Voté le 5 juin en première lecture à l'Assemblée nationale, le projet de loi réformant le droit d'asile (1) continue de susciter les craintes des organisations (2). Même si l'association lyonnaise Forum Réfugiés y décèle néanmoins des « progrès réels », notamment avec la disparition de l'asile territorial qui était géré par le ministère de l'Intérieur.
La section française d'Amnesty International (3) pointe surtout les dangers du texte, même s'ils ont été atténués par les amendements retenus par les députés. Elle dénonce notamment « une accélération excessive » de certains délais, le refus réitéré de généraliser l'entretien avec le demandeur au cours de l'instruction de son dossier, le poids accru des ministères dans le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), où la représentation des associations n'est prévue que par le truchement d'une personnalité qualifiée (au moins), le lien institué entre cet organisme et le ministère de l'Intérieur pour les demandeurs déboutés, etc.
En tout état de cause, l'association demande des moyens supplémentaires pour l'OFPRA, qui emploie aujourd'hui 400 agents. Son homologue suisse en compte près de 500 pour deux fois moins de dossiers, son équivalent allemand traite deux fois plus de demandes mais avec 2 200 salariés, argumente Amnesty. Pour elle, le nombre de 500 à 600 dossiers par agent et par an ne doit pas être augmenté, sauf à diminuer les garanties de leur traitement.
Pour sa part, le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) (4) s'inquiète particulièrement de la création de la notion d' « asile interne », qui permettrait de refuser l'accueil d'un demandeur si, dans son pays, se trouve une zone où il pourrait être à l'abri. Cette mesure n'est « que la partie (française) émergée d'un iceberg européen », estime l'association qui dénonce le projet qui pourrait être soumis au prochain conseil de Thessalonique (5). Sous la pression britannique, en effet, l'idée d'une « externalisation » de l'asile a été étudiée. Il s'agirait de créer, d'une part des « zones de protection régionale » proches des lieux de départ (mais loin de l'Union), d'autre part des « centres de transit » où seraient retenus les demandeurs. L'Europe placerait ainsi « des persécutés en quarantaine comme s'il s'agissait de pestiférés », estime le GISTI qui dénonce cette « sanctuarisation de l'Union européenne » qui aurait « pour effet de neutraliser l'application de la convention de Genève » de 1951 sur les réfugiés.
(1) Voir ASH n° 2307 du 18-04-03.
(2) Sur les premières réactions de la Coordination française pour le droit d'asile, voir ASH n°2294 du 17-01-03 et n° 2299 du 21-02-03. Sur celles de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, voir ASH n° 2312 du 23-05-03.
(3) Amnesty International : 76, boulevard de la Villette - 75019 Paris - Tél. 01 53 38 65 65. Sur ses précédentes réactions, voir aussi ASH n° 2307 du 18-04-03.
(4) GISTI : 3, villa Marcès - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 84 84.
(5) Voir ASH n° 2314 du 6-06-03.