Il ne pourra pas éclairer valablement Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Outre la question non tranchée des financements, qui se pose depuis 20 ans, il correspond à un choix politique : le retour des mineurs dans leur pays d'origine. Il est pourtant impossible pour 75 % d'entre eux - jeunes Africains qui fuient la guerre ou la pauvreté, ou bien Chinois qui subissent la pression des réseaux mafieux. On ne peut pas aborder le problème à travers le prisme déformant des Roumains, qui ne représentent que 15 % des cas. Pour éviter à tout prix l'entrée sur le territoire, on parle d'allonger les délais de maintien en zone d'attente, sans tenir compte des recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme sur le sujet. Par ailleurs, je suis très choqué par le procès d'intention qui est fait aux associations travaillant sur le droit des étrangers, qui seraient exclues de la fonction d'administrateur ad hoc. Comme si elles n'avaient pour but que de transformer les migrants en demandeurs d'asile ! Le rapport propose de confier cette mission à un fonctionnaire détaché. Or je vois mal comment il pourrait être à la fois défenseur de l'enfant et représentant de l'Etat. On nagerait en plein conflit d'intérêts !
Il faut en effet accueillir le jeune migrant, dès son arrivée : il est inconcevable qu'un enfant attende dix jours les résultats de l'expertise de son âge osseux- système non fiable qu'il faut absolument abandonner ! - avant de savoir s'il pourra être pris en charge. Alors que le rapport parle d'une durée très longue pour évaluer sa situation et l'orienter, je pense qu'un ou deux mois suffisent. Je suis en outre opposé à la création de centres spécialisés protégés, sortes de centres fermés. Il suffirait d'imaginer des mécanismes plus souples, moins dispendieux pour les finances publiques, reposant sur les petites structures existantes, à vocation éducative. Le rapport propose que le suivi des jeunes soit exclusivement assuré par des associations intervenant dans le domaine de l'enfance. Il faut au contraire articuler les compétences en droit de l'enfance, en droit d'asile et en droit des étrangers.
Beaucoup d'acteurs de la protection de l'enfance préfèrent recourir à l'article 21-12 du code civil sur l'accès à la nationalité française des mineurs recueillis en France, plutôt qu'à la procédure plus complexe de demande d'asile. Avec le risque de fabriquer des Français malgré eux. Je suis opposé à ce recours systématique, mais je ne suis pas pour supprimer cet article. Il ne faut pas être monomaniaque sur ce sujet, sous peine d'aboutir à des erreurs et à des situations conflictuelles. Notre but unique est de protéger le jeune et de lui permettre de se reconstruire.
Le fait de ne pas en parler est révélateur. Il faut pourtant savoir que le Centre d'accueil et d'orientation des mineurs isolés demandeurs d'asile que nous gérons est, avec 33 places, sous-dimensionné (4). On peut entendre qu'il y a un problème de budget pour financer les centres d'accueil pour demandeurs d'asile. Mais certaines pistes méritent d'être explorées, comme la possibilité d'adosser à ces centres de toutes petites structures pour mineurs, ou bien d'y faire entrer en priorité les jeunes majeurs, tout aussi vulnérables que les mineurs.
Le seul intérêt serait de permettre à ceux de plus de 16 ans d'accéder à la formation professionnelle ou à l'apprentissage. Il serait plus judicieux de réformer le code du travail, en donnant accès à ces dispositifs à tous les détenteurs d'un titre de séjour, même si celui-ci est d'une durée inférieure à trois mois. Propos recueillis par Maryannick Le Bris
(1) Voir ASH n° 2317 du 27-06-03.
(2) Dans une lettre à Dominique Versini datée du 19 juin, Christian Favier, président (PC) du conseil général du Val-de-Marne, juge plusieurs préconisations du rapport gravement attentatoires « au respect des libertés individuelles et à l'intérêt de ces mineurs en danger ».
(3) France terre d'asile : 25, rue Ganneron - 75018 Paris - Tél. 01 53 04 39 99.
(4) Voir ASH n° 2172 du 23-06-00.