Les signaux de détresse émis par les organisations du secteur de l'insertion auront-ils été entendus (1) ? Après avoir été reçus par la conseillère sociale de l'Elysée, le 5 juin, les représentants de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) (2) devaient l'être par son homologue de Matignon le 11, en fin d'après- midi. La veille, répondant à une question posée à l'Assemblée nationale à propos de l'insertion par l'activité économique, Hubert Falco avait déclaré que le gouvernement était « conscient des difficultés que provoquent les gels de crédits et entend y remédier à bref délai ». François Fillon et Jean-François Mattei eux-mêmes se sont plaints, dans une note conjointe adressée le 14 mai au Premier ministre- révélée par le Canard enchaîné du 11 juin et confirmée par leurs cabinets -, de la « paralysie » du fonctionnement de leurs ministères et de la « crise de confiance » des partenaires, « notamment associatifs », qu'entraînent les annulations de crédits. « C'est simple, si le blocage est prolongé de quelques semaines, on va tuer la moitié du secteur », avait résumé Jean-Paul Péneau, directeur général de la FNARS, en présentant les motifs de la journée nationale d'action organisée par la fédération le 5 juin. Etablissements « portes ouvertes » ici et là, demandes d'audience aux préfets, défilés de corbillards à Caen, avec glacières (pour le gel des crédits) à Toulouse, avec bras en écharpe (pour la fracture sociale) à Marseille, pique-niques à Orléans et à Lyon, rassemblements devant les préfectures à Bordeaux, Dijon, Lille, Rouen et Paris...10 000 personnes ont manifesté ce jour- là, selon la fédération. Avec le soutien de la Fondation Abbé-Pierre, de la CFDT, de la Fédération Coorace et de beaucoup d'organisations au plan local. « Ce que nous disons n'est pas nouveau, s'excuse presque Jean-Marie Rabo, le président de la fédération, en rappelant le précédent de la journée d'action du 11 octobre 2002 (3). Mais nos appels n'ont pas été entendus et la situation est de plus en plus urgente. Il est inacceptable que l'Etat- qui commande et prescrit - ne paie pas ! » Le gel ou les annulations de crédits touchent tous les domaines de la lutte contre l'exclusion : ceux du logement social , de la lutte contre la prostitution, de l'insertion par l'activité économique, souligne la FNARS. Seules, ajoute-t-elle, les restrictions affectant les crédits de l'urgence sociale ont été annulées, grâce à l'insistance de Dominique Versini.
« Tout cela vient dans un contexte qui nous inquiète vivement », ajoute la vice-présidente, Andrée Delon, en citant la remontée du chômage, les politiques plus sécuritaires qu'éducatives et citoyennes, le projet de loi sur le revenu minimum d'activité et le sentiment général donné par les pouvoirs publics « que les populations aidées sont décidément embarrassantes et pèsent trop lourd dans l'économie du pays. Elles pèseront de plus en plus lourd si l'on ne s'attaque pas aux causes de l'exclusion », insiste-t- elle. « Nous n'accepterons jamais que la société avance et laisse de plus en plus de gens sur le côté », ajoute Jean-Marie Rabo, qui estime à 600 000 le nombre de personnes aidées chaque année par les organisations membres de la FNARS et sans doute à un million les personnes en grande difficulté (sur un total de cinq millions en situation de pauvreté ou de précarité).
Concrètement, la FNARS milite donc pour que les mesures budgétaires intervenues en cours d'exercice soient annulées mais aussi pour que le budget 2004 marque un rattrapage des revalorisations inférieures à l'inflation intervenues depuis des années. Elle demande aussi un engagement politique fort de la France à l'occasion de la préparation du volet national du plan européen pour l'inclusion sociale (voir ce numéro). Enfin, elle souhaite la reconnaissance de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion comme « grande cause nationale » en 2004 et l'inscription du principe de non-abandon des personnes en détresse dans les lois de la République. Autant de mesures symboliques qui permettraient d'accélérer la prise de conscience de la société civile... et devraient entraîner quelques traductions concrètes, espère la fédération.
(1) Voir ASH n° 2313 du 30-05-03.
(2) FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.
(3) Voir ASH n° 2281 du 18-10-02.