Quelles missions et quel statut pour la future Agence nationale des handicaps qui devrait être mise en place dans le cadre de la réforme de la loi d'orientation sur le handicap ?C'est à ces questions que tente de répondre Denis Piveteau, maître des requêtes au Conseil d'Etat, dans son rapport remis au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) le 8 juillet.
« L'idée d'une agence se conçoit d'abord comme celle de pilote d'un réseau de proximité », selon le rapport, qui procède à une redéfinition des missions des structures locales. Ainsi, il précise notamment que l'évaluation des dossiers des personnes handicapées doit être personnalisée, c'est-à-dire pensée par référence à un projet et non plus uniquement en fonction du taux d'incapacité.
Une fois ces missions redéfinies, le rapport envisage les différents « schémas-types » organisationnels. Selon le scénario qui a ses faveurs, « les missions de service à la personne- accueil, information, évaluation, proposition de projet personnel - seraient assurées par des “maisons départementales” dotées de la personnalité morale, coordonnées et suivies dans leurs résultats par une agence nationale ». Ces maisons n'auraient cependant « certainement pas vocation à prendre les décisions » ouvrant des droits .L'agence serait une instance d'appui dans le sens où elle leur fournirait des outils techniques d'évaluation des handicaps et des besoins de compensation. Elle garantirait la formation et l'entretien des compétences des équipes locales. En outre, elle serait une instance de validation qui pourrait « labelliser » des équipes techniques locales et intervenir dans la désignation du responsable de la « maison départementale ». L'agence devrait également être garante de la qualité du service rendu, ce qui devrait se traduire par des contrats d'objectifs pluriannuels signés avec chaque maison. Elle aurait aussi la possibilité d'attaquer les décisions administratives individuelles prises à l'égard des personnes au titre de leur handicap. Enfin, elle assurerait le fonctionnement du réseau.
Denis Piveteau, signalons-le, écarte d'autres scénarios tels que la fusion des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES), des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep) et des sites pour la vie autonome (SIVA) en une structure unique qui serait organisée par fonctions, au lieu de l'être par catégories d'âge. Il rejette également l'idée de confier à une collectivité unique des compétences d'instruction et de décision, mais aussi celle de rassembler les Cotorep, les CDES et les SIVA sous l'égide d'un établissement public national, dont ils deviendraient les services déconcentrés.
Par ailleurs, approfondissant la réflexion du professeur Lecomte sur la prise en charge des aides techniques aux handicapés (1), Denis Piveteau envisage d'attribuer à l'Agence nationale des handicaps un rôle d'information se traduisant par l'élaboration d'un catalogue de l'ensemble des aides techniques disponibles. Elle aurait également une fonction d'évaluation de cette banque de données et pourrait porter des appréciations comparatives sur le service rendu et même se voir confier un rôle de certification pour les aides techniques dépourvues du caractère de « dispositif médical ». Etant entendu que cette certification ne serait pas une condition de mise sur le marché mais pourrait constituer « une condition de la prise en charge au titre des prestations extra-légales ».
En outre, une action pourrait être menée en direction des circuits de distribution passant par la création de « labels », la conclusion d'accords tarifaires avec les distributeurs ou encore l'acquisition et la mise à disposition d'équipements par l'agence elle-même. Son « intervention éventuelle[...] en matière d'aides humaines est, en revanche, moins aisée à formuler », relève le rapport. Elle pourrait cependant assurer la promotion, au sein des formations des différentes professions, des modules spécifiques sur la prise en charge des handicaps.
Au-delà, le rapport juge, à terme, « naturel » d'étendre les compétences de l'agence à l'évaluation des établissements et des services qui s'adressent aux personnes handicapées et à la gestion d'un fonds pour couvrir certaines dépenses. Lequel ne viserait pas à créer un véritable « risque dépendance » mais serait plutôt, comme le préconisait le rapport Lecomte, un fonds mutualisé de prise en charge du coût des aides techniques.
Enfin, Denis Piveteau recommande pour cette nouvelle instance la constitution d'un établissement public administratif de l'Etat qui passerait avec ce dernier une « convention d'objectifs et de moyens » pluriannuelle. Autre caractéristique : l'Etat disposerait de la majorité des voix au sein du conseil d'administration de l'agence, laquelle serait placée sous la tutelle d'un nombre restreint de ministres. Quant aux usagers, le rapport propose d'innover en créant, à côté du conseil d'administration, un « conseil d'orientation » composé essentiellement de leurs représentants.
(1) Voir ASH n° 2307 du 18-04-03.