Un beau cafouillage ! Et une déception quasi générale. L'annonce, par le ministre des Affaires sociales, François Fillon, du déblocage de 40 millions d'euros pour permettre aux personnes âgées hospitalisées lors de la canicule de « rentrer chez elles », ne passera pas comme un modèle d'opération de communication. Faite le 16 septembre au matin sur France Inter, elle s'accompagne des précisions suivantes du ministre : « Nous avons besoin d'aides-ménagères supplémentaires pour assister ces personnes à domicile, cela représente à peu près la moitié des crédits, et on a besoin de payer du personnel supplémentaire pour permettre à celui qui a beaucoup travaillé cet été de prendre le repos qu'il a mérité et d'être remplacé sans que cela ne se traduise par une baisse de capacités dans les établissements. » Tout le monde croit donc avoir compris : 40 millions, moitié pour l'aide à domicile, moitié pour les établissements.
Le propos est d'ailleurs dans la logique de ce que le même ministre avait annoncé le 2 septembre, lors de l'installation des groupes de travail appelés à réfléchir au futur plan « Vieillissement et solidarités » (1). Il parlait des aides au retour, « ménagères, paramédicales ou médicales » qui devaient faire l'objet d'une estimation « dans les plus brefs délais ». Le même jour, une circulaire aux préfets et aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales, signée de trois ministres, les enjoignait d'organiser les sorties d'hôpital et de prévoir « des moyens adaptés [aux] besoins, tant en termes d'aide que de soins ». Ce texte bienveillant, qui poussait aussi les préfets à se rapprocher des présidents de conseils généraux, n'avait qu'un défaut : il n'était assorti d'aucuns moyens.
Quinze jours plus tard, donc, les moyens arrivent. Les organisations directement concernées, prévenues une fois de plus par les médias, n'obtiennent pas de réponse quand elles cherchent des précisions auprès du ministère. Tombe, en milieu d'après-midi, un nouveau communiqué de presse. Surprise : les crédits débloqués sont prélevés uniquement sur l'assurance maladie (dont le ministre de tutelle est Jean-François Mattei, pas François Fillon) et ne portent que sur les soins infirmiers à domicile ou en maison de retraite médicalisée (voir ce numéro). Pas un euro pour l'aide à domicile hors soins !Interrogé, le cabinet du ministre précise benoîtement que « l'aide ménagère » relève des conseils généraux et des caisses de retraite « qui ne signalent pas de besoins prioritaires ».
Les fédérations d'aide à domicile tombent de haut. Si elles se réjouissent du déblocage des soins infirmiers qui font l'objet d'enveloppes limitatives très contraignantes, elles constatent, une fois de plus, « le peu de considération » accordée à l'accompagnement à domicile, réduit à une simple « aide ménagère ». « La bataille pour la reconnaissance n'est pas terminée », constate Annie Morel, chargée de la communication à l'Union nationale des associations ADMR (Association du service à domicile). Même constat à l'Union nationale des associations de soins et services à domicile (Unassad), qui regrette qu'une concertation entre l'Etat, les conseils généraux et la branche vieillesse « n'ait pas eu lieu ou n'ait pas abouti pour permettre des mesures réelles, décidées d'un commun accord ».
Côté établissements, les opinions sont à peine plus mitigées. Diplomatiquement, la Fédération hospitalière de France salue « un premier déblocage bienvenu qui en appelle d'autres », et « très rapidement ». Luc Broussy, délégué général du Syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (Synerpa), avoue plus crûment sa « déception » : le montant débloqué « n'est manifestement pas à la hauteur des enjeux ». Même tonalité à l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées (Adehpa), où le président, Pascal Champvert, rapproche le « niveau dérisoire » des crédits annoncés des 300 millions d'euros qu'il espérait, des 500 millions débloqués dès le mois d'août en faveur des agriculteurs et des 100 millions destinés aux établissements pour personnes âgées gelés au début de l'année. Sans parler des restrictions imposées à l'allocation personnalisée d'autonomie... La même Adehpa demande d'autres mesures « dans la semaine » car, « compte tenu des délais administratifs du ministère », « passé ce délai, il sera trop tard pour 2003 ».
Au total, souligne la Fédération nationale pour l'accueil et le confort des personnes âgées, l'attente n'en est que « plus forte » pour le futur plan « Vieillissement et solidarités » promis pour le 1er octobre, qui devra faire preuve « d'une tout autre ambition ».
M.-J.M.
(1) Voir ASH n° 2323 du 5-09-03.