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RMI-RMA : les associations d'insertion tentent de limiter les dégâts

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 Ré gression. Mépris. A côté de la plaque (RMA). » Pour Fabien Tuleu, d'Emmaüs France, s'exprimant, le 26 mai, au nom des 40 associations nationales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion rassemblées dans le collectif Alerte, le projet de loi instituant le revenu minimum d'activité (RMA)   (1) est décidément une « belle occasion man- quée ». Elaboré « dans l'opacité et la précipitation, au mépris des acteurs du monde social » (2), il ajoute un « dispositif de plus » et un « statut supplémentaire dans le mille-feuille des contrats précaires ». Reposant sur « une vision à la fois condescendante et démagogique » des bénéficiaires du RMI, il peut en outre constituer, à terme, un « piège dangereux » pour les allocataires qui n'ont pas la capacité de tenir une activité professionnelle. « Soit ils refusent de signer le contrat qu'on leur propose et leur allocation est suspendue, soit ils le signent sous cette menace, ne tiennent pas leurs engagements et l'allocation est suspendue », résume Bruno Grouès, conseiller technique de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). C'est en tout cas un risque pour un dispositif trop uniquement axé sur l'insertion professionnelle et dont l'utilisation pourra être variable d'un département à l'autre.

Autant de raisons qui conduisent le collectif à renouveler son souhait de report d'une loi qui n'est pas « à la hauteur des enjeux » sociaux qu'elle évoque. Et qui met la charrue avant les bœufs : le travail demandé par le gouvernement au sénateur Bernard Seillier sur l'insertion des bénéficiaires de l'ensemble des minima sociaux doit être rendu fin juin. « Il aurait mieux valu réfléchir avant de créer un nouveau contrat “spécial conseils généraux” déconnecté des autres dispositifs de l'emploi », résume Marie-Thérèse Join-Lambert, présidente de la commission Lutte contre la pauvreté de l'Uniopss. « Mais comme le texte a commencé son chemin au Parlement, les associations vont tenter de l'infléchir au mieux. »

Alerte formule donc une série de propositions pour obtenir d'abord un assouplissement du RMA, avec un temps de travail hebdomadaire et une durée de contrat variables selon les possibilités du titulaire, et des garanties inscrites dans la loi quant à la formation, au tutorat dans l'entreprise et à l'accompagnement social par une personne extérieure à celle-ci.

Un contrôle... assorti de sanctions

Sur le volet décentralisation de l'ensemble du RMI - dont il se félicite qu'il garde son « architecture nationale », avec un montant et des règles d'attribution communes et une gestion par les caisses d'allocations familiales -, le collectif demande d'abord que chaque référent chargé de l'accompagnement n'ait qu'un petit nombre d'allocataires à suivre, que ceux-ci puissent demander à changer de référent et à bénéficier d'un accompagnateur en cas de besoin et qu'enfin une commission indépendante de recours non contentieux soit créée au plan départemental. Alerte réclame également qu'au lieu « du partenariat très flou » évoqué dans le projet de loi, le texte impose la représentation des associations dans les commissions locales et départementales d'insertion (CLI et CDI).

Le collectif insiste surtout pour qu'un « système sérieux et novateur » d'évaluation et de contrôle soit institué, « dans des conditions de transparence qui ne sont pas toujours de règle entre l'Etat et les conseils généraux ». Un calendrier devrait ainsi être fixé pour l'élaboration du plan départemental d'insertion, et son exécution faire l'objet d'un débat annuel en CDI, sur la base d'un rapport transmis par ailleurs à l'Etat et au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE). Le non-respect de ces obligations devrait, suggère le collectif, être sanctionné par une mise en demeure de l'Etat qui, en cas « d'inertie constatée », pourrait suspendre les versements de compensation de l'allocation.

Enfin, pour ne pas voir les disparités de traitement des allocataires s'aggraver, les associations insistent sur le maintien de l'obligation de consacrer 17 % du coût de l'allocation aux actions d'insertion, « assortie d'un cahier des charges précis qui oblige notamment à financer les référents », indique Gilbert Lagouanelle, du Secours catholique.

Ces propositions n'empêchent pas un scepticisme certain : « Dans le contexte économique actuel, existe-t-il 500 000 places sur le marché du travail pour les titulaires du RMI ? », demande Alain Simon, de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), qui s'étonne que l'on envisage de financer des entreprises pour ces embauches (alors qu'elles n'ont signé que très peu de contrats de qualification adulte), « au moment où l'on supprime des crédits destinés à l'insertion (voir aussi). Hors le RMA et le contrat d'insertion dans la vie sociale  (CIVIS), que restera-t-il pour les autres actions d'insertion, en matière de santé ou de logement, par exemple ? »

Le même jour, en introduisant le débat sur le projet de loi au Sénat, le ministre François Fillon s'est défendu de toute stigmatisation des populations concernées et a précisé que le RMA n'induisait pas de « sas obligatoire ». Il a également indiqué que, pour le financement du RMI - la grande inconnue du dossier -, la ressource transférée (une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers) serait fondée sur le constat des dépenses réalisées par l'Etat avant la décentralisation. Elle n'évoluera donc plus en fonction du nombre d'allocataires... mais de la consommation de carburants !

Le seuil minimum de dépenses d'insertion a sauté

A l'issue des débats de la Chambre haute, le texte adopté se trouve légèrement modifié (3). Certains amendements défendus par le rapporteur de la commission des affaires sociales, Bernard Seillier - dont les associations du collectif Alerte estiment qu'il les a « écoutées et entendues »  -, vont dans le sens de ce qu'elles souhaitaient. Ils prévoient notamment une représentation des associations dans les CDI et CLI, assouplissent la durée de travail hebdomadaire de 20 heures en en faisant un « minimum » et précisent les informations que les conseils généraux et les caisses d'allocations familiales devront fournir afin de faciliter un suivi national.

En revanche, le seuil minimal de dépenses d'insertion (17 %) a bel et bien été supprimé, à la demande de Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, au motif qu'au moment où on leur confie de nouvelles responsabilités, il « faut faire confiance aux collectivités ».

Autre aspect du dossier peu évoqué jusqu'ici : la décentralisation du RMI devrait s'accompagner du transfert d'une partie des personnels des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, à proportion du temps - qui reste à évaluer - consacré au dossier par les chargés de mission et les secrétaires des CLI. Une perspective que refusaient par avance tant les directeurs que les inspecteurs des administrations concernées, qui voudraient garder leurs trop maigres effectifs pour mieux accomplir les missions qui restent de la responsabilité de l'Etat (4).

M.-J.M.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2310 du 9-05-03 et n° 2312 du 23-05-03.

(2)  Sur les premières réactions associatives à ce sujet, voir ASH n° 2309 du 2-05-03 et n° 2310 du 9-05-03.

(3)  Son parcours en première lecture se poursuivra à l'Assemblée nationale à l'automne.

(4)  Voir ASH n° 2301 du 7-03-03.

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