Pour la sixième fois depuis la promulgation de la loi d'orientation de 1975, la Cour des comptes se penche sur le traitement réservé au handicap par la collectivité nationale (1). Ce nouveau rapport ne recèle pas de révélation « fracassante ». Tout juste confirme-t-il les défauts d'information et de pilotage du secteur et le peu de progrès réalisés sur des points essentiels, comme l'orientation et la scolarisation des enfants ou l'emploi des adultes.
L'enquête a porté sur les services centraux et déconcentrés de l'Etat et neuf départements. Elle s'est accompagnée d'un contrôle de quelques organismes concernés par le handicap (2) et d'une vérification des dépenses consenties pour la tutelle et la curatelle. Elle traite plus particulièrement de « la situation de handicap aux différents âges de la vie », mais n'aborde pas des questions importantes comme le logement, l'accessibilité ou le remboursement des soins et des appareillages.
Classique : l'état des lieux s'ouvre sur le rappel des difficultés à définir les périmètres du handicap et des insuffisances, bien connues, des dénombrements statistiques et de la recherche. La cour recommande de renouveler l'enquête « Handicaps, incapacité, dépendance » menée par l'INSEE sur les années 1998-2001 (3), d'améliorer sérieusement la collecte des données auprès des commissions départementales de l'éducation spéciale et des Cotorep et de développer des études sur l'emploi en milieu ordinaire. Elle demande aussi aux administrations de mieux identifier les dépenses publiques consenties pour le handicap. En soulignant les limites actuelles de l'exercice, la cour les chiffre à un minimum de 26,2 milliards d'euros : 10,1 milliards engagés par l'Etat (en dépenses directes et en exonérations fiscales), 3,4 par les collectivités territoriales, 12,3 par les organismes de sécurité sociale et 0,4 par l'Agefiph.
A propos des âges de la vie, le rapport pointe le peu d'attention prêté jusqu'à présent aux problèmes spécifiques de l'enfance handicapée, la prise en compte tardive du secteur de l'éducation et la question du vieillissement qui « commence seulement à susciter l'intérêt ». Ce dernier point est jugé révélateur des délais de réaction des pouvoirs publics : « Il n'est pas rare, précise la cour, qu'il faille attendre une vingtaine d'années pour commencer à développer une politique nouvelle dont les composantes et les objectifs ont cependant été de longue date exactement analysés et définis, souvent sur l'initiative du monde associatif. »
Evoquant, dans le style feutré qui est le sien, « la pluralité des administrations concernées » par le handicap et la répartition « particulièrement complexe » des compétences, le rapport demande qu'une priorité soit accordée à l'établissement des schémas départementaux du handicap prévus par la loi du 2 janvier 2002, « ce qui implique la mise en place rapide des comités départementaux consultatifs des personnes handicapées ». Il suggère aussi l'établissement d'une carte qui pourrait constituer la base d'une programmation opposable aux autorités comme aux gestionnaires des structures. La cour souligne également les lacunes qui subsistent dans le dispositif juridique du fait de la parution tardive de trop de décrets et espère que la mise en œuvre de la loi du 2 janvier 2002 sera l'occasion de combler les vides...
Le dispositif de protection des majeurs appelle une actualisation rapide, confirme la cour (4), qui préconise une amélioration de la formation des agents publics et une clarification du rôle des personnes morales et physiques, notamment des associations.
Plus globalement, et tout en soulignant le « rôle capital » et « pionnier » joué par les associations gestionnaires de services ou d'établissements, la cour juge que leur contrôle est très insuffisant. Elle souhaite sur ce point le développement de la formation des fonctionnaires des services déconcentrés de l'Etat et l'émergence de véritables équipes régionales et interdépartementales d'inspection.
Au total, ses recommandations s'organisent autour de deux impératifs : définir une démarche partenariale entre l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes sociaux pour améliorer, aux plans national et départemental, l'analyse des besoins, la définition des politiques et l'évaluation de la qualité des services rendus ; éviter les défauts et les ruptures de prise en charge, en éliminant les « étanchéités institutionnelles de tous ordres », notamment entre secteur protégé et milieu ordinaire, et entre champ médical et champ social. Dans tous ces domaines, estime la cour, « une écoute plus attentive des instances représentatives des personnes handicapées » permettrait aux pouvoirs publics de faire mieux.
Avec cette livraison, nos lecteurs reçoivent, dans le cadre de leur abonnement, un numéro spécial consacré à l'accès aux dossiers personnels (5) . Les usagers peuvent-ils prendre connaissance des documents administratifs les concernant ? Comment obtenir communication de son dossier médical, de son dossier d'assistance éducative ? Comment accéder à ses origines personnelles lorsque l'on est pupille de l'Etat ou personne adoptée ? Peut-on rectifier les informations nominatives figurant dans les fichiers informatisés ? A qui s'adresser et quels sont les moyens de recours en cas de refus de l'administration ? Tels sont les principaux thèmes abordés dans ce supplément. A noter également un point spécial sur la simplification des démarches administratives.
(1) « La vie avec un handicap » - Juin 2003 - Journaux officiels : 26, rue Desaix - 75727 Paris cedex 15 - Commande par télécopie au 01 45 79 17 84 ou sur
(2) L'Unapei se voit, par exemple, reprocher un défaut de traitement comptable de son utilisation des ressources apportées par la générosité publique, auquel elle s'engage à remédier.
(3) Voir notamment ASH n° 2280 du 11-10-02.
(4) Réforme qui devrait voir enfin le jour en 2004, voir ce numéro.
(5) Il est possible de se procurer des numéros supplémentaires au prix de 12,20 € l'unité (+ 5 € de frais d'envoi) auprès du service VPC : 187/189, quai de Valmy - 75494 Paris cedex 10 - Tél. 01 41 29 98 73.