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Des équipes mobiles à la rencontre des personnes agressées

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Le premier service d'aide aux victimes d'urgence a été créé il y a un an à Valenciennes pour venir en aide aux victimes d'actes de délinquance. Impulsée par le ministre délégué à la ville, Jean-Louis Borloo, cette expérience commence à essaimer dans d'autres communes.

En juin 2002, l'association d'Aide aux jeunes adolescents de la rue (AJAR) a mis en place à Valenciennes (Nord) - sous la houlette de son ancien maire, aujourd'hui ministre délégué à la ville, Jean-Louis Borloo - le premier service d'aide aux victimes d'urgence (SAVU)   (1). Entre juin et décembre 2002, ce dernier est intervenu auprès de 834 personnes sur 1 042 victimes qu'il a rencontrées.

Le principe du service est simple : « un système volant d'urgence », calqué sur celui du SAMU. Des équipes mobiles, composées d'un juriste et d'un psychologue, viennent en aide, à la demande des policiers ou des gendarmes, aux victimes d'infractions pénales : agressions sexuelles, violences physiques ou cambriolages. Ce dispositif est le prolongement du service traditionnel d'aide aux victimes de l'AJAR et il a pu bénéficier de ses 25 ans d'expérience en la matière. « Depuis la loi sur la présomption d'innocence de juin 2000, il y a une distorsion entre la prise en charge de l'auteur d'un acte de délinquance qui a le droit de rencontrer un avocat dès les premières heures de sa détention et celle de la victime d'une agression qui est trop souvent abandonnée à elle-même, sans réel soutien », explique Jacques Fine, président de l'AJAR. Pourtant, il est très important que les victimes d'actes de violence trouvent un soutien immédiatement après les faits et ne restent pas seules face à leur désarroi. » Bien sûr ces dernières peuvent se faire assister par des tribunaux, des avocats ou des associations spécialisées, mais elles sont souvent trop choquées et paralysées par un fort sentiment d'insécurité et d'abandon. Le SAVU répond ainsi aux besoins que le service d'aide aux victimes traditionnel de l'AJAR ne savait plus suffisamment satisfaire. La prise en charge dans l'urgence et la mobilité apparaissaient de plus en plus comme le maillon manquant d'un réseau social qui perdait alors beaucoup de sa pertinence.

« Nous avions pris conscience, depuis environ trois ans, qu'il y avait un réel travail de soutien et d'accompagnement à effectuer auprès des personnes agressées, car trop de victimes passaient entre les mailles du filet. Mais il aura fallu attendre un concours de circonstances favorable pour que les choses se concrétisent », explique Karim Louzani, directeur de l'AJAR. Et c'est bien la nomination de Jean-Louis Borloo au ministère délégué à la ville qui a permis au projet porté par l'AJAR et soutenu par le procureur de la République, Jean-Louis Catez, de voir le jour. Un projet qui s'inscrivait, par ailleurs, dans le droit-fil de la réflexion sur l'accueil et le suivi des victimes, entamée depuis plusieurs années à la délégation interministérielle à la ville.

Tout s'est fait très rapidement, grâce aux relations qui existaient entre Jean-Louis Catez et Jean- Louis Borloo ; grâce aussi au savoir-faire de l'association AJAR à qui a été confiée la réalisation du projet. « A partir du moment où M. Borloo a donné le feu vert, il a fallu ouvrir le service en 15 jours », se souvient Jacques Fine. L'AJAR a fourni la logistique et son savoir-faire. De son côté, l'Etat a accordé une subvention de 285 230  €, représentant 80 % des fonds nécessaires. Le reste du financement est assuré par les collectivités territoriales. Pour l'année 2003, le SAVU a reçu des subventions du ministère de la Ville, du ministère de la Justice, du conseil régional, des communautés d'agglomération et du syndicat des transports valenciennois.

Il a fallu, en hâte, trouver un local, des voitures et le personnel. « Dans la mesure où l'expérience était innovante et qu'il fallait faire vite, nous sommes allés chercher des juristes et des psychologues à la sortie de leurs écoles et nous leur avons apporté une formation complémentaire », explique Jacques Fine. L'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (Inavem) - qui regroupe 150 associations d'aide aux victimes en France, dont l'AJAR - a été chargé de la formation du personnel du SAVU. « On a voulu embaucher des personnes jeunes, souligne Jacques Fine. Nous avions eu une très bonne expérience avec nos emplois-jeunes et nous estimions que pour la mise en place de ce service il fallait un œil neuf. » Les professionnels recrutés ont ainsi moins de 30 ans.

Une fois l'équipe sur pied, il a été nécessaire de convaincre les policiers, les gendarmes, les médecins des hôpitaux et les avocats, de son rôle utile et complémentaire. « Au début, les policiers hésitaient à faire appel à nous lorsqu'ils recevaient des victimes d'agressions car ils craignaient l'arrivée de civils dans leurs locaux. Mais, au fil des semaines, les réticences ont été surmontées et notre collaboration s'est vraiment affermie », raconte Karim Louzani. A tel point qu'au commissariat de Valenciennes, un local a été mis à la disposition du SAVU.

A l'heure actuelle, deux psychologues, cinq juristes et un éducateur spécialisé assurent les permanences. Ils interviennent sept jours sur sept, de huit heures à trois heures du matin, sur demande de la police ou de la gendarmerie, uniquement en cas d'infractions pénales. Comme le service est de plus en plus connu, ce sont parfois les victimes elles-mêmes qui demandent à la police de faire appel à lui. Il arrive aussi que le SAVU soit sollicité pour soutenir les familles de personnes ayant péri dans un accident de la route ou pour accompagner des policiers qui doivent annoncer une telle mort à la famille.

Dès le début, l'ensemble de l'équipe a entamé une réflexion sur les objectifs du travail mené auprès des victimes d'agressions et surtout sur les limites de l'aide d'urgence. Assez rapidement, la question du suivi des personnes est apparue. « Nous sommes un service d'urgence et nous devons à un certain moment passer le relais », assure Karim Louzani. En premier lieu, au service d'aide aux victimes traditionnel de l'AJAR. Ensuite, aux centres médico-psychologiques, aux autres partenaires sociaux, aux hôpitaux. Mais les délais sont si longs pour avoir accès à ces services que l'équipe a été contrainte d'assurer elle-même un suivi juridique, social et psychologique. « Néanmoins, nous ne pouvons le faire qu'à condition que le nombre d'interventions en urgence auprès de victimes soit limité. Sinon nous serions vite débordés », tient à préciser Jacques Fine. Actuellement, le service est appelé entre cinq et huit fois par jour.

La priorité, et l'objectif principal du SAVU de Valenciennes, reste l'intervention d'urgence « afin que la personne agressée ne s'enferme pas dans son traumatisme et ne s'isole pas du reste de la société », insiste Laurent Capelle, psychologue à l'AJAR et membre de l'équipe du SAVU depuis sa création. « Lorsque nous arrivons sur les lieux du délit ou au commissariat, nous sommes avant tout à l'écoute de la victime. D'une part, cela lui permet de soulager sa souffrance et, d'autre part, cela nous permet d'évaluer ses besoins, qu'ils soient psychologiques ou juridiques. »

UN DES SERVICES DE L'AJAR

L'association Aide aux jeunes adolescents de la rue (AJAR) a été créée en 1975. Elle avait pour objectif de trouver des familles d'accueil pour des jeunes en difficulté. Depuis, la structure s'est diversifiée et élargie. Aujourd'hui, elle compte 65 salariés et 9 administrateurs. L'AJAR regroupe un centre d'hébergement qui peut accueillir 26 personnes, un point d'accueil écoute jeunes et un service justice. L'association a également mis en place un centre d'adaptation à la vie active et un chantier école qui assure la formation de 50 personnes de 18 à 55 ans. En 2002, le point accueil écoute jeunes a reçu 8 000 victimes et le service justice de Valenciennes 3 600, dont 1 800 pour le SAVU.

Sortir les victimes de la culpabilité

Laurent Capelle assure, aujourd'hui, le suivi psychologique de 150 personnes au rythme d'un entretien par semaine pour certains, de un par mois pour d'autres. « Après être entré en contact dans l'urgence, mon but est de rendre aux victimes leur autonomie d'action et de pensée. La plupart du temps celles-ci, paradoxalement, culpabilisent. Nous sommes là pour remettre les faits à leur place, apporter des conseils et un appui juridique. » L'équipe est sur ce point catégorique : pas question de faire du SAVU un service d'assistance.

L'ensemble de l'équipe se réunit chaque semaine pendant trois heures pour évoquer les situations et revenir sur les moments les plus difficiles. L'occasion aussi de mettre en commun les informations des uns et des autres concernant une personne agressée. La professionnalisation des intervenants est une priorité, défend Kareen Monier, coordinatrice des juristes. « Elle est importante, car nous faisons face à des personnes qui sont dans une situation sociale ou un état psychique de plus en plus compliqués. » Les juristes les informent de leurs droits et les dirigent vers les avocats du réseau de l'association. « Mais nous ne nous substituons en rien aux membres du barreau», insiste-t-elle.

L'expérience pilote de Valenciennes devrait se poursuivre sauf... que les financements pour 2004 n'ont pas encore été trouvés. Au ministère délégué à la ville, on a annoncé très clairement que le projet serait financé pour une durée de un an. Avec l'idée qu'il fallait trouver des relais locaux.

Elisabeth Kulakowska

UN DISPOSITIF QUI ESSAIME...

Après Valenciennes, la pionnière, les villes de Blois, Mulhouse, Marseille et Bordeaux ont aussi lancé leur propre service d'aide aux victimes d'urgence  (SAVU). Le Mans et Melun sont en passe de le faire. L'extension et la pérennisation du dispositif sont à l'ordre du jour. « Mais, précise Jacques Fine, président de l'AJAR, l'association qui gère le SAVU de Valenciennes, il ne s'agit pas de faire du copier-coller. » Même si l'objectif est commun et la manière de concevoir l'aide aux victimes d'agressions identique, chaque expérience s'insère dans un contexte social spécifique, avec un réseau associatif propre, des sources de financement et des partenariats particuliers. A Marseille, par exemple, qui a inauguré son SAVU en avril 2003, il n'a pas été nécessaire de recruter du personnel extérieur comme à Valenciennes, car l'association gestionnaire, l'AVAD, a mis à disposition son personnel. Dès le premier mois, le service a été saisi de 50 situations. L'expérience est conduite sur dix mois comprenant la période d'été où de nombreux touristes sont victimes d'agressions. Seuls le parquet et la police peuvent saisir le SAVU de Marseille alors qu'à Mulhouse, les hôpitaux sont aussi habilités à le faire. A Mulhouse, l'association Accord 68 - dont le dispositif dépend - a préféré donner un autre nom à ce service : dispositif mobile d'aide aux victimes  (Dimavi). « C'est aussi un jeu de mot, précise le président de l'association, Jacques Walker, il s'agit de dire sa vie, dis ma vie... » Mais la principale raison est la confusion générée par la proximité des mots SAMU et SAVU. Les bureaux sont ouverts sept jours sur sept, de 9 heures à 2 heures, tous les jours de l'année. A terme, le Dimavi devrait fonctionner 24 heures sur 24. Contrairement au SAVU de Valenciennes, le Dimavi n'intervient jamais sur les lieux de l'infraction, « pour ne pas gêner le travail d'investigation de la police ». Cependant, toutes les structures ont en commun de regrouper des juristes, des travailleurs sociaux et des psychologues, tous formés par l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation. L'Etat a financé chaque expérience pilote (de dix mois) à hauteur de 80 %. Au-delà de ce délai de lancement, les associations doivent trouver des relais sur le terrain.

Notes

(1)  Service d'aide aux victimes d'urgence - Association AJAR : 1, rue de Védrines - BP 374 - 59307 Valenciennes - Tél. 03 27 20 26 26 ou 27.

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