Avant la Seconde Guerre mondiale - même si la création du diplôme d'Etat d'assistante de service social date de 1932 -, « on n'évoquait pas systématiquement le “métier d'assistante sociale”, mais bien plus fréquemment l'adhésion à une vocation, à un engagement (ou même à une mission d'apostolat) nécessitant une intelligence, un jugement et un dévouement placés “au-dessus de la moyenne” », explique Cyril Le Tallec. Puis viendront la débâcle, la défaite, l'armistice et Vichy. L'assistante de service social apparaît alors comme un des facteurs essentiels du quadrillage de la société voulu par Pétain.
Cependant le nombre des assistantes sociales diplômées d'Etat étant notoirement insuffisant, souligne l'auteur, des organismes publics ou privés se voient contraints, durant « la drôle de guerre » puis surtout sous l'Occupation, de recruter des volontaires jugées aptes à remplir une mission d'assistance sociale. Il en est ainsi de l'œuvre du Secours national, fondé en 1915, que l'Etat vichyssois ressuscite pour représenter l'ensemble des associations privées, laïques ou religieuses, qu'il subventionne. De même, la France libre du général de Gaulle, et les partis et mouvements de la Résistance ont également développé leurs propres services sociaux, composés de professionnelles mais aussi de nombreuses volontaires. Nécessité - et courage - faisant loi, on assiste donc à une multiplication du nombre de femmes, diplômées ou pas, qui occupent, concrètement, des fonctions d'assistantes dans une myriade de formations civiles et, parfois, militaires, dont l'auteur dresse l'inventaire.
La loi du 8 avril 1946, relative à l'exercice des professions d'assistante ou d'auxiliaire de service social, s'efforcera ensuite de donner une réglementation générale à cette fonction et, ce faisant, « d'unifier un corps qui tendait, depuis la mobilisation de 1939, vers un dangereux éparpillement ». Le texte laisse néanmoins deux ans au personnel non diplômé - mais pourtant guidé par son « instinct social » et qui exerçait depuis le 1er janvier 1941 - pour qu'il cesse ses activités ou se soumette aux épreuves d'un « examen de récupération ». Immédiatement, près de 10 000 « assistantes » ou « auxiliaires » se portent candidates- soit environ le double du nombre de celles qui étaient alors diplômées -, parmi lesquelles 3 300 (1 600 assistantes et 1 700 auxiliaires) seront « autorisées à exercer la profession d'assistante sociale ». Quant aux autres (plus de 6 000 ont échoué), elles devront obligatoirement mettre fin à toute activité sociale le 31 juillet 1955... ou s'inscrire rapidement dans les écoles.
Les assistantes sociales dans la tourmente, 1939-1946 - Cyril Le Tallec - Ed. L'Harmattan - 18 € .