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Trois pistes de réforme de la garantie de ressources des travailleurs handicapés

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Considérée comme « une avancée en matière d'insertion des personnes handicapées » lors de sa mise en œuvre en 1978, la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) a,  depuis, fait l'objet de critiques « sévères et réitérées », dont l'essentiel « demeure valable »  : des objectifs partiellement atteints, une gestion et un pilotage défaillants. C'est un constat relativement sévère que dressent les inspections générales des affaires sociales et des finances dans un rapport récemment diffusé (1), constat qui «  impose de rejeter l'hypothèse du statu quo ». Les auteurs envisagent donc trois évolutions possibles : la première se limite à une amélioration du dispositif existant, tandis que les deux autres plaident pour sa refonte.

Pour mémoire, la GRTH permet, en milieu ordinaire de travail comme en milieu protégé, de rémunérer les travailleurs handicapés « à un niveau supérieur à celui correspondant à leur efficience au travail »  : à leur rémunération directe versée par l'employeur s'ajoute un complément de rémunération indexé sur le SMIC et remboursé par l'Etat à l'employeur.

Une efficacité seulement partielle

Selon le rapport, l'objectif de garantie de ressources n'est atteint que grâce au cumul du dispositif avec l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Alors que les plafonds définis pour le montant cumulé de la rémunération directe et du complément versé par l'Etat permettent de porter les revenus tirés du travail jusqu'à respectivement 110 % et 130 % du SMIC en centre d'aide par le travail (CAT) et en atelier protégé (AP), la majeure partie des travailleurs handicapés se situe dans des fourchettes de ressources garanties comprises entre 55 % et 65 % en CAT, et entre 90 % et 100 % en AP. Et l'obtention d'un niveau de ressources avoisinant ou dépassant le SMIC résulte avant tout des possibilités de cumul de la GRTH avec un certain nombre de prestations sociales, au premier rang desquelles l'AAH.

La garantie de ressources n'a pas non plus fait la preuve de son efficacité quant à l'insertion en milieu ordinaire  : moins de 11 000 salariés y bénéficient de cette mesure, contre 120 000 travailleurs handicapés en milieu protégé (dont 80 % environ en CAT). Et « les employeurs qui y recourent la considèrent d'abord comme une aide au maintien dans l'emploi de travailleurs devenus handicapés ultérieurement à leur entrée dans l'entreprise ». Parmi les raisons évoquées : une mauvaise connaissance du dispositif par les employeurs, « auprès desquels ni le service public de l'emploi, ni l'Agefiph, ni les organismes spécialisés d'insertion et de placement du réseau Cap emploi, ne conduisent d'actions d'information et de sensibilisation », et une procédure administrative longue et complexe dont l'issue n'est pas certaine alors qu'en milieu protégé l'obtention de la GRTH est de droit.

Echec également pour l'objectif d'incitation à la progression professionnelle de la GRTH, qui reposait sur « la hiérarchisation des revenus au sein et entre milieux de travail »  : l'incitation financière est en effet fortement réduite du fait du cumul de la GRTH avec l'AAH qui apporte une garantie de revenus importante, notamment aux travailleurs handicapés dont la rémunération directe est la plus faible. Le rapport déplore ainsi la « quasi-absence de mobilité » entre les centres d'aide par le travail et les ateliers protégés d'une part, entre le milieu protégé et le milieu ordinaire, d'autre part.

Autres reproches : le remboursement par l'Etat du complément de rémunération aux employeurs du milieu protégé souffre d'une «  gestion chaotique [qui] pèse réellement et de manière inéquitable sur la trésorerie des établissements selon leur département d'implantation ». Enfin, les inspecteurs dressent «  un constat de carence des actions de pilotage et de contrôle de la GRTH  » due, notamment, à l'absence d'outil de suivi, au «  cloisonnement des acteurs » en charge de sa mise en œuvre et au « manque d'animation et de soutien par les administrations centrales ».

Trois grands scénarios d'évolution envisageables

La mission d'inspection identifie trois évolutions possibles pour la GRTH. Mais, « dans un contexte non stabilisé » - réforme en cours de la loi de 1975 (2) et perspective de décentralisation pouvant concerner les CAT (3)  -, elle n'a pas souhaité trancher en faveur de l'une d'elles, « leur pertinence respective dépendant en grande partie des orientations qui seront finalement retenues ».

La première solution consiste simplement à corriger le mécanisme du complément de rémunération. Il s'agit, en milieu protégé, de simplifier et d'unifier son système de remboursement, en optant pour un paiement à terme échu. Et de développer sa forfaitisation. A l'heure actuelle, ce complément devient en effet dégressif au-delà d'un certain montant de rémunération directe (4) par l'application du système dit « de bonifications » accordées en fonction du travail fourni. «  Au total, le coût de cette forfaitisation se situerait entre 0,81 et 7,25 millions d'euros  », étant précisé que l'augmentation des ressources des travailleurs handicapés en découlant devrait entraîner, mécaniquement, une économie pour l'Etat sur l'AAH. Par ailleurs, pour améliorer la gestion de la GRTH en milieu protégé, le rapport préconise, en particulier, un double mouvement de transfert : le pilotage de la mesure serait transféré à la direction générale de l'action sociale pour les CAT - établissements médico-sociaux dont elle assure déjà la tutelle - et maintenu à la délégation générale à l'emploi pour les ateliers protégés, tandis que le paiement de la GRTH serait transféré au Cnasea pour l'ensemble du milieu protégé. Enfin, les inspecteurs proposent de dynamiser la GRTH en milieu ordinaire en simplifiant l'instruction des demandes par l'utilisation d'un barème d'abattement de salaire fondé sur la catégorie de handicap (A, B, C). Mais aussi en incitant l'Agefiph et les plans départementaux d'insertion des travailleurs handicapés à assurer sa promotion.

Les deux autres scénarios retenus procèdent, quant à eux, à une refonte de la GRTH. Le premier consiste à transformer le complément de rémunération en allocation compensatrice du travailleur handicapé versée directement à l'intéressé par les caisses d'allocations familiales. Fixée à 60 ou 65 % du SMIC, cette nouvelle prestation n'aurait nécessairement vocation qu'à s'appliquer aux seuls CAT, avec pour conséquence un éloignement accru du droit commun des personnes handicapées y travaillant. Autres inconvénients : un sentiment de dévalorisation du travail et le risque d'une hausse de l'absentéisme, le versement de l'allocation étant déconnecté de la présence.

Dernière hypothèse : la transformation du complément de rémunération en aide au poste, applicable aussi bien en milieu ordinaire que protégé. L'employeur recevrait une aide forfaitaire par travailleur handicapé en équivalent temps plein et verserait une rémunération globale du travail à la personne handicapée. Pour éviter une sélection à l'entrée des travailleurs handicapés les plus productifs, cette aide ne serait pas identique pour tous mais modulée selon la catégorie du handicap. En outre, un plancher de rémunération globale devrait être prévu, ainsi que, pour préserver l'incitation à la mobilité entre milieux, un plafond de rémunération en CAT et en AP.

S.V.

Notes

(1)  Rapport d'évaluation du dispositif de la garantie de ressources des travailleurs handicapés - Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr, rubrique « Bibliothèque des rapports publics ».

(2)  Voir ASH n° 2317 du 27-06-03.

(3)  Voir ASH n° 2301 du 7-03-03.

(4)  45 % du SMIC en atelier protégé et 20 % du SMIC en CAT.

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