Il aura fallu près de trois ans aux partenaires sociaux pour réformer le dispositif de formation professionnelle continue. Lancées en décembre 2000, les négociations ont abouti, le 20 septembre, à un accord national interprofessionnel sur « l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle ». Outre le patronat, FO, la CFTC, la CFDT et la CFE-CGC ont d'ores et déjà annoncé qu'elles le signeraient. La CGT, plus réservée, décidera d'avaliser ou non l'accord après l'avoir soumis à son comité confédéral national le 1er octobre.
L'entrée en vigueur de l'accord étant subordonnée à certaines adaptations législatives et réglementaires, un projet de loi transposant cet accord devrait être présenté courant octobre, a confirmé le gouvernement devant les parlementaires UMP, le 23 septembre (1). Projet de loi qui affirmera également le droit à un « reclassement régional » des salariés licenciés pour motif économique.
Selon l'accord, tout salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté chez un même employeur doit bénéficier, au minimum tous les deux ans, d'un entretien professionnel réalisé par l'entreprise. Les propositions d'actions de formation qui y seront faites pourront être portées, avec l'accord de l'intéressé, dans son « passeport formation ». Ce document, établi à l'initiative du salarié, recensera ses diplômes, titres et certifications, ses expériences professionnelles, ses formations, ses différents emplois et ses compétences. En outre, après 20 ans d'activité professionnelle et, en tout état de cause, à compter de son 45e anniversaire, tout salarié aura droit, à condition d'avoir un an d'ancienneté, à un bilan de compétences mis en œuvre en dehors du temps de travail et à une priorité d'accès à la validation des acquis de l'expérience (VAE).
Principale innovation de l'accord pour favoriser la formation des salariés tout au long de leur vie professionnelle : le droit individuel à la formation. Il s'agit de permettre à tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée employé à temps plein et ayant une ancienneté de un an au minimum dans l'entreprise de bénéficier de 20 heures de formation par an (durée calculée au prorata pour les salariés à temps partiel), cumulables sur six ans au maximum (soit 120 heures au total).
Sa mise en œuvre relèvera, d'après les partenaires sociaux, de l'initiative du salarié mais nécessitera l'accord de l'employeur, notamment quant au choix de l'action de formation qui pourra être réalisée dans ou en dehors du temps de travail. Dans ce dernier cas, l'entreprise devra verser au salarié une allocation de formation égale à 50 % de sa rémunération nette, imputable sur la participation au développement de la formation professionnelle de l'entreprise. Les frais de formation et d'accompagnement ainsi que les éventuels frais de transport et de repas seront à la charge de l'entreprise.
En cas de licenciement, l'accord autorise le transfert du droit individuel à la formation d'une entreprise à l'autre, sauf s'il s'agit d'un licenciement pour faute grave ou lourde. En cas de démission, le salarié pourra demander à bénéficier de son droit individuel à la formation qui sera alors réalisée pendant toute la durée de son préavis pour un bilan de compétences, une formation ou une VAE.
Par ailleurs, les partenaires sociaux ont distingué, au sein du plan de formation de l'entreprise, trois types d'actions de formation. Les actions d'adaptation au poste de travail devront être menées pendant le temps de travail et rémunérées au taux normal. Il en sera de même des actions de formation liées à l'évolution des emplois ou au maintien dans l'emploi des salariés. Mais, dans ce dernier cas, si le départ en formation conduit le salarié à dépasser l'horaire de référence, les heures correspondant à ce dépassement ne s'imputeront pas sur le contingent d'heures supplémentaires et ne donneront lieu ni à repos compensateur, ni à majoration dans la limite de 50 heures par année civile et par salarié, sous réserve de l'application des dispositions du code du travail relatives aux temps minimaux de repos. Enfin, les actions de formation ayant pour objet le développement des compétences des salariés, qui devront donner lieu à reconnaissance par l'employeur, pourront, en application d'un accord formalisé entre le salarié et l'employeur, se dérouler en dehors du temps de travail dans la limite, par année civile et par salarié, de 80 heures ou, pour les personnels au forfait, de 5 % de leur forfait. L'intéressé percevant alors une allocation de formation égale à 50 % de sa rémunération nette et bénéficiant de la législation de sécurité sociale sur les accidents du travail.
L'accord propose de remplacer les contrats d'orientation, d'adaptation et de qualification par un contrat de professionnalisation ouvert aux jeunes de moins de 26 ans sans qualification ou voulant compléter leur formation initiale, ainsi qu'aux demandeurs d'emploi si cela s'avère nécessaire pour favoriser leur retour vers l'emploi. D'une durée déterminée de 6 à 12 mois (voire 24 mois pour des publics ou des formations spécifiques) ou indéterminée (avec 6 à 12 mois d'actions de professionnalisation), ce contrat doit permettre d'acquérir un diplôme ou un titre à finalité professionnelle ou une qualification professionnelle. Les actions d'évaluation, de personnalisation du parcours de formation, d'accompagnement externe et de formation devront au minimum occuper 15 % de la durée du contrat ou de la période de professionnalisation (voire 25 % dans certains cas), sans pouvoir être inférieures à 150 heures. Les moins de 26 ans percevront au moins 55 % du SMIC s'ils ont moins de 21 ans et 70 % dans les autres cas, taux majorés de 10 points s'ils sont titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme de même niveau. Les personnes d'au moins 26 ans toucheront, sous réserve du salaire plancher qu'est le SMIC, un salaire minimum qui ne pourrait aller en deçà de 85 % de la rémunération minimale conventionnelle.
Un dispositif équivalent, dénommé période de professionnalisation, favorisera le maintien dans l'emploi des salariés sous contrat à durée indéterminée dont la qualification est insuffisante au regard de l'évolution des technologies, ou qui, après 20 ans d'activité professionnelle et, en tout état de cause, à compter de leur 45e anniversaire, souhaitent consolider la seconde partie de leur carrière. Mais aussi des salariés qui envisagent la création ou la reprise d'une entreprise, des femmes qui reprennent leur activité après un congé maternité ou un congé parental et des travailleurs handicapés.
Les partenaires sociaux prévoient d'augmenter la contribution des entreprises à la formation professionnelle continue. Pour les entreprises de 10 salariés et plus, elle passera à 1,60 % de la masse salariale à partir du 1er janvier 2004 (contre 1,50 %). Dans ce cadre, 0,20 % seront affectés aux fonds de gestion du congé individuel de formation (Fongecif) - dispositif que les partenaires sociaux ont maintenu sans en changer les modalités - et 0,50 % à l'organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) de l'entreprise. La contribution des entreprises de moins de 10 salariés, versée en totalité à leur OPCA, s'établira à 0,40 % de la masse salariale à compter du 1er janvier 2004, puis à 0,55 % au 1er janvier 2005 (au lieu de 0,25 % actuellement).
Par ailleurs, afin de favoriser le développement de la validation des acquis de l'expérience, les partenaires sociaux s'engagent à négocier, au cours du premier semestre 2004, un accord national interprofessionnel qui précisera le rôle des branches, notamment quant à la mise en œuvre des modalités de validation et de certification.
(1) Parallèlement, les parties signataires s'engagent à procéder, d'ici au 30 novembre 2003, à la stricte transposition juridique de ce texte dans un accord général réunissant également les dispositions de l'accord national interprofessionnel du 3 juillet 1991 relatif à la formation et au perfectionnement professionnels et qui prendra effet le lendemain de la date de publication de son arrêté d'extension au Journal officiel.