La mission d'expertise mise en place le 19 août à la demande de Jean-François Mattei (1) a rendu public, le 8 septembre, son rapport sur la gestion de la canicule de cet été, dont les personnes âgées ont été les principales victimes (2).
Coordonnée par Françoise Lalande, inspectrice générale des affaires sociales, la mission formule des critiques sévères en direction de l'Institut de veille sanitaire (InVS) et, plus globalement, de l'administration. Le cloisonnement entre administrations du ministère, entre ministères et avec les services opérationnels a empêché la mise en commun des informations disponibles et, de fait, un traitement adéquat de la crise, explique-t-elle. « La direction générale de l'action sociale s'est mobilisée faiblement », relève le rapport, ajoutant que « les actions de communication de l'administration en général (direction générale de la santé et direction générale de l'action sociale) [ont] été dans l'ensemble trop tardives, méconnues et de ce fait peu suivies d'effet. » Quant au « flux d'information » entre ces deux directions, de même qu'entre directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales, il a été « relativement limité ».
Les personnes âgées ont été touchées par la canicule différemment suivant leur état physique, bien sûr, mais aussi selon leur environnement. A cet égard, les auteurs pointent l'insuffisante coopération des acteurs entourant les personnes à domicile. Les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) « n'ont pas, semble-t-il, eu d'impact dans la gestion de la crise », car, d'une part, « leur action est plus centrée sur l'information et le conseil que sur la coordination des acteurs sur le terrain et, [d'autre part], ils disposent de moyens réduits et ont très rarement une composante sanitaire ». Les professionnels des aides et soins à domicile (municipaux, associatifs et privés), en revanche, se sont « mobilisés en renforçant leur présence auprès de leurs personnes âgées », et ont donné l'alerte aux pompiers et aux médecins. Ces derniers étant, pour la plupart, absents pendant cette période de congé...
S'agissant des personnes âgées en établissement, le document confirme, « de l'avis des professionnels, mais aussi des familles », le manque d'effectifs soignants. Il relève également la difficulté à laquelle les personnels ont été confrontés : charge des soins (nursing et perfusions) et locaux non climatisés. Autant d'éléments qui peuvent expliquer la surmortalité qui a eu lieu, de l'ordre de 40 % supérieure aux trois dernières années sur l'ensemble du territoire, ces chiffres n'étant cependant « ni exhaustifs, ni consolidés ». Les auteurs estiment qu'ils appartiendra aux enquêtes ultérieures de déterminer les parts respective des différents déterminants de cette mortalité. Ils soulignent que « certains facteurs devront être pris en considération, car ils ont pu avoir un impact favorable sur la mortalité : un personnel en nombre suffisant, qualifié et connaissant bien les résidents, la présence d'un médecin coordonnateur formé à la gériatrie pouvant rapidement ajuster les traitements médicamenteux, la présence d'un infirmier ou d'un cadre infirmier ».
Quant aux hôpitaux, la mission estime que, « soutenus par leur administration, [ils] ont réagi avec courage », malgré le contexte difficile. Mais elle insiste sur le fait que les services de gériatrie sont les « parents pauvres » : ils sont en nombre insuffisant et les services de soins de suite et les unités de soins de longue durée sont mal dotés en personnel soignant.
Ce constat conduit la mission à formuler des propositions dans plusieurs domaines : recherche, veille sanitaire, réorganisation des services d'urgence... En particulier, elle plaide pour la mise en place de « plans d'action chaleur » associant l'ensemble des ministères concernés. Et recommande la création d'un réseau ville-hôpital gériatrique sur un territoire délimité, articulant aide et soins à domicile sous la responsabilité d'un élu (maire ou conseiller général), dont les têtes de pont pourraient être des CLIC de niveau 3 (3) associant des structures sanitaires (services de soins infirmiers à domicile...). Elle préconise aussi de créer des services gériatriques dans les hôpitaux de court séjour, de renforcer le plan de médicalisation des établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes, de recenser les personnes âgées seules ou vulnérables et de revaloriser le travail des personnels.
(1) Voir ASH n° 2321 du 22-08-03.
(2) Mission d'expertise et d'évaluation de notre système de santé pendant la canicule, disponible sur le site
(3) Sur la labellisation des CLIC, voir ASH n° 2251 du 22-02-02.