Trois mois après le lancement du dispositif, les professionnels de la justice des mineurs continuent de s'affronter sur le concept des centres éducatifs fermés (CEF), créé par le projet de loi Perben (1).
Désormais au cœur du débat : les fugues successives de mineurs placés dans ces structures. Le 12 juin dernier, deux adolescents se sont enfuis du CEF de Sainte-Eulalie, en Gironde, portant à quatre le nombre de fugues dans ce centre. Lorsque les deux garçons seront retrouvés, il appartiendra aux juges de décider ou non de leur incarcération, la loi prévoyant que « la violation des obligations auxquelles le mineur est astreint [...] peut entraîner, selon les cas, le placement en détention provisoire ou l'emprisonnement du mineur ».
Cette relative latitude juridique pourrait à l'avenir être restreinte. Affirmant, le 13 juin, que ces incidents ne « remettaient pas en cause le principe des CEF », dispositifs expérimentaux « encore en rodage », Jean-Pierre Carbuccia-Berland, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), a annoncé un prochain amendement à la loi qui viendra préciser le caractère systématique de l'incarcération dans de tels cas.
Mokrane Aït-Ali, directeur général de l'association Orientation et rééducation des enfants et adolescents de la Gironde (OREAG) (2), qui gère le CEF de Sainte- Eulalie, rappelle quant à lui que « tous les professionnels du secteur savent que la fugue fait partie, pendant le travail éducatif, d'un élément d'expression du jeune et qu'elle ne peut constituer un indicateur de la réussite ou de l'échec du dispositif ». Il souligne d'ailleurs que la fugue survient, en général, au moment même de l'arrivée au centre. D'où le projet du CEF de mettre en place une méthode d'accueil et de traitement de crise. « Chacun des centres va réfléchir à une prise en charge individuelle, qui se distinguera de l'accueil dans l'environnement et dans le groupe, déjà prévu dans le cahier des charges défini avec la PJJ, par un bilan de la personnalité du jeune et de ses besoins, détaille Michel Franza, directeur adjoint de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (3), qui pilote les centres gérés par le secteur associatif habilité. L'objectif étant de faire remonter et de mettre en commun toutes les expériences. »
Autre sujet sensible : le profil des mineurs placés dans les CEF, le cahier des charges stipulant bien que ceux nécessitant une prise en charge psychiatrique n'ont pas vocation à intégrer ces structures. « Si les CEF peuvent éviter la prison à des délinquants structurés, ils ne peuvent accueillir les cas pathologiques », estime Mokrane Aït-Ali, en s'interrogeant sur le bien-fondé du placement du fugueur récidiviste au CEF de Sainte-Eulalie.
Si le directeur général de l'OREAG juge que les CEF gagneraient à être davantage sécurisés, il « refuse qu'ils soient assimilés à des milieux carcéraux ». « Il est vrai que le débat, s'il ne peut porter sur la fermeture ou non des CEF, peut s'ouvrir sur la façon d'équilibrer la contention et la prise en charge éducative », reconnaît Michel Franza. Alors que plusieurs syndicats, dont le Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée (SNPES) -PJJ- FSU et le Syndicat de la magistrature, continuent de réclamer la suppression de ces structures qu'ils jugent coercitives, et par conséquent contraires aux principes de l'action éducative.
60 CEF devraient être ouverts à l'horizon 2007. Trois structures associatives fonctionnent déjà dans la Drôme, l'Allier et en Gironde, et deux premiers centres gérés par le secteur public devraient voir le jour en septembre, l'un à Mont-de- Marsan, dans les Landes, l'autre à Beauvais, dans l'Oise.
M. LB.
(1) Voir ASH n° 2312 du 23-05-03.
(2) OREAG : 85, rue de Ségur - 33000 Bordeaux - Tél. 05 56 96 63 40.
(3) Unasea : 118, rue du Château-des-Rentiers - 75013 Paris - Tél. 01 45 83 50 60.