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« L'éducation relève d'un projet de société »

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En ces temps de réforme du système éducatif français, il n'est pas inutile de s'arrêter sur la notion d' « éducation », rappelle, dans un courrier aux ASH, Bernard Montaclair (1), « compagnon de route de Célestin Freinet et Fernand Oury (2)  », ancien éducateur, docteur en psychologie, qui a lancé et dirigé l'Action éducative en milieu ouvert de Caen puis l'école d'éducateurs spécialisés de Caen-Hérouville.

« Les jeunes travailleurs sociaux et les enseignants peuvent n'avoir qu'une information très vague sur la profession d'éducateur spécialisé, la formation, son histoire [...]. Ne parlons pas des pouvoirs publics. Ceux-ci, comme la plupart des grands médias, confondent régulièrement éducation et enseignement. Il s'agit pourtant de deux termes qui ne sont pas synonymes.

« L'enseignement vise des contenus, des matières à transmettre, dans une démarche qui s'apparente au nourrissement. L'éducation sous-tend une démarche plus vaste, de conduite et d'accompagnement, d'“adultisation”. La pédagogie, qui en est la science, s'attache aux processus de transmission et d'acquisition. Elle s'appuie évidemment sur la psychologie, la sociologie, l'anthropologie, etc. Le caractère “co-opératif” de la relation maître- élève en est le moteur. Elle tient compte des interactions maître-élève, pour ne pas parler des mécanismes transférentiels, puisque aussi bien nous savons que les apprentissages sont mémorisés, ou refusés, avec leur marqueur émotionnel.

« L'apprentissage de la parole, donc de l'écoute de l'autre, dans un positionnement de découverte du monde et des autres, est le vecteur essentiel. Le premier objectif est de développer “la machine à penser”, préalable à tout apprentissage.

« Faut-il donc rappeler aux nouvelles générations, et aux pouvoirs publics qui semblent oublier cette dimension primordiale, que devant les échecs de “l'instruction publique” auprès de nombreux enfants dans le domaine des apprentissages cognitifs et de la civilité, malgré le changement d'appellation “Education nationale”, une profession “alternative” s'est mise en place dans l'après-guerre. L'éducation spécialisée s'est donné pour mission d'approcher “autrement” ces enfants “autres”, voire étranges. Les pionniers se sont aussi fixé pour tâche de chercher et de transmettre des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être. D'où la naissance d'une profession nouvelle.

« En 1971, le premier diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé, niveau Bac + 3, a vu le jour, avec une épreuve éliminatoire à l'écrit : la psycho-pédagogie. Ce diplôme est toujours délivré par l'Education nationale.

« Curieusement, celle-ci, au cours des dernières années, a inventé le terme d'aide-éducateur, sans préciser quels éducateurs devaient être “aidés”. Le terme d'aide-enseignant aurait été dans ce cas plus judicieux. A moins que le ministère de l'époque n'ait pensé que les instructeurs étaient devenus des éducateurs et avaient besoin d'être aidés pour l'ensemble de cette tâche.

« A l'heure où les pouvoirs publics prétendent mettre à plat les systèmes éducatifs français, il est important que les intervenants sociaux, éducateurs spécialisés, assistants sociaux, psychologues, etc., fassent savoir que l'éducation n'est pas une juxtaposition d'interventions parcellaires visant l'utilitaire au court terme, mais relève d'un projet de société. Le plan “Langevin-Wallon”, établi à la Libération sous le règne du général de Gaulle, pourrait bien être ressorti des archives. De même que la démarche de Jean Pinaud, qui supprima les barreaux de l'établissement pour enfants indisciplinés qu'il dirigeait à Montesson... avant de prendre la tête, quelques années plus tard, en 1943, dans les mêmes lieux, de la première école d'éducateurs spécialisés. L'enfermement et “la pédagogie renforcée” ne sauraient pallier l'absence d'accompagnement, d'écoute, de respect des personnes en difficulté, quels que soient les symptômes qu'ils utilisent pour appeler à l'aide. »

Notes

(1)  Bernard Montaclair : 322, boulevard des Belles-Portes - 14200 Hérouville-Saint-Clair - Tél. 02 31 94 49 54. Il est notamment l'auteur, avec Pierre Ricco, de Former des éducateurs. Une pédagogie citoyenne : l'école de la Haute- Folie - Ed. érès - Voir ASH n° 2160 du 31-03-00.

(2)  Autre grand innovateur pédagogique.

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