La Cour des comptes analyse, dans son rapport rendu public le 18 septembre (1), le déficit qu'a connu, en 2002, la sécurité sociale. Après quatre années d'excédent, le régime général accuse un déficit de 3,4 milliards d'euros. Celui de la branche maladie s'élève à 6,1 milliards d'euros, un niveau record, et devrait encore se creuser en 2003 (voir ci-dessous).
Les dépenses d'assurance maladie (soins de ville et établissements) ont progressé, en 2002, de 7,2 %, la plus forte hausse depuis la création de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) en 1997. Toutes les composantes de l'ONDAM ont contribué à cette évolution. Les dépenses de soins de ville s'accélèrent, mais aussi celles des établissements sanitaires. Et, contrairement à l'année précédente, les dépenses des établissements médico-sociaux sont supérieures aux objectifs. Etant précisé toutefois qu'elles se concentrent sur les structures pour l'enfance inadaptée et les personnes handicapées , les dépenses des établissements pour personnes âgées étant inférieures à l'objectif fixé (- 139 milliards d'euros).
S'agissant des soins de ville, les postes de prescriptions sont les plus dynamiques. En outre, l'accroissement des dépenses de la branche maladie trouve essentiellement son origine dans l'augmentation des remboursements accordés aux patients en affection longue durée (ALD) entre 2000 et 2002 (900 000 nouveaux bénéficiaires en 2001) et des indemnités journalières (arrêt de travail) depuis 1997, concentrées sur la tranche d'âge des 55 à 59 ans (2). Les magistrats insistent sur le fait que « l'accélération des dépenses d'assurance maladie ne tient pas à une inflexion de la demande de soins. Outre la vive progression des arrêts de travail, elle est imputable à un ensemble de décisions intervenues depuis 2000. » Il en est ainsi de la création du tarif de visite à domicile majoré pour les patients en ALD (3) - qui a incité les médecins à en faire bénéficier davantage de personnes (coût évalué à 0,5 milliard d'euros en 2002 et à un 1 milliard en 2003) - et de l'accord de revalorisation des honoraires des médecins généralistes (4). La mise en place des protocoles hospitaliers de 2000 et 2001 et le financement de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, quant à eux, ont majoré l'ONDAM 2003 de 3,4 milliards d'euros par rapport à 1999. Et, pour finir, le rapport met en cause le réexamen du service médical rendu (SMR) par les médicaments, achevé en 2001, mais qui n'avait pas abouti, fin 2002, au déremboursement des médicaments à SMR insuffisant.
La cour, qui relève que les mécanismes de régulation (5) ne fonctionnent pas, appelle à réformer d'urgence, tandis que Jean-François Mattei, lui, prône la concertation avec les acteurs concernés pour préparer « sur la base d'un diagnostic partagé les adaptations de notre système avant l'automne 2004 » (sur les grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, voir ci-dessous).
Par ailleurs, les experts mettent en relief les évolutions contrastées des prestations familiales. Les principales allocations d'entretien (allocations familiales, complément familial, allocation pour jeune enfant) ont diminué en volume, tandis que les autres (allocations liées à la garde d'enfant, aides aux logement, aides aux personnes handicapées) ont connu une progression rapide. Surtout, ce sont les dépenses d'aide sociale versées par la caisse nationale des allocations familiales qui ont fortement crû (+ 13,2 %) après la signature de la convention d'objectifs et de gestion 2001/2004 (6), en raison, principalement, de la progression des aides à l'accueil collectif des jeunes enfants et de l'accent « mis sur le développement des contrats temps libre ».
(1) « La sécurité sociale » - Septembre 2003 - n° 4460 - Journal officiel : 26, rue Desaix - 75727 Paris cedex 15 - 13,80 €.
(2) Jean-François Mattei a chargé les inspections générales des affaires sociales et des finances d'effectuer une enquête sur ce dernier point.
(3) Voir ASH n° 2270 du 5-07-02.
(4) Voir ASH n° 2269 du 28-06-02 - La cour a évalué le coût de l'accord en année pleine à 690 milliards d'euros. Mais selon la CNAM, il est de 270 millions d'euros en année pleine et « a d'ores et déjà été compensé à hauteur de 150 millions d'euros » par l'accroissement de la prescription de génériques. Selon la caisse, un rectificatif devrait être apporté à l'évaluation de la Cour des comptes.
(5) Action sur les prix payés par les assurés, gestion du risque par les caisses de sécurité sociale, modulation du remboursement des médicaments et politique conventionnelle des professions de santé.
(6) Voir ASH n° 2222 du 6-07-01.