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Faire société

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Comment « faire société » quand se multiplient les phénomènes de prise de distance et de rejet entre les minorités pauvres issues de l'immigration récente et ceux qui, à leur contact, craignent de s'appauvrir ? Comment enrayer la logique de l'entre-soi dont témoigne l'émergence, au sein des villes, de lignes de fracture séparant les zones dites sensibles - cités d'habitat social les plus enclavées ou excentrées -, les lotissements pavillonnaires situés à leurs environs et les quartiers se trouvant à proximité stratégique des lieux de l'excellence (lycées de prestige, espaces culturels et sites d'une nature préservée)  ?Frappés par la similitude des processus de « désagrégation » sociale qui se rencontrent sous une forme plus ou moins accentuée de part et d'autre de l'Atlantique, Jacques Donzelot, Catherine Mével et Anne Wyvekens, spécialistes de la politique de la ville, sont allés voir aux Etats-Unis quelles sont les réponses apportées à la crise urbaine. Cette idée, bien sûr, « pourra paraître étrange à tous ceux qui font des Etats-Unis en général et de leurs villes en particulier un parfait repoussoir en matière d'organisation de la société et de conception de l'urbanité », conviennent les chercheurs. Eux-mêmes, d'ailleurs, n'étaient pas loin de penser, initialement, que la comparaison ne pourrait que démontrer, de façon avantageuse, la pertinence de la voie française.

Au retour, le ton est tout autre. Les auteurs ont découvert à la fois une véritable politique à l'œuvre, et des pratiques qui, pour être radicalement différentes de celles développées en France, n'en sont pas moins riches d'enseignements dont il serait possible, à certains égards, de tirer profit. En comparant les « community development corporations » (de Boston) aux procédures du développement social urbain (à Marseille), les auteurs font apparaître deux dispositifs qui accordent une égale importance au rôle de la participation des habitants à la revalorisation de leur environnement, mais la mettent en œuvre selon des modalités opposées. Aux Etats- Unis, cette participation passe par la construction, à la base, d'un réel pouvoir des communautés de résidents à se faire entendre pour peser, effectivement, sur les choix relatifs au développement de leur quartier. En France, la démarche, impulsée par le haut, pour une meilleure administration du territoire, recouvre essentiellement un droit d'information et d'expression relevant d'une pédagogie de la citoyenneté.

De la même manière, la comparaison entre le programme de « community policing » élaboré à Chicago et les contrats locaux de sécurité mis en place dans la Seine-Saint-Denis, illustre une volonté commune de rapprocher la police de la population. Cependant le « community policing » apparaît comme une façon de promouvoir la vigilance collective et d'organiser les liens des communautés de quartier avec la police qui doit leur rendre compte de son activité - et y intégrer leurs préoccupations. Alors qu'en France, ce n'est pas tant avec les habitants qu'une coproduction de la sécurité est recherchée qu'entre toutes les institutions appelées à y participer de manière concertée. Lire nos solutions à la lumière de celles qui sont appliquées aux Etats-Unis, commentent les chercheurs, « permet d'abolir le statut d'évidence dont elles bénéficient à nos yeux et qui réduit d'autant la lucidité du regard que nous portons sur elles ». Il n'est pas question pour autant d'ériger le modèle américain, fruit d'une autre tradition socio-politique, en « remède canonique ». Il s'agit d'essayer d'en dégager des pistes de réflexion, notamment sur l'intérêt de se soucier peut-être moins des lieux et plus des gens, et de favoriser leur mobilisation - et leur mobilité - en les incitant à se faire mutuellement confiance pour développer leurs capacités d'action.

Faire société. La politique de la ville aux Etats-Unis et en France -Jacques Donzelot, Catherine Mével et Anne Wyvekens -Ed. du Seuil -23  .

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