214-1 du code de l'éducation, au recensement des besoins nécessaires à la conduite de l'action sociale et médico-sociale », en en assurant la synthèse et en indiquant comment elles comptent y répondre.

Etabli par le conseil régional après accord des départements et transmis au représentant de l'Etat dans la région, le schéma auquel fait référence le projet de loi concerne actuellement, entre autres, les formations des collèges, des lycées et des établissements d'éducation spéciale. Avec la future loi seraient ainsi insérées dans ce schéma les établissements dispensant des formations sociales et des formations sanitaires.

2 - L'AGRÉMENT ET LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS

La loi contre les exclusions avait prévu de déconcentrer l'agrément des établissements de formation : jusqu'alors attribué au niveau national, il aurait dû être accordé par les représentants des ministres compétents dans la région et, le cas échéant, dans l'académie. Le décret d'application n'est toutefois jamais paru.

Avec la loi sur les responsabilités locales, c'est aux régions directement qu'il appartiendra d'agréer, dans des conditions fixées par décret, les établissements de formation. Et aussi d'assurer leur financement. Les organismes et établissements agréés par la région devront souscrire avec elle une convention pour bénéficier des financements nécessaires à la mise en œuvre des formations. L'aide financière de la région à ces établissements devrait être constituée par « une subvention annuelle couvrant d'une part les dépenses d'investissement, d'entretien et de fonctionnement des locaux, d'autre part les dépenses administratives et celles liées à leur activité pédagogique » .

Le projet prévoit encore que la région devra garantir aux étudiants l'égalité d'accès aux formations et la liberté de choix de l'établissement. Aucune condition de résidence ne leur sera ainsi opposable. En outre, la gratuité des études, hors frais d'inscription, devra être assurée.

Santé

Les régions devraient participer aux instances de décision en matière d'organisation de l'offre de soins ainsi qu'au financement d'équipements sanitaires. Elles devraient également contribuer à des programmes régionaux spécifiques de santé publique ainsi qu'à des investissements sanitaires et ... … assurer la gestion des écoles de formation des professions para- médicales.

Lutte contre l'insalubrité et le saturnisme Le projet de loi permet aux communes qui disposent d'un service communal d'hygiène et de santé d'exercer à titre expérimental, pour une durée de 3 ans, les responsabilités dévolues à l'Etat en matière de lutte contre l'insalubrité et la présence de plomb accessible dans les immeubles d'habitation.

Logement social Plusieurs pans de la gestion du logement social devraient glisser dans le champ des collectivités locales. L'ensemble des aides à la pierre devrait ainsi être délégué par l'Etat auxstructures intercommunales et, là où elles n'existent pas, aux départements. Leur montant resterait fixé par l'Etat mais elles seraient individualisées librement par les collectivités. Autre transfert prévu : les opérations de construction, de reconstruction et d'équipements de locaux destinés aux étudiants, qui seraient dévolues aux communes et à leurs groupements. Les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) resteraient compétents pour prendre les décisions relatives à l'admission ou à la réadmission des étudiants bénéficiaires des œuvres universitaires mais la composition de leurs conseils d'administration (ainsi que celle du conseil national) serait élargie aux représentants de ces collectivités. Les départements se verraient, enfin, confier la gestion du Fonds de solidarité logement ainsi que la préparation du plan départemental pour le logement des personnes défavorisées.

Nationalité Le projet de loi permet aux maires, en leur qualité d'agent de l'Etat, de connaître la liste des étrangers bénéficiant d'une mesure de naturalisation domiciliés dans leur commune en vue d'organiser, s'ils le souhaitent, une cérémonie d'accueil dans la nationalité française. Actuellement, les étrangers naturalisés se voient remettre un dossier d'accueil dans la nationalité française à la préfecture, au cours d'une cérémonie simple.

3 - LA DÉCENTRALISATION DES AIDES AUX ÉTUDIANTS

Au-delà de la décentralisation du financement des établissements, il est également proposé de décentraliser aux régions les aides dont les étudiants peuvent bénéficier.

Leur nature et leur niveau seraient fixés par délibération du conseil régional, le projet de loi précisant toutefois qu'un décret déterminera les règles minimales de taux et de barème de ces aides. L'idée étant de garantir un socle de base sur l'ensemble du territoire tout en laissant aux régions « une certaine marge d'appréciation », selon l'exposé des motifs. Elles pourront ainsi définir des règles plus favorables que celles prévues par voie réglementaire.

4 - LA DÉLÉGATION DES COMPÉTENCES

Selon le projet de loi, les régions pourront, en tant que de besoin, et si la demande leur en est faite par un ou plusieurs départements, choisir de déléguer par convention l'exercice de sa compétence en matière de formation des travailleurs sociaux. L'idée étant, explique l'exposé des motifs, de « laisser aux régions les moyens d'organiser au mieux leur collaboration avec les départements, dont la responsabilité en matière d'action sociale est renforcée » dans le cadre du projet relatif aux responsabilités locales.

II - LE RÔLE DU DÉPARTEMENT RENFORCÉ EN MATIÈRE D'ACTION SOCIALE

A - La coordination de l'action sociale et de l'insertion

Le projet de loi de décentralisation confie au département le rôle de coordonner l'ensemble des dispositifs et services qui concourent à l'insertion et à la lutte contre les exclusions. A charge pour lui de s'assurer, à cet effet, « de la participation de l'ensemble des personnes ou organismes intéressés ».

Le gouvernement entend donc mettre fin au copilotage qui existe actuellement sur ce point avec l'Etat. Il veut ainsi supprimer les commissions de l'action sociale d'urgence (CASU), instances composées notamment de représentants des services de l'Etat et du conseil général et chargées aujourd'hui « d'assurer la coordination des dispositifs susceptibles d'allouer des aides, notamment financières, aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés ». Disparition également du comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions qui réunit l'ensemble des représentants des dispositifs d'insertion dans le département. Les deux instances « n'ont pas été systématiquement mises en place ou [...]n'ont pas fait la preuve de leur efficacité », note l'exposé des motifs.

Le projet de loi supprime encore les dispositions prévoyant la possibilité de conclure des conventions de coordination des interventions en matière de prévention et de lutte contre les exclusions.

B - L'élaboration du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale (6) a modernisé le concept de schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale. Elle a notamment renforcé son opposabilité au regard des autorisations de fonctionnement que doivent solliciter tous les établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Pour mémoire, ce schéma établit un état prospectif des besoins sociaux et médico-sociaux de la population et détermine des orientations quant à l'offre de services sur l'ensemble du territoire départemental et pour tout un ensemble de services dont les plus importants concernent l'aide sociale à l'enfance, la prise en charge du handicap, l'accueil et les soins aux personnes âgées, l'accueil et l'hébergement des personnes en difficulté sociale. Autant de secteurs faisant l'objet d'autorisations et de financements qui relèvent tantôt de l'aide sociale départementale, tantôt de l'aide sociale de l'Etat ou de la prise en charge des soins par l'assurance maladie. Conséquence : ce schéma doit actuellement être co- élaboré et co-arrêté par le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général.

Le projet de loi a l'ambition de simplifier ce dispositif en confiant au seul président du conseil général la responsabilité d'élaborer et d'arrêter le schéma, après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico- sociale. A charge pour lui toutefois de s'assurer des concertations nécessaires avec le préfet du département.

Dans des conditions fixées par délibération du conseil général, le président de ce dernier devra associer également des représentants des autres collectivités territoriales, des professions sanitaires et sociales, des institutions sociales et médico-sociales et des personnes accueillies par ces institutions ou susceptibles de l'être.

Le projet de loi prévoit que le représentant de l'Etat devra faire connaître au président du conseil général les orientations que le schéma devra prendre en compte « pour les établissements et services mentionnés aux 2° [établissements et services d'enseignement et d'éducation spéciale] ,4° [établissements et services relevant de la PJJ] , a) du 5° [centres d'aide par le travail] ,8° [établissements et services comportant ou non un hébergement pour personnes en difficulté] et 10° [foyers de jeunes travailleurs] du I de l'article L.312-1 ainsi que pour ceux mentionnés à l'article L.162-24-1 du code de la sécurité sociale pour les prestations prises en charge par l'assurance maladie [tarification de la partie “soins” des établissements sociaux et médico-sociaux]  ». En clair : le schéma devra prendre en compte les orientations « qui découlent de la compétence actuelle de l'Etat sur une partie du champ social et médico-social », avance l'exposé des motifs.

Le délai d'élaboration des nouveaux schémas est fixé à un an après l'entrée en vigueur de la loi, prévue pour le 1er janvier 2005, soit le 1er janvier 2006. En cas de carence, il reviendra au préfet d'arrêter le schéma.

C - Le pilotage des fonds d'aide aux jeunes

Le projet de loi de décentralisation confie aux seuls départements la gestion des fonds d'aide aux jeunes en difficulté (FAJ), mettant ainsi fin au copilotage et au cofinancement avec l'Etat.

La finalité du dispositif est inchangée. Il s'agit toujours d'accorder des aides financières aux jeunes de 18 à 25 ans, afin de favoriser une démarche d'insertion sociale et professionnelle. Elles peuvent aussi prendre la forme de secours temporaires pour faire face aux besoins minimaux et urgents du jeune.

Certaines garanties accordées aux jeunes dans le dispositif actuel devraient, par ailleurs, être maintenues. Aucune durée minimale de résidence dans le département ne pourrait ainsi être exigée pour pouvoir bénéficier des aides du fonds. Conservé également le principe d'un suivi systématique de tout jeune bénéficiaire d'une aide du fonds dans sa démarche d'insertion. Le projet de loi prévoit enfin que les aides seront attribuées sans qu'il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l'obligation alimentaire à l'égard de l'intéressé. Pas de mise en jeu préalable de l'obligation alimentaire, donc, mais le département aurait tout de même dans ce cas une possibilité de récupération.

Conséquence de cette décentralisation : la suppression du comité d'attribution des aides, qui rassemble aujourd'hui les organismes concernés par l'insertion et les aides aux jeunes en difficulté.

Par ailleurs, les modalités d'organisation et de fonctionnement du fonds, ainsi que celles d'attribution des aides devraient désormais être définies par le règlement intérieur du fonds, relevant de la compétence du département. L'avis du conseil départemental d'insertion serait comme aujourd'hui sollicité.

Le projet de loi laisse enfin la possibilité aux départements de confier la gestion du fonds départemental à une ou plusieurs collectivités territoriales ou à leurs groupements. Ils pourront, de même, confier la gestion financière et comptable du fonds à un organisme de sécurité sociale, une association ou un groupement d'intérêt public. Le président du conseil général aurait dans ce cas la responsabilité de déterminer avec les collectivités territoriales les conditions dans lesquelles une délégation en leur faveur pourrait être mise en œuvre : portée, incidences financières (notamment pour ce qui concerne les contributions de ces collectivités au fonds départemental, etc.).

Les régions, les communes et les organismes de protection sociale pourront toujours participer au financement du fonds.

III - L'ACTION SOCIALE EN FAVEUR DES PERSONNES ÂGÉES

A - La coordination de l'action gérontologique

Jean-Pierre Raffarin avait annoncé la couleur en février dernier, à Rouen,  et souhaité que le secteur de la prise en charge sociale et médico-sociale des personnes âgées relève entièrement de la compétence des départements. Des collectivités qui disposent déjà d'une compétence de droit commun en matière d'aide sociale aux personnes âgées et gèrent l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Pour « accentuer la décentralisation du pilotage de ce secteur », le projet de loi propose tout d'abord d'introduire dans le code de l'action sociale et des familles l'affirmation d'une compétence générale de coordination de l'action gérontologique confiée au département. A celui-ci donc de « définir des territoires de coordination de l'action gérontologique de proximité » et d'établir « les modalités d'information du public et de coordination des prestataires, en s'appuyant notamment sur des centres locaux d'information et de coordination ».

De fait, le comité national de la coordination gérontologique, chargé actuellement du suivi de la mise en œuvre des conventions conclues entre les départements et les organismes nationaux de sécurité sociale, serait supprimé.

B - Les comités départementaux des retraités et personnes âgées

Le projet de loi donne une base légale aux instances départementales de participation des retraités et personnes âgées instituées par décret en 1982. Et les réactualise.

Il propose ainsi que ces « comités départementaux » soient placés auprès des seuls présidents de conseils généraux. A charge pour eux d'en définir la composition et les modalités de fonctionnement.

Quant au rôle joué par cette instance, l'exposé des motifs précise qu'elle peut être invitée à participer aux travaux sur le schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale que le président du conseil général est chargé d'élaborer et concernant les établissements et services qui accueillent des personnes âgées ou leur apportent à domicile une assistance.

IV - LA PROTECTION DE L'ENFANCE

A - L'expérimentation d'une compétence élargie des départements

Actuellement, la compétence en matière de mise en œuvre des mesures d'assistance éducative décidées par les magistrats au titre de l'enfance en danger est exercée conjointement par les conseils généraux et le service public de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ainsi, les conseils généraux prennent directement en charge certains mineurs qui leur sont confiés par les juges des enfants et financent l'ensemble des mesures d'assistance éducative confiées à des personnes physiques ou à des établissements et services publics ou privés, à l'exception de celles relevant des services et établissements de la PJJ. Le projet de loi vise à élargir, à titre expérimental et dans des départements volontaires, les compétences des conseils généraux en matière de mise en œuvre des mesures d'assistance éducative. Des dispositions qui suscitent d'ores et déjà l'inquiétude du monde associatif (7).

Transferts de services et garanties individuelles des agents

Le projet de loi précise les modalités des transferts de services occasionnés par les transferts de compétences envisagés et décrit les garanties individuelles accordées aux personnels.

En cas de transferts définitifs

Une fois la loi entrée en vigueur, les services qui participent à l'exercice des compétences de l'Etat confiées aux collectivités territoriales devraient, eux aussi, être transférés, selon une procédure qui, pour « concilier l'effectivité du transfert des compétences et la nécessaire continuité du service public » , prévoit une période de transition au cours de laquelle les modalités pratiques de mise à disposition des services devront être déterminées par convention entre l'Etat et la collectivité territoriale concernée.

Pendant cette période transitoire, qui prendra fin avec la publication des décrets fixant la partition définitive des services entre l'Etat et les collectivités territoriales, les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public de l'Etat (8) devraient être mis de plein droit à disposition de la collectivité territoriale d'accueil.

Dans les 2 ans suivant la publication du décret de transfert définitif des services, les fonctionnaires de l'Etat mis à disposition devraient pouvoir opter soit pour leur intégration au sein de la fonction publique territoriale (FPT), soit pour un placement en situation de détachement. Le défaut d'exercice du droit d'option dans le délai imparti de 2 ans vaudrait demande de placement en position de détachement. L'intégration dans un cadre d'emplois de la FPT devrait être de droit pour les fonctionnaires ayant fait ce choix dans le délai requis. Les fonctionnaires ayant opté pour le détachement pourraient demander, ultérieurement et à tout moment, leur intégration au sein de la FPT. L'exposé des motifs souligne toutefois que les collectivités seront « libres du sort réservé à ces demandes » .

Les agents non titulaires de droit public de l'Etat et de ses établissements publics devraient, quant à eux, se voir reconnaître, à la date d'entrée en vigueur des décrets fixant les partitions définitives des services, la qualité d'agent non titulaire de la fonction publique territoriale. Et ils devraient conserver, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail. Pour ceux dont le contrat arriverait à échéance pendant la période de mise à disposition mais avant la publication des décrets, les collectivités territoriales pourraient, par dérogation aux procédures de recrutement et de nomination prévues par le statut de la FPT, les recruter en tant qu'agents non titulaires.

Enfin, toujours selon le projet de loi, les fonctionnaires qui bénéficieraient au titre de leur emploi dans les services de l'Etat d'un classement en catégorie active (9) conserveraient les avantages qui en découlent, lors de leur transfert dans la collectivité, quelle que soit la position occupée (mise à disposition, détachement...).

En cas de transferts au titre d'une expérimentation

Pour les services qui participent à l'exercice des compétences faisant l'objet d'une expérimentation ou d'une délégation de compétences, c'est le principe de la mise à disposition des services et des personnels auprès de l'autorité de l'exécutif de la collectivité territoriale qui devrait s'appliquer.

Concrètement, dans les départements retenus pour l'expérimentation, le service de l'aide sociale à l'enfance serait ainsi seul compétent pour assurer la mise en œuvre des mesures ordonnées par les juges des enfants du département au titre des articles 375 à 375-8 du code civil. Conséquence : le juge ne pourrait plus saisir ni les établissements et services de la PJJ, ni directement une association habilitée à recevoir habituellement des mineurs confiés par l'autorité judiciaire. Mais devrait passer nécessairement par le service de l'aide sociale à l'enfance.

Le texte prévoit deux exceptions à cette compétence exclusive des conseils généraux. La première est liée à la mise en œuvre d'une mesure d'assistance éducative par une personne physique. Autrement dit, en matière de placement chez un particulier. La seconde exception tient au placement dans un établissement recevant des personnes hospitalisées pour des troubles mentaux. Un mode de placement direct « particulièrement attentatoire à la liberté individuelle » - dixit l'exposé des motifs - et strictement encadré par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale. Et qui, à ce titre, relève de la seule compétence de l'autorité judiciaire.

B - L'habilitation des établissements

Le projet de loi propose que le service de l'aide sociale à l'enfance d'un département retenu pour l'expérimentation puisse, « sans préjudice de ses responsabilités vis-à-vis des mineurs qui lui sont confiés », faire appel à des organismes publics ou privés ou à des personnes physiques. A condition que ces établissements et services soient habilités par le président du conseil général, après avis conformes des présidents des tribunaux de grande instance et procureurs de la République du département.

Le projet de loi prévoit que ces établissements et services auxquels l'aide sociale à l'enfance fera appel pour l'exercice de sa mission seront soumis au contrôle de l'autorité judiciaire et des services relevant de l'autorité du garde des Sceaux (prévu par l'article L. 313-20 du code de l'action sociale et des familles). Cette précision autorise l'Etat et l'autorité judiciaire à conserver, sur les conditions d'exécution des décisions judiciaires, un pouvoir de contrôle qui s'applique aujourd'hui sur les seuls établissements et services auxquels l'autorité judiciaire confie directement une mesure.

C - Les modalités de l'expérimentation

Les départements souhaitant se porter candidats à l'expérimentation devraient disposer d'un délai de  6 mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi. La décision revenant au garde des Sceaux, qui se prononcerait dans les 4 mois suivant le dépôt des demandes.

Selon le projet de loi, une convention entre l'Etat et le département devra définir les modalités de l'extension de la compétence et préciser les moyens « soit en crédits, soit en personnels, soit à ce double titre » qui l'accompagnent. Cette convention aura également vocation à régler les modalités du recueil de l'avis des présidents et procureurs de la République du département pour l'habilitation, ainsi que les conditions dans lesquelles certaines mesures confiées préalablement aux services de l'Etat pourront être renouvelées dans ces services dans l'intérêt du mineur (voir plus bas).

L'évaluation de l'expérimentation devra débuter « 3 mois avant son terme » et faire l'objet d'un rapport établi par le gouvernement. A charge pour ce dernier de le transmettre, avec les observations des départements concernés, au Parlement.

Le transfert de compétences prévu dans le cadre de l'expérimentation ne devrait être applicable qu'aux décisions prises après la date d'entrée en vigueur de cette dernière. Précision du projet de loi : les mesures mises en œuvre antérieurement pourront aller jusqu'à leur terme.

Il laisse, en outre, ouverte la possibilité qu'une mesure préalablement confiée à un service de l'Etat puisse, « dans l'intérêt du mineur », être renouvelée dans ce même service. Dans des conditions que devra nécessairement préciser la convention passée entre l'Etat et le département.

Olivier Songoro

Notes

(1)  Après ceux portant sur l'expérimentation et le référendum local - Voir ASH n° 2311 du 16-05-03.

(2)  Le projet de loi doit être présenté le 10 décembre en conseil des ministres.

(3)  Voir ASH n° 2327 du 3-10-03.

(4)  Voir ASH n° 2314 du 6-06-03.

(5)  Voir ASH n° 2084 du 11-09-98.

(6)  Voir ASH n° 2252 du 1-03-02.

(7)  Voir ASH n° 2327 du 3-10-03 et ce numéro.

(8)  Sont donc exclus les emplois-jeunes et les titulaires de contrats emploi-solidarité et emploi consolidé.

(9)  Catégorie qui regroupe les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles et dont la nomenclature est établie par décret.

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