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Budget 2004 : le social à l'heure des décomptes

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« L

e social va-t-il payer le prix de la rigueur budgétaire et de la volonté sécuritaire affirmée par le gouvernement ? » Quelques jours après la présentation du projet de loi de finances 2004  (voir ce numéro), Hubert Allier, directeur général de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux  (Uniopss), résume l'inquiétude qui domine dans le secteur. Pour ne pas dire le total désappointement devant des arbitrages qui ont sacrifié les moyens alloués au traitement social du chômage, au logement et à la solidarité. Seuls, dans le champ social, les dossiers du handicap et des personnes âgées se trouveront épargnés par la rigueur budgétaire. « Malgré ce contexte, les politiques sociales doivent rester ambitieuses, même s'il nous faut inventer dans le temps des étalements, des lois de programmation, des plans pluri-annuels... », continue d'espérer Hubert Allier.

Les nouveaux exclus de l'ASS

Pour autant, les choix déjà affichés sont clairs. La réduction de la durée d'octroi de l'allocation de solidarité spécifique  (ASS) va amener à exclure de cette prestation environ 130 000 demandeurs d'emploi dès l'an prochain (1). « Une telle décision viendrait frapper de plein fouet les plus pauvres, les plus vulnérables de notre société et les transformerait en exclus, dénonce dans un communiqué le collectif Alerte. Les bénéficiaires de l'ASS radiés de cette allocation viendraient grossir le rang des RMIstes, à un moment où le RMI est décentralisé aux conseils généraux » (voir ce numéro). Sans compter qu'entrent également en vigueur, le 1er janvier prochain, les avenants à la convention d'assurance-chômage signés le 20 décembre 2002 qui devraient immédiatement interrompre l'indemnisation de 150 000 à 180 000 personnes...

Dans le domaine de l'insertion dans l'emploi, c'est le secteur marchand qui est privilégié, alors que le nombre de contrats emploi-solidarité  (CES) et de contrats emploi consolidé (CEC) continue de chuter pour atteindre respectivement 170 000 et 15 000 postes. « Nous nous interrogeons réellement sur l'implication du gouvernement auprès des publics les plus en difficulté, s'insurge Didier Piard, chargé de mission à la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS). Croit-il que le RMA, dont la mise en place n'a pas été négociée, va tout résoudre et lui permettre de se désengager davantage sur les contrats aidés ? » Une logique, regrette-t-il, teintée de « suspicion à l'égard des personnes en difficulté qu'on a peur d'installer dans l'assistance. »

A ces inquiétudes s'ajoute l'ajournement de la création du « contrat d'accompagnement renforcé dans l'emploi », annoncé au cours d'une réunion organisée le 15 septembre au ministère des Affaires sociales avec le réseau des acteurs de l'insertion par l'activité économique. Un report dont les raisons sont, de toute évidence, autant politiques que financières. «  L'objectif officiel est de ne pas créer de la confusion entre ce nouveau contrat, le contrat d'insertion dans la vie sociale [CIVIS] et le RMA, commente Didier Piard. Mais le contrat unique supposait plus d'accompagnement de la part de l'employeur. En période de restriction budgétaire, il aurait été moins facile à injecter dans les collectivités locales que les CES.  » Indigné, l'ensemble du réseau - la FNARS, les Chantiers-écoles, la Fédération Coorace, le Comité national de liaison des régies de quartier et le réseau Cocagne (2)  - demande expressément que ce projet, prévu dans le Plan national d'action pour l'inclusion sociale 2003- 2005 et objet d'un rapport remis en juillet par le sénateur Bernard Seillier (3), soit rapidement remis à l'ordre du jour.

Comme celle de l'emploi, la crise du logement social est un défi que le gouvernement a promis de relever. Pourtant, alors que le mal-logement touche encore un million et demi de ménages, les crédits du ministère de Gilles de Robien ont subi la plus grave amputation, soit 8 %. « Pour la première fois depuis de nombreuses années, la baisse des crédits budgétaires du logement sera aussi importante », dénonce la Confédération nationale du logement (4), qui qualifie ces mesures de « véritable provocation ». Le ministre a, il est vrai, assuré que 80 000 logements sociaux seraient construits en 2004. « On peut faire plus avec autant ou moins en rationalisant les budgets », a-t-il argumenté. Son calcul ? Compter sur la baisse du taux du livret A pour relancer la construction sociale. Sauf que l'équation ne convainc pas les acteurs concernés. « Le gouvernement nous a donné une mesure favorable qui sera compensée par une baisse de l'enveloppe globale pour financer les opérations sociales, décrypte Michel Amzallag, conseiller à la direction des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat (5). Alors que les améliorations de la baisse du taux du livret A se verront dans plusieurs années, au moment des remboursements d'emprunt, la baisse de subvention, elle, se vérifie tout de suite. Tous les opérateurs ne feront pas le pari de l'équilibre. »

Les organismes HLM, que Gilles de Robien a pris soin d'inviter à « limiter leur hausse de loyer au niveau de l'indice du coût de la vie », jugent plus alarmante encore la baisse de 5 % du budget consacré aux aides personnelles au logement. Elle devrait s'accompagner, selon le ministre, d'une réforme des conditions d'accès à l'aide personnalisée au logement. «  Pour faire 200 millions d'euros d'économies sur un budget de 5 milliards d'euros, le gouvernement devra prendre des mesures très violentes, faire des coupes à la hâche, craint Michel Amzallag. Mais le pire, c'est qu'il n'y aura pas de débat national sur un poste qui représente deux lignes dans une présentation budgétaire. »

Une AME en peau de chagrin

Autre dossier réglé dans la plus grande discrétion : la réforme de l'aide médicale d'Etat pour réduire le coût du dispositif, déjà ajournée à deux reprises devant la protestation des associations. « Encore une fois, il n'y a pas eu de concertation, déplore Patrick Mony, directeur du Groupe d'information et de soutien des immigrés. Le gouvernement prend des décisions alors qu'il sait pertinemment que le monde social et médical est contre. Elles vont dissuader les gens de se soigner, entraîner un grave problème de santé publique avec des coûts qui se répercuteront à long terme sur les créances hospitalières. » Même stupéfaction du côté de Médecins du monde, qui mesure déjà la portée des mesures esquissées : « Que signifient les soins de confort pour les plus démunis ?, s'interroge Nathalie Simonnot, responsable de la mission France. Se soigner d'une angine, d'un problème de dermatologie ? Ces projets sont tout simplement catastrophiques. » Une nouvelle mobilisation s'annonce-t-elle pour faire avorter la réforme ? « Certainement, mais nous commençons à être las de ne pas être écoutés. »

M. LB.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2326 du 26-09-03.

(2)  C/o FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.

(3)  Voir ASH n° 2323 du 5-09-03.

(4)  CNL : 8, rue Mériel - BP 119 - 93104 Montreuil cedex - Tél. 01 48 57 04 64.

(5)  USH : 14, rue Lord-Byron - 75008 Paris - Tél. 01 40 75 78 00.

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