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Les pistes du HCI pour mettre un terme aux inégalités dont sont victimes les femmes issues de l'immigration…

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Près de neuf mois après son installation, le Haut Conseil à l'intégration (HCI), présidé par la philosophe Blandine Kriegel, a rendu, le 2 juillet, ses deux premiers avis à Jean-Pierre Raffarin. L'un sur la promotion sociale des jeunes des quartiers en difficulté (voir ci-après ). L'autre, très engagé, sur les droits civils des femmes issues de l'immigration.

Ces dernières sont-elles, en France, sur un pied d'égalité avec les autres femmes, du point de vue de leurs droits civils ? Pas vraiment, au vu du tableau dressé par le HCI. La répudiation, l'excision, les mariages forcés ou encore la polygamie sont autant de pratiques qui font que ces femmes, « confrontées à des conflits de droits et de cultures », se retrouvent « trop souvent » dans une situation inégalitaire. Difficile pourtant d'avoir une idée précise de l'étendue des difficultés qu'elles rencontrent et du nombre de personnes concernées. Le Haut Conseil attire d'ailleurs l'attention du gouvernement sur la nécessité de renforcer la connaissance statistique de ces problèmes.

Dénoncer les conventions bilatérales reconnaissant la répudiation

Au-delà, il lui apparaît essentiel de réaffirmer la garantie, en France, des droits civils des femmes issues de l'immigration et d'insister sur leur dimension individuelle. Aussi recommande-t-il que les conventions qui méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité entre les hommes et les femmes et les engagements internationaux de la France soient dénoncées. Principalement visées :les conventions bilatérales signées en matière de reconnaissance et d'exécution des jugements avec le Maroc et l'Egypte, qui conduisent à reconnaître en France la répudiation (1) et sont ainsi « en conflit avec la Convention européenne des droits de l'Homme ».

Plus généralement, partant de l'idée que le droit civil français serait plus souvent favorable à ces femmes que le droit du pays dont elles sont originaires, et pour éviter qu'elles ne soient soumises à un statut personnel inégalitaire en France, l'instance consultative juge souhaitable que le législateur, à l'instar de nombreux pays européens, privilégie l'application de la loi du domicile - et non celle de la nationalité - pour les étrangères qui construisent la plus grande partie de leur vie dans l'Hexagone.

Le Haut Conseil invite encore les pouvoirs publics à favoriser l'autonomie des femmes issues de l'immigration. Et demande ainsi au ministère de l'Intérieur d'examiner les conditions de maintien d'une carte de séjour aux femmes arrivant dans le cadre du regroupement familial en cas de rupture du mariage. Notamment si celle-ci est motivée par des violences conjugales. Le ministère pourrait ainsi tenir compte de l'ancienneté du séjour et des liens familiaux. Une circulaire récente incite du reste d'ores et déjà les préfets à une appréciation au cas par cas de ce genre de situation (2), mais le Haut Conseil souhaiterait que ces dispositions soient reprises dans un instrument juridique d'une valeur supérieure, décret ou loi.

Autre préconisation des membres du conseil : le renforcement des moyens d'action contre les violences dont sont victimes ces femmes. Dans le collimateur de l'instance, en particulier : les  mutilations sexuelles, qui concerneraient 35 000 jeunes filles en France, d'après Blandine Kriegel. Ils appellent ainsi de leurs vœux la promulgation de dispositions législatives pénales inspirées de celles qui ont permis de poursuivre le tourisme sexuel : lorsque ces violences seraient commises à l'étranger par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française serait applicable par dérogation (3). Ils trouvent par ailleurs nécessaire d'intégrer, dans l'accès au droit d'asile, la jurisprudence de la commission des recours des réfugiés sur le sort des femmes victimes de ces mutilations (4). Le Haut Conseil à l'intégration plaide également pour une meilleure sensibilisation des acteurs susceptibles d'identifier et de signaler des cas de mutilations sexuelles. Et,  enfin, voudrait voir le Conseil du culte musulman s'exprimer « sur cette question sensible où parfois la religion est invoquée à tort ».

Prévenir et faire annuler les mariages forcés

S'agissant des mariages forcés, « qui concernent une très nombreuse population » (70 000 jeunes filles, selon les chiffres convergents des associations), le Haut Conseil estime que le code civil pourrait être modifié afin que le ministère public soit habilité à demander en justice l'annulation d'un mariage lorsque le consentement d'un époux a été obtenu par fraude, violence ou contrainte. « Même si l'annulation n'est pas reconnue dans le pays d'origine, elle [permettrait] à la jeune fille ou au jeune homme concernés de retrouver tous ses droits en France. » Certains membres de l'instance consultative sont, par ailleurs, d'avis d'agir sur le plan pénal au cas où les intéressés seraient mineurs, et proposent que l'époux soit poursuivi pour viol et les parents pour complicité. Plus globalement, le Haut Conseil recommande la création d'un groupe d'étude et de réflexion pour enquêter sur ce phénomène. Et encourage la création de foyers d'accueil pour les jeunes filles en situation d'urgence, quel que soit le motif : mutilation sexuelle, donc, mais aussi menace de mariage forcé, etc.

Dernier enjeu important aux yeux de l'instance : l'information des femmes sur leurs droits. Et notamment des primo-arrivantes. Elle souligne, à cet égard, la nécessité de prévoir que la femme signe individuellement et sur place, après un entretien personnel avec un interprète, le contrat d'intégration que lui propose la France (5). L'apprentissage de la langue française étant un élément essentiel de l'intégration de cette population, le Haut Conseil attire aussi l'attention du gouvernement sur la nécessité de mettre en place des dispositifs de garde des enfants en bas âge « afin que ces femmes puissent suivre effectivement ces cours ». Le HCI insiste, enfin, sur la nécessité de développer la formation et la sensibilisation des professionnels sur la question des droits des femmes issues de l'immigration. Et suggère par exemple que la formation, initiale et continue, des travailleurs sociaux, des enseignants et des agents d'accueil des préfectures, inclue un module sur les droits civils de ces femmes et sur les difficultés qu'elles rencontrent (juridiques, culturelles, familiales...).

O. S.

Notes

(1)  Dès lors qu'elles en sont ressortissantes ou ont la double nationalité, les femmes peuvent ainsi être victimes d'une répudiation prononcée dans ces deux pays.

(2)  Voir ASH n° 2291 du 27-12-02.

(3)  Le code pénal restreint actuellement la poursuite des délits commis à l'étranger par un Français aux seuls faits punis par la législation du pays où ils ont été commis. Une dérogation existe en cas d'agression sexuelle commise contre un mineur.

(4)  Jurisprudence selon laquelle les femmes refusant pour elles-mêmes ou leurs enfants la pratique de l'excision peuvent, sous certaines conditions, se voir octroyer le statut de réfugié - Voir ASH n° 2241 du 14-12-01.

(5)  Voir ASH n° 2307 18-04-03.

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