Le projet de loi Perben « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité » a été adopté par l'Assem- blée nationale, en première lecture, le 23 mai. Il comporte notamment un dispositif incitant les juges d'application des peines à recourir à la semi-liberté ou au bracelet électronique pour les personnes condamnées à un an de prison au maximum et laissées libres à l'issue de leur jugement. Ces mesures, prises dans un contexte de surpopulation carcérale (près de 60 000 détenus pour 48 600 places), s'inspirent des préconisations formulées par Jean-Luc Warsmann - rapporteur de la loi - dans le document qu'il a remis fin avril au garde des Sceaux (1).
Pour le Syndicat national de l'en- semble des personnels de l'administration pénitentiaire (Snepap) -FSU (2), certains aspects du renforcement des alternatives à l'incarcération, souhaitable, sont cependant sujets à critique. Il s'interroge notamment sur l'obligation faite aux magistrats condamnant une personne à une peine de prison ferme inférieure ou égale à un an de lui fixer un rendez-vous avec le juge d'application des peines en vue d'un aménagement. Cette disposition, selon le syndicat, place le juge dans une position « schizophrène » et aura un « effet pervers évident » : « Les magistrats, soucieux de voir leur décision exécutée, soit augmenteront le quantum de la peine prononcée, soit décerneront un mandat de dépôt lors de l'audience. »
L'Union générale des syndicats pénitentiaires (UGSP) -CGT (3) avait, de son côté, le 19 mai, lors de la présentation du rapport Warsmann à l'administration pénitentiaire, émis de nombreuses critiques sur le document, qui restent valables après l'adoption du projet de loi à l'Assemblée nationale en première lecture. « On ne peut se contenter de vouloir aménager systématiquement les courtes peines d'emprisonnement. [...] S'il faut réformer le système de l'exécution des peines, il faut également s'interroger sur la pénalisation d'un nombre d'actes toujours plus nombreux, qui sont de surcroît réprimés par des peines d'emprisonnement de plus en plus sévères », insiste notamment l'organisation syndicale. Qui s'oppose en outre au développement du placement sous surveillance électronique, dont elle estime « qu'il est plus utilisé comme alternative à la liberté qu'à l'em- prisonnement ». La Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) (4), à l'inverse, a accueilli ce rapport favorablement, se réjouissant notamment, dans un communiqué du 22 mai, qu'il conduise « à faire de l'aménagement de peine un droit et non plus un privilège » qui serait « réservé aux personnes renvoyant à la vision d'un individu intégré (travaillant, logé...) ». Une évolution qu'elle estime « dans le droit-fil de la lutte contre les exclusions ».
Dans un autre domaine, le projet de loi Perben tel que modifié après son passage au Palais Bourbon prévoit que les peines inférieures à deux mois de prison ne disparaîtront plus du casier judiciaire des mineurs lorsqu'ils atteindront la majorité. L'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) (5) a exprimé sa « consternation » face à cette mesure - dont elle s'étonne qu'elle soit inscrite dans un projet de loi sur la grande criminalité... Si ce point venait à être confirmé, il « viendrait obérer la réinsertion des jeunes majeurs concernés ». Cette « réforme de pur affichage [...] porte cependant symboliquement atteinte à la mission éducative de la justice des mineurs et à sa spécificité », déplore l'association.
(1) Voir ASH n° 2309 du 2-05-03.
(2) Snepap-FSU : 25-27, rue de la Fontaine-au-Roi - 75011 Paris - Tél. 01 40 21 76 60.
(3) UGSP-CGT : 263, rue de Paris - Case 542 - 93514 Montreuil cedex - Tél. 01 48 18 82 42.
(4) FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.
(5) AFMJF : Tribunal pour enfants de Paris - Palais de Justice - 75055 Paris-Louvre RP-SP - Tél. 01 44 32 65 13.