Ersin, adolescent turc de 17 ans, vient d'écrire une lettre à sa mairie pour obtenir un logement : si lui et son père arrivaient à quitter leur chambre en foyer, ils auraient plus de chances de satisfaire aux très stricts critères du regroupement familial.
Besheng, un jeune Chinois du même âge, a eu très peur de rater un voyage scolaire en Grèce cette année. Sans passeport, il ne pouvait accompagner ses camarades. Heureusement, le professeur a eu l'idée de demander un visa collectif pour la classe.
Pour témoigner de leur quotidien - faire face à l'exclusion sociale, jouer les interprètes pour leurs parents, solliciter avec eux les services sociaux -, une vingtaine d'enfants de sans-papiers, comme eux fils ou filles des membres du « 3ecollectif des sans-papiers de Paris » (1), ont choisi d'adresser une déclaration aux ministères de l'Education nationale, des Affaires sociales et de la Ville. « Nous voulons rester en France et faire notre vie en France », écrivent-ils. « Mais nous nous inquiétons pour nos parents et nous ne voulons pas avoir peur. » Bien intégrés à l'école, ils cachent la plupart du temps leur situation à leurs camarades. A la maison, la réalité est pourtant rude : « Certains d'entre nous ont vu leurs parents au tribunal entre deux policiers parce qu'ils n'avaient pas de papiers et cela a été très dur à supporter. » Ce qu'ils demandent ? « Que nos parents et nous, nous puissions vivre comme tout le monde, et que nous ayons les mêmes droits et les mêmes possibilités que les autres. »
Des témoignages qui, pour Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l'Homme, illustrent les conséquences d'une attente non satisfaite : « En juillet 2002, nous avons entamé un dialogue avec Nicolas Sarkozy sur la régularisation des sans-papiers, rappelle-t-il. Il en est ressorti que les critères de vie privée, dont la scolarisation des enfants, devaient être déterminants dans les décisions. Or la circulaire du ministère de l'Intérieur (2) ne répond pas à ce souhait, et les préfectures continuent d'appliquer l'arbitraire. » Selon les termes du texte en effet, les régularisations liées à ce type de « situations individuelles » relèvent du « pouvoir de libre appréciation du préfet ».
Sur 1 263 demandes de régularisation déposées à la préfecture de Paris en octobre 2002, concernant 860 familles, seules 229 ont abouti, souligne le « 3e collectif des sans-papiers ».
(1) « 3e collectif des sans-papiers » : c/o ACCORT - 39, boulevard Magenta - 75010 Paris - Tél. 06 80 32 40 53.
(2) Voir ASH n° 2291 du 27-12-02 et n° 2311 du 16-05-03.