Recevoir la newsletter

La CNAF veut dépasser l'alarmisme sur les maternités précoces

Article réservé aux abonnés

Alors que les grossesses des adolescentes sont en diminution constante depuis une trentaine d'années dans les pays industrialisés, elles sont de plus en plus perçues comme un problème social. Mais ce n'est pas tant l'ampleur du phénomène qui inquiète les pouvoirs publics que leurs conséquences négatives, notamment en termes d'exclusion sociale, souligne une étude de la CNAF (1). Deux chercheuses, Corinne Nativel et Anne Daguerre, ont tenté de dresser un état des lieux des maternités précoces en France dans une perspective comparée avec les pays de l'Union européenne et les Etats-Unis et de combler le déficit d'information en la matière.

Rassemblant les données et études existantes, ce travail vise donc à appréhender le phénomène au-delà des raccourcis médiatiques. Ses auteurs rappellent tout d'abord la diminution en France des grossesses d'adolescentes (13 192 en 1997 contre 20 710 en 1980) sauf chez les moins de 16 ans où elles sont en augmentation relative (14 % des naissances précoces en 1996 contre 10 % en 1991). Sachant que l'ampleur est bien moindre dans l'Hexagone que dans les pays anglo-saxons et ceux d'Europe centrale et orientale (2).

S'il n'y a pas un « profil type » des mères adolescentes, on constate que les jeunes femmes issues de familles défavorisées y sont plus exposées. Et que d'autres facteurs comme l'éducation, la stabilité du noyau familial, les traumatismes résultant de violences sexuelles chez les très jeunes mineures, l'absence du père, les représentations de la sexualité dans les différents pays... peuvent également jouer. S'il n'existe pas de cause unique, les recherches sont en tout cas unanimes à mettre en avant les conséquences négatives de ces maternités pour les mères et leurs enfants. Elles évoquent ainsi l'interruption de la scolarité et les risques d'emploi sous-payé, de pauvreté, d'isolement social, de problèmes de santé mentale... A cela s'ajoute l'éventuel abandon de l'enfant : en France, plus d'une mère sur deux le confie, dans sa quatrième année à l'aide sociale à l'enfance, mais sans consentir à ce qu'il soit adopté, car elle conserve l'espoir de le reprendre. « En somme la grande majorité des études scientifiques s'accorde à souligner les conséquences fâcheuses de la maternité précoce », relèvent les chercheuses, tandis que peu de travaux abordent les effets positifs qu'elle pourrait produire. Une vision alarmiste qui ignorerait la dimension anthropologique et le fait que la grossesse d'une adolescente peut être parfois porteuse de sens pour le groupe social...

Symptôme du malaise adolescent ?

Au vu des débats entourant la maternité précoce, faut-il s'inquiéter du phénomène ou le percevoir comme « l'un des symptômes du profond malaise qui caractérise la période adolescente dans nos sociétés contemporaines ? » , s'interrogent les chercheuses. Volonté de transgresser, conduite à risque ? « De faire primer la vie » en l'absence de perspectives d'avenir ?Les sociologues seraient, quoi qu'il en soit, unanimes : « qu'il s'agisse d'un signe de contestation ou d'inconscience, le désir et la survenance d'un enfant chez une adolescente correspondrait à un désir de reconnaissance dans un contexte de crise économique et sociale ». La période de l'adolescence devient plus floue et se prolonge, la fonction d'accompagnement doit alors s'adapter à cette mutation, suggèrent les auteurs.

Au final, que retenir de l'étude en termes d'action publique ? Tout d'abord, il faut améliorer la connaissance des maternités précoces, estiment ses auteurs. Les enquêtes sur les jeunes mineures restent fondées sur des approches statistiques et quantitatives et prennent peu en compte le milieu de vie et les réseaux relationnels des jeunes mères. Aucune ne s'appuie sur des entretiens avec les publics concernés, les proches et les professionnels de l'aide sanitaire et sociale. Aussi l'étude propose-t-elle de lancer une recherche de ce type dans le cadre d'un projet pilote avec une perspective comparée entre la France et des pays voisins. Mais également de poursuivre les réflexions sur la sexualité, la fécondité, les mécanismes de reproduction...

Quant aux politiques publiques, il s'agirait de sortir des mesures d'encadrement juridique, de redistribution fiscale, d'interventions socio-médicales et des campagnes d'information peu ciblées. Les auteurs préconisent au contraire d'inventer des « pratiques novatrices orientées vers la responsabilisation des adolescents et la formulation de liens sociaux sans pour autant les contraindre à des normes rigides de comportements ». Avec une mention positive pour les expériences qui encouragent la communication et le soutien intensif aux jeunes.

I. S.

Notes

(1)   « Les maternités précoces dans les pays développés : problèmes, dispositifs, enjeux politiques » - Etude CNAF à paraître.

(2)  A contrario, les Pays-Bas comptent l'un des taux de grossesses précoces parmi les plus bas du monde.

LE SOCIAL EN ACTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur