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« Quel avenir pour la démocratie sanitaire ? »

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La loi relative à la politique de santé publique, dont le projet doit être examiné au Parlement dès octobre (1), ne doit pas remettre en cause les avancées de la loi sur les droits des malades de mars 2002 (2), met en garde Christian Saout, président de la Fédération Aides.

« La question n'est pas tellement, comme certains le proclament, de ne pas aimer le terme “démocratie sanitaire”. Une telle détestation ne fera pas rendre gorge à une aspiration maintenant bien établie :celle de la participation des usagers du système de santé aux décisions qui les concernent. Depuis quelques décennies, une série d'événements a montré que la santé publique ne pouvait être laissée aux mains des seuls médecins. La récente catastrophe sanitaire liée à la canicule, comme toutes les autres catastrophes sanitaires, résulte d'un enchaînement de circonstances. Il est détestable que nous n'ayons donc rien retenu des leçons des précédents événements de même ampleur et que l'on continue à vouloir tenir soigneusement à l'écart des décisions de santé les usagers du système de santé plutôt que de les laisser, comme ils le réclament, être eux aussi des acteurs de la démocratie sanitaire.

Ouvrir le champ sanitaire à la démocratie participative

Mais de quoi parle-t-on quand on parle de démocratie sanitaire ? Il ne s'agit ni plus ni moins que de décliner, à côté d'une démocratie représentative parfaitement établie, une démocratie participative qui mette les usagers et les organisations dont ils se dotent à même de débattre et de décider avec d'autres les orientations à prendre en matière de santé publique.

Dans nos systèmes politiques, il y a maintenant, au terme d'une évolution multiséculaire, trois instances démocratiques.

La démocratie représentative, parlementaire si l'on veut, dont le peuple constituant a fixé les règles et qui dispose de l'autorité naturelle pour décider par ses lois des orientations générales que le pays doit prendre en matière de politiques générales ou sectorielles.

On sait que la loi ne peut tout faire et qu'une place significative reste au gouvernement pour édicter par voie réglementaire des mesures plus finement adaptées. Dans le domaine du travail, les organisations représentatives des salariés et du patronat ont obtenu après 1945 que les décisions sur la réglementation du travail fassent l'objet d'une démocratie participative. Les pouvoirs du Parlement en la matière n'ont pas été reniés. Mais les décisions sont préparées et concertées entre partenaires, et soumises si cela s'avère nécessaire à l'examen de la représentation nationale. Jamais les usagers du système de santé et les organisations dont ils se sont dotés n'ont obtenu en matière de santé publique ce qui a été accordé dans le champ du travail. Ils n'ont pas non plus réussi à arracher les pouvoirs d'alerte et de contrôle que le mouvement de protection de la nature s'est vu conférer après quelques années de combats acharnés.

Enfin, à côté de la démocratie représentative et de la démocratie participative, nos sociétés contemporaines reconnaissent une place à la démocratie de protestation. L'opinion s'empare de la rue pour faire connaître son sentiment quand la démocratie représentative et/ou la démocratie participative se sont tenues trop loin de ses attentes.

Chacun de ces exercices démocratiques est codifié. Par la Constitution, le plus souvent, qui détermine les missions du Parlement et les limites du droit de manifester. La démocratie participative n'a de règles qu'issues des grands rendez-vous entre le peuple et ses mandants. Ce fut le cas dans le monde du travail au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Cela aurait dû être le cas pour la démocratie sanitaire dans notre pays après les états généraux de la santé (3). La terminologie “états généraux” convoquait d'elle-même l'invention de nouvelles formes démocratiques pour la prise de décisions en matière de santé publique. La loi du 4 mars 2002, dite “sur les droits des malades”, intervenant à l'issue de ces états généraux, n'avait d'ailleurs pas manqué de consacrer, à côté des droits individuels (droit d'accès au dossier médical, droit au consentement, droit à l'information...), des droits collectifs dans un contexte où le législateur estimait indispensable de tenir compte des désastreux événements sanitaires survenus dans notre pays ces deux dernières décennies : sang contaminé, encéphalite spongiforme bovine, maladies nosocomiales...

Ces droits collectifs passent par la représentation des usagers dans les instances hospitalières et de santé publique dont le législateur a fixé les conditions, comme il l'a fait d'une autre manière dans le monde du travail. Pourtant, 18 mois après l'adoption du texte fondateur que constitue la loi du 4 mars 2002, la démocratie sanitaire est en panne. Cette panne n'intervient pas par hasard. Elle est elle aussi le résultat d'une “cascade”.

Le nouveau gouvernement a commencé par supprimer dans son projet de loi de santé publique toute représentation des usagers dans les instances de décision de la santé. Le ministre de la Santé a démenti par une lettre adressée aux associations que telle était son intention et que c'était une manière d'attendre les conclusions d'une mission sur les modalités d'organisation de la représentation des associations (4). Mais quelle main croire ? Celle qui réduit les avancées de la loi du 4 mars 2002 ou celle qui ouvre des perspectives ?

Les associations déstabilisées

Les associations profondément déstabilisées par ce coup de force ont quelque peine à se situer. Leur volonté de participer est, pour certaines, profondément atteinte. Et il n'est pas sûr qu'un projet fédérateur émerge dans de bonnes conditions pour relever le défi de la démocratie sanitaire imaginé lors des états généraux de la santé. On ne détruit pas impunément des équilibres précieusement acquis à l'occasion d'un débat national qui aura, rappelons-le, duré deux ans.

Le projet de loi de santé publique que le Parlement va examiner à l'automne ne doit donc pas détruire cet équilibre. Il doit plutôt s'attacher à construire les règles de la démocratie participative en matière de santé. L'équation est simple. D'abord l'intangibilité des droits collectifs issus de la loi du 4 mars 2002. Ensuite, la restauration de lieux permanents de confrontation entre les différents intérêts en jeu dans le champ de la santé : ce sont d'indispensables commissions nationale et régionales de santé permanentes, publiques, avec des objectifs et des compétences clairement distincts de ceux réservés au pouvoir législatif et garantissant la pluralité des représentations (pouvoirs publics, associations, assurance maladie, professionnels de santé, industriels de la santé, mouvement de la mutualité...). Enfin, s'il se confirme que l'agrément des associations reste la meilleure manière d'organiser la représentation des usagers, c'est aux pouvoirs publics qu'il convient, au nom de l'intérêt général, d'agréer les associations intéressées à la représentation des usagers.

Il reste donc à espérer que le débat parlementaire sur la loi relative à la santé publique permette de recoller les morceaux. A condition que chacun fasse des efforts. Le gouvernement serait bien inspiré de dialoguer (mais quelqu'un l'a déjà dit le 14 juillet !). Nous, associations, devons dépasser notre trouble et savoir relever le défi historique d'une “dette démocratique” contractée lors des état généraux de la santé : les droits vont rarement sans obligations.

Cela s'appelle le contrat social. C'est toujours le meilleur visage de la démocratie, qu'elle soit représentative ou participative. »

Christian Saout Aides : Tour Essor - 14, rue Scandicci 93508 Pantin cedex - Tél.01 41 83 46 46.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2312 du 23-05-03.

(2)  Voir ASH n° 2262-2263 du 17-05-02 et n° 2264 du 24-05-02.

(3)  Ils se sont tenus en 1998 et 1999. Voir ASH n° 2126 du 2-07-99.

(4)  Les résultats de la mission d'Alain-Michel Ceretti, président du LIEN (Association de lutte, d'information et d'études des infections nosocomiales) sont attendus pour la mi-octobre. Voir ASH n° 2301 du 7-03-03.

TRIBUNE LIBRE

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