Déjà limité par la loi sur la sécurité intérieure (1), le secret professionnel des travailleurs sociaux sera-t-il mis à mal par le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, adopté par l'Assemblée nationale le 23 mai et en instance d'examen au Sénat ? C'est en tout cas ce que craint l'Association nationale des assistants de service social (ANAS), qui diffuse sur son site Internet (2) une lettre type que les professionnels peuvent envoyer aux sénateurs de leur département pour les prier d'amender le texte. Plus précisément le deuxième paragraphe de l'article 28, qui prévoit que « le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier de police judiciaire, peut requérir de toute personne, de tout établissement [...] qui sont susceptibles de détenir des documents ou des informations intéressant l'enquête, y compris celles figurant dans des fichiers nominatifs, de lui remettre ces documents ou de lui communiquer ces informations, sans que puisse lui être opposée l'obligation au secret professionnel ».
Dans ce paragraphe, c'est la mention d' « information » qui interpelle l'association. Car, explique-t-elle, les documents dits sociaux, qui relèvent de la responsabilité des institutions employeurs, sont déjà communicables dans le cadre de commissions rogatoires. En revanche, l'obligation de transmettre toute information, orale ou écrite, recueillie au cours d'une intervention professionnelle, « brise toute possibilité de relation de confiance durable et ne permet plus de faire lien avec les personnes les plus exclues, dès lors qu'elles sont susceptibles d'être en infraction ou dans l'illégalité ». Conséquence : « Le travailleur médico- social soumis au secret sera ainsi inscrit dans une forme d'injonction contradictoire qui l'empêchera de mener à bien sa mission. »
L'ANAS demande que seule demeure la possibilité de transmettre des dossiers, et que toute référence à la simple information soit supprimée. Ce qui a déjà été fait par les députés dans le premier paragraphe de l'article 28 et dans l'article 49 portant sur l'instruction de l'enquête. Que la totalité du texte n'ait pas été corrigée est-il dû à un oubli technique ou à une astuce législative ? « Même s'il est difficile de trancher aujourd'hui, la première solution semble la plus probable, répond Patrick Thiriet, chargé du dossier à l'ANAS. Mais nous comptons prendre contact avec le président de la Commission des lois pour nous en assurer. »
(1) Voir ASH n° 2280 du 11-10-02.
(2)