« [...] Il y a longtemps que je n'avais pas ressenti un tel sentiment de colère comme en cette journée de mi-août, où il m'a été donné de voir Monsieur Raffarin se pencher sur une petite vieille dame, et lui demander combien elle avait bu de verres d'eau. Ecœuré, vraiment écœuré…
« Bien sûr, je suis convaincu que, quelle que soit la couleur politique du gouvernement, les effets de cette canicule n'auraient pas été mieux appréhendés, et que, malheureusement, il aurait fallu compter des milliers de morts quand même. Mais oser venir faire le guignol dans une maison de retraite, en prenant bien garde de présenter son bon profil aux caméras de télévision, suffisamment tôt pour ne pas rater le 20 heures, là il faut être gonflé.
« Depuis un an, ce gouvernement s'est ingénié à supprimer tous les crédits promis au secteur de la gériatrie, crédits qui devaient servir à améliorer le sort des personnes âgées, dépendantes ou non.
« L'APA ? Encore 400 millions d'euros à trouver pour financer la mesure... Pas de problème, les personnes âgées n'auront qu'à les payer, elles sont bien assez riches. Les conventions tripartites ?186 millions d'euros supprimés pour 2003 et nous tâcherons de faire mieux en 2004... Pourtant, dans les établissements les moins bien médicalisés, ces crédits auraient pu permettre dès le mois de juin ou de juillet de recruter des aides-soignants, vous savez, ces personnels dont le travail est de prendre soin des personnes, entre autres en déployant tous leurs efforts pour lutter contre la déshydratation et la dénutrition des personnes âgées. Ou encore des infirmières qui auraient pu mettre sous perfusion les personnes les plus affaiblies.
« Les réseaux de coordination en gérontologie (les CLIC) ? Désengagement de l'Etat, qui pourtant devait financer à 50 % ces organismes indispensables à une bonne politique locale en direction des personnes âgées. Et les emplois-jeunes qui ont tant apporté aux résidents de nos maisons de retraite ?Supprimés. Pourtant, ils auraient pu en apporter, eux, des verres d'eau.
« Il est vrai que les personnes âgées dépendantes sont de très mauvais électeurs, puisque la plupart ne votent plus, voire ne peuvent plus comprendre ce qui est inscrit sur les bulletins de vote. Aussi, tant qu'à ponctionner de l'argent, autant le faire sur des personnes bien incapables de se défendre ou même de se regrouper pour faire reconnaître leurs droits.
« Il est sûr que supprimer des crédits promis aux handicapés de moins de 60 ans aurait été plus sportif. Car se confronter aux diverses et puissantes associations de parents et d'amis risquait de poser problème. Plus facile pour les personnes âgées dépendantes, leurs parents sont décédés, ou très âgés, et leurs amis ne sont pas tout jeunes non plus.
« Alors, coupable Monsieur Raffarin ? Non, il a trouvé la parade : ce n'est pas de sa faute... Les coupables, ce sont tous les autres, la France d'en bas, de mauvais enfants qui ne se sont pas occupés de leurs vieux parents. Comme punition, ils devront travailler un jour ou deux de plus, et les rentrées fiscales ainsi générées seront intégralement utilisées pour les personnes âgées dépendantes... C'est bizarre, mais j'ai l'impression de m'être déjà fait avoir par le passé... Mais oui, la fameuse vignette sur les automobiles, dont les rentrées fiscales devaient abonder les caisses de retraite des vieux travailleurs. Et qui a fini par financer tout autre chose.
« Oui, mais là, c'est différent, puisque l'Etat, le gouvernement s'engage et promet et jure… Promis, juré, comme pour les crédits destinés aux conventions tripartites, aux CLIC, à l'APA... Vous pouvez avoir confiance… D'ailleurs, si je mens, que je meure tout de suite, mais pas de déshydratation, ça ferait tache. »
(1) Voir ce numéro et.
(2) Voir ASH n° 2322 du 29-08-03.
(3) Nobert Navarro : 54, place du Coudert - 63176 Beauregard-L'Evêque - E-mail :