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Retour sur un malentendu (suite)

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Nous terminons la publication de certaines des lettres que nous ont adressées nos lecteurs à la suite de la parution, le 30 mai dernier, de l'article intitulé « Le service social scolaire sur la défensive ? »   (1).
Marguerite Dauger

Assistante sociale, conseillère technique du recteur de l'académie de Strasbourg

« [...] Le procès qui est fait aux assistants sociaux est de lier exclusivement la situation scolaire, le problème de l'absentéisme et de la déscolarisation, à la seule situation familiale et de méconnaître ainsi le rôle de l'école dans l'échec, l'absentéisme et la déscolarisation.

Or la contribution des assistants sociaux à ce dossier, géré par ailleurs par la vie scolaire sur le plan du contrôle et de la discipline, consiste précisément à apporter des éléments de compréhension sur le contexte de vie (donc essentiellement familial) de l'élève. Ces éléments, forcément lacunaires et extérieurs à l'école, visent surtout à éclairer l'administration scolaire en vue de l'orientation de la réponse qu'il lui revient d'apporter : saisine judiciaire au pénal, suspension de la bourse ou des allocations familiales, etc.

Par contre, il y a obligation en termes de mission pour les assistants sociaux de mettre en place, s'il y a lieu, les mesures de protection d'un jeune en danger : saisine judiciaire dans le cadre de carences éducatives manifestes, des conduites à risques ou accompagnement d'un jeune en souffrance...

On ne peut donc imputer, en toute impartialité, aux travailleurs sociaux une “interprétation  a priori implicite” des causes de l'échec scolaire, de l'absentéisme et de la déscolarisation qui accorde une large place aux données de cadrage sur la famille, alors que précisément l'institution en est commanditaire.

[...] Il nous semble que le regard porté sur la profession relève d'une simplification abusive : c'est le luxe du sociologue ! Il serait naïf de penser que l'administration scolaire attend des travailleurs sociaux qu'ils glosent sur les causes sociales et intra-institutionnelles de l'échec scolaire...

[...] Il nous faut préciser que la finalité d'un comité d'éducation à la santé et la citoyenneté (CESC) est de mettre en place des actions de prévention collectives de façon concertée avec les partenaires locaux. L'examen de situations individuelles n'est pas l'objet d'un CESC qui travaille donc sur des problématiques, voire des thématiques, de prévention et non des personnes. Quant aux assistants sociaux “défenseurs” archaïques de l'espace privé à l'heure où l'on prône à tous crins la défense de l'espace public, il faut rappeler que le secret professionnel invoqué n'est pas un gadget au service d'une corporation frileuse, mais repose sur le fondement éthique de la profession, lequel relève précisément d'une éthique de responsabilité et non d'une allégeance aveugle à un dogme (2).

Les craintes relatives à la préservation de l'identité professionnelle et du statut paraissent ainsi fondées, puisque les assistants sociaux continuent à en porter seuls la responsabilité. Il est fait, semble-t-il, aux assistants sociaux de l'Education nationale un procès d'efficacité ou de rentabilité face à des commanditaires publics de plus en plus soucieux d'ordre social. [...] »

Contact : Rectorat de l'académie - 6, rue Toussaint - 67975 Strasbourg cedex 9 -Tél. 03 88 23 35 31.

Mmes David, Sallaberry, Zaiger

Assistantes sociales scolaires -Service social en faveur des élèves de Seine-Saint-Denis

« [...] Notre rôle spécifique, à l'Education nationale, est bien de tenter de comprendre l'origine des difficultés du jeune, que ce soit dans le cadre scolaire, extra-scolaire ou familial, et d'agir avec lui et sa famille, et en partenariat à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement scolaire.

Pour avoir un regard critique et une analyse du rôle de l'école dans l'échec scolaire, il nous paraît évident que l'assistant social scolaire doit avoir un temps de présence conséquent dans l'établissement, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas partout. C'est ce qui permet d'être reconnu comme membre à part entière de l'équipe éducative, inscrit dans une relation de confiance avec les acteurs de la communauté scolaire, et qui facilite un positionnement permettant de faire des propositions à l'institution. Combien de fois sommes-nous amenés à attirer l'attention du chef d'établissement, des professeurs, des conseillers principaux d'éducation... sur la nécessité de réfléchir à des solutions et de mettre en place des dispositifs institutionnels pour les élèves en difficulté, et, ensuite, à y participer de manière active : dispositif SAS, tutorat, soutien scolaire, classes- relais, groupes de paroles, etc.

Ce travail se fait en équipe dans le respect du rôle spécifique de chacun et annule l'effet “cloisonnement” [...]. Le partage d'informations utiles à la compréhension des difficultés individuelles de l'élève se fait dans le respect de sa vie privée et de celle de sa famille. Protéger la vie privée des personnes ne peut pas être assimilé à une “indépendance d'esprit” des assistants sociaux ni à une protection du statut professionnel : l'assistant social est dépositaire et non pas propriétaire du secret qui lui a été confié.

Le secret professionnel auquel nous sommes soumis et attachés permet la relation de confiance si nécessaire pour accompagner, maintenir le lien et éviter, notamment, le décrochage scolaire des élèves. Par ailleurs, les enseignants n'ont pas toujours envie de connaître les détails de la vie privée de leurs élèves et ils doivent pouvoir rester disponibles pour l'enseignement, ce qui est possible à partir du moment où ils savent que le problème est pris en charge par un professionnel spécialisé dans ce champ de compétence.

Dans ce contexte, comment peut-on affirmer la résistance au partenariat alors que nous le mettons en œuvre au quotidien, en tenant compte des cultures professionnelles de chacun des membres des équipes. Ce travail ne va pas de soi, il s'agit là d'une dynamique partenariale qui se construit et dans laquelle les assistants sociaux scolaires sont très présents.

[...] Dans la Seine-Saint-Denis, la création de postes d'assistants sociaux scolaires a permis de couvrir les établissements scolaires à plein temps ou à mi-temps. Ainsi les assistants sociaux sont davantage impliqués dans le travail d'équipe et de partenariat au sein des établissements scolaires,  ils mettent en œuvre des actions de prévention, s'impliquent dans les actions de soutien à la parentalité et sont présents dans le partenariat mis en place sur les quartiers.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, nous sommes opposées au transfert des assistants sociaux scolaires hors de l'Education nationale : notre travail au sein des équipes est largement reconnu et revendiqué comme le démontrent depuis des mois les personnels de l'Education nationale en grève. »

Contact : Service social des élèves de Seine- Saint-Denis - Lycée Condorcet - 31, rue Désiré- Chevalier - 93100 Montreuil.

Monique Bonnemayre

Assistante sociale scolaire en poste en ZEP à Perpignan

« [...] Quant [au] “fort cloisonnement” des relations des assistants sociaux et des enseignants [...], la réalité sur le terrain montre qu'en aucun cas il n'en est ainsi mais que, par contre, enseignants et services sociaux restent frustrés par le manque de moyens (temps...). Car ce n'est pas en ayant plusieurs établissements scolaires à charge que l'on règlera la question d'une meilleure communication entre intervenants.

[L'article] parle de résistance au partenariat et de protectionnisme corporatif, les assistantes sociales se protégeant derrière le secret professionnel et le droit des familles. Question : le secret professionnel et le droit des familles ont-ils été votés par le législateur pour la corporation des assistantes sociales ou pour le public qu'elles ont en charge ? Quelle piètre idée du législateur ! Quant à l'indépendance d'esprit liée au statut de fonctionnaire d'Etat, il est évident qu'être au service de l'Etat garant d'une politique nationale, d'un socle commun national, n'est pas la même chose qu'être au service d'élus dont les idéologies et les politiques diffèrent selon la localité. »

Contact : m.bonnemayre@wanadoo.fr.

Monique Perff

Au nom d'un groupe d'assistants sociaux scolaires d'Indre-et-Loire

« [...] L'analyse de la réalité familiale, sociale et psychologique de l'adolescent sert à éclairer la problématique de l'élève. Cette évaluation impose la participation d'une équipe pluri-disciplinaire. L'assistante sociale formule des propositions d'accompagnement adapté à la situation. La prise en charge socio-éducative n'est qu'un volet du dispositif d'aide et de soutien.

Les commissions de suivi, qui existent dans une majorité d'établissements du second degré, permettent de formaliser le lien indispensable avec les enseignants dans le cadre d'un partenariat intra-institutionnel.

Le “protectionnisme corporatif” qui est dénoncé ferait presque oublier que le service social, rappelant les principes déontologiques de la profession, a la responsabilité de protéger les individus et donc la parole de l'élève, tout en organisant les liaisons avec les autres partenaires extérieurs à l'établissement scolaire : le secret professionnel n'est pas un alibi, mais la question est posée “du dévoilement de listes d'élèves au sein d'une commission de travail de type partenarial” lorsqu'il s'agit d'organiser des actions en matière de prévention des conduites à risques [...]. Le comité d'éducation à la santé et la citoyenneté réunit, en effet, les personnels de l'établissement scolaire, mais aussi des représentants de la justice, de la police et des élus.

[...] Ce texte semble cibler, pour ne pas dire mettre en accusation, “les assistants de service social scolaire de l'Education nationale”...

Comme [s'] il était nécessaire d'apporter quelques arguments (à charge bien évidemment) pour justifier le vœu de décentralisation prôné par le gouvernement...

Comme si, au sein même de l'Education nationale, il était plus facile de viser un corps spécifique, en le dissociant des autres personnels - sachant que 2 700 assistants de service social ne peuvent suffire à résoudre le problème de la déscolarisation... Toutefois, il apparaît paradoxal de désigner précisément les personnels chargés de lutter contre le décrochage scolaire, comme étant ceux qui l'aggravent...

Comme si, sous prétexte d'une analyse sociologique, le constat s'appuyant sur un collège d'Amiens, ou trois collèges de Roubaix, ou mieux encore, un comité d'éducation à la santé et la citoyenneté, [...] laissait à penser qu'il pourrait être porteur de certains enseignements et formuler des conclusions définitives.

[...] Certes, il ne s'agit pas d'affirmer qu'au sein de l'Education nationale, il n'y a pas nécessité de redéfinir les procédures d'intervention pour une plus grande “efficacité”, c'est-à-dire proposer à ces jeunes en difficulté dans leur parcours scolaire les moyens de mener à bien leur projet.

Dès lors que les causes de l'absentéisme sont analysées, approfondies (médicales, familiales, scolaires, sociales...), il appartient au chef d'établissement, au conseiller principal d'éducation, aux enseignants, au médecin scolaire, à l'infirmière, au conseiller d'orientation psychologue et à l'assistante sociale scolaire de mettre en œuvre un accompagnement, un soutien éducatif, une aide à la parentalité, une autre orientation, ou peut-être un soutien scolaire sur le quartier...

Il n'y a pas toujours “une forme de consensus” dans l'approche pluridisciplinaire... mais pas non plus “un fort cloisonnement entre assistants de service social et enseignants”. Il y a des pratiques, compte tenu des logiques en effet différentes, de mise en œuvre d'un travail d'équipe qui doit prendre en compte les spécificités de chacun “pour une plus grande complémentarité” des interventions au bénéfice des élèves-adolescents, car leur scolarité ne s'arrête pas à l'âge de 16 ans . »

Contact : 1 bis, rue Simier - 37000 Tours.

Brigitte Trochet

Conseillère technique -Responsable départementale au service d'action sociale en faveur des élèves de Saône-et-Loire

« [...] Au prétexte de la délicate question du décrochage scolaire et de l'absentéisme et d'un amalgame de circonstances avec le projet de décentralisation, je ne souhaite pas que des expériences manquées, des témoignages sortis d'un contexte précis, des conflits institutionnels viennent jeter le discrédit sur le service social en faveur des élèves et généraliser des pratiques (dixit) de cloisonnement, de protectionnisme corporatif, de résistance au partenariat, d'antagonisme de principe, de concurrence... d'un autre âge.

En Saône-et-Loire, je vous l'assure, et dans bien d'autres endroits de France d'ailleurs, l'intérêt de l'enfant ou de l'élève prime sur des frustrations d'adultes ou des querelles de pouvoir. »

Contact : Inspection académique - Service d'action sociale en faveur des élèves -Cité administrative - Boulevard Henri-Dunant -BP 72512 - 71025 Mâcon cedex 9.

Notes

(1)  Nous avons publié la première partie de ces courriers dans les ASH n° 2316 du 20-06-03.

(2)  Code de la famille et de l'aide sociale, art. 218 à 229 (J.O. du 20-01-91) sur les conditions d'exercice de la profession ; code pénal, art. 226-13 sur le respect du secret professionnel et art. 226-14 sur les dérogations légales (J.O. du 23-07-92).

TRIBUNE LIBRE

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