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L'accompagnement social, maillon fort des schémas départementaux

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L'accompagnement social figure au menu des schémas départementaux d'accueil et d'habitat des gens du voyage... lorsqu'ils existent. L'intervention des travailleurs sociaux oscille entre un travail éducatif de base et une fonction de médiation, d'autant plus utile depuis la loi sur la sécurité intérieure.

Progressivement, chaque département va se doter d'un schéma d'accueil et d'habitat des gens du voyage qui devra préciser les actions sociales envers cette population. Avec la création de nouvelles aires d'accueil, la sédentarisation, souhaitée ou forcée, déjà sensible, va indubitablement se renforcer. Et les travailleurs sociaux doivent mener à bien leur mission d'accompagnement en tenant compte des aspirations parfois contradictoires des familles et des exigences, parfois contradictoires elles aussi, de la réglementation. Dans les Deux- Sèvres et le Puy-de-Dôme, les efforts de mise en cohérence et de lisibilité du travail social s'appuient bel et bien sur le schéma départemental.

« Notre nouveau schéma a été signé en juin 2002. Je crois vraiment qu'il est moteur et sert de cadre de référence, en particulier pour l'intervention sociale, même si, bien sûr, nous avions déjà commencé à mettre en place une mission d'accompagnement social », explique Marie-Thérèse Piat, responsable de l'unité Développement social à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) des Deux-Sèvres (1), collectivité chef de file sur ce dossier. Signe qui ne trompe pas, poursuit-elle, le rapport d'activité des travailleurs sociaux 2001 a été annexé au schéma à la demande du préfet. Ce qui montre de surcroît combien la mission spécifique d'accompagnement social des populations itinérantes a trouvé sa place depuis la création d'un premier schéma en 1994.

Coordonnée par une assistante sociale de la DDASS,  Jocelyne Bailière, elle est confiée à trois travailleurs sociaux qui couvrent le département. « Chacun de nous est rattaché à un centre communal d'action sociale. Un poste est financé par le conseil général, les deux autres par la DDASS », explique Frédérique Balle, accompagnatrice sociale à Parthenay mais également « itinérante » sur les aires de Saint-Maixent et de Thouars où elle s'occupe de 35 familles. Travailler avec les gens du voyage, c'est prendre du temps pour instaurer une relation de confiance qui ne va pas de soi. Aller de caravane en caravane, discuter de la famille, du budget, des enfants... « S'ils stationnent, il vaut mieux que ce soit sur une aire d'accueil correctement aménagée. Mais ils s'y sentent quand même parqués. Ils ont le sentiment de perdre leur mode de vie. »

La plupart de ces familles sont illettrées à 90 % et vivent du revenu minimum d'insertion (RMI). « On les aide dans les démarches administratives quotidiennes pour qu'elles accèdent à tous les services de droit commun. Mais il faut aussi expliquer que le RMI n'est pas seulement un droit, qu'il y a un contrat à la clé. » Et servir de relais avec les institutions qui comprennent mal, parfois, le mode de vie de ces populations. Ainsi, par exemple, il a fallu prendre le temps d'expliquer aux intervenants de la permanence d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) les comportements et la culture des jeunes qu'elle leur adressait. « Mais le plus important, c'est de faire percevoir aux parents l'importance de la scolarisation jusqu'au collège. Convaincre sans relâche », souligne Frédérique Balle qui préfère ainsi, comme son collègue de Niort, parier sur l'avenir. La lutte contre l'absentéisme scolaire au collège est un casse-tête. « Les parents refusent qu'ils y aillent et les jeunes savent, que de toute façon, ils partiront à 16 ans. » Pour aider les deux ou trois élèves qui fréquentaient le collège de Parthenay à s'y maintenir, Frédérique Balle a négocié avec l'inspection académique et les enseignants du collège pour qu'une association de lutte contre l'illettrisme vienne leur apporter un soutien trois après-midi par semaine. « On intervient souvent trop tard. Il faudrait pouvoir imaginer des solutions avec l'Education nationale mais le système est très lourd », regrette-t-elle.

« Difficile de mener ce type d'action si les familles sont expulsées tous les trois jours ! », remarque, pour sa part, Jérôme Faes, accompagnateur social, récemment en poste au centre communal d'action sociale de Niort, qui pointe les exigences contradictoires imposées aux voyageurs, notamment depuis la loi sur la sécurité intérieure. « On leur de- mande de stationner sur des emplacements qui font défaut ; ils sont donc obligés de fonctionner dans l'illégalité pour laquelle ils sont ensuite sanctionnés. » Pas facile pour le travailleur social qui estime, de son côté, devoir accompagner les familles dans leur choix de vie et non cautionner une intégration obligée. Et les faire accéder au droit commun tout en préservant leur spécificité. « Outre l'approche individuelle des familles qui est notre lot quotidien, nous avons un véritable rôle de médiateur à jouer », considère Jérôme Faes, rappelé d'ailleurs dans le schéma départemental. Une fonction utilement mise à profit par les élus, qui, « lorsqu'il y a un problème de stationnement sauvage, n'hésitent plus à faire appel à nous et à nous demander conseil », remarque Frédérique Balle qui se réjouit de voir le service reconnu. Mais revers de la médaille, les élus se déplacent rarement. « C'est nous et la police municipale qui serviront d'interface avec les gens du voyage. »  En appui à l'action de terrain, le schéma a prévu l'installation de plusieurs groupes de travail (scolarisation, santé, insertion, habitat adapté et sédentarisation, prévention/ sécurité) dont « la réflexion devrait alimenter la politique départementale. Les accompagnateurs sociaux y participent », précise Jocelyne Bailière.

Dans le Puy-de-Dôme (2), département qui connaît aussi bien le passage que la sédentarisation, 1 250 familles - environ 6 000 personnes - étaient suivies en 2000 par les services sociaux. Leur accompagnement est assuré essentiellement par les circonscriptions et un service de trois assistants sociaux spécialisés relevant également du conseil général. Très impliqué depuis la fin des années 90, ce dernier, vite rattrapé par l'Etat, a donné l'impulsion à la réalisation du premier schéma. Signé quelques mois avant la loi, il a été réactualisé en mars 2002 et fait figure de pilote. « Nous complétons à hauteur de 30 % l'investissement de l'Etat qui s'élève à 70 % pour la construction et la réhabilitation des équipements. Les communes n'au- ront donc rien à débourser. En fonctionnement, nous ne pouvons légalement aller au-delà de 25 % de l'aide forfaitaire versée par l'Etat. Mais nous compléterons par le biais du programme départemental d'insertion », souligne Alexandre Pourchon, vice-président du conseil général chargé des affaires sociales. Signe aussi que le volet social a pris du poids, le suivi du dossier est confié à la direction de l'action sociale, de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion, « ce qui va permettre de s'appuyer sur les dispositifs de droit commun en faveur des ces populations et de les croiser », insiste Anne-Marie Baladier, à la tête de cette direction.

LA LOI BESSON BIS TARDE À ÊTRE APPLIQUÉE

« Réaliser un maximum d'aires en un minimum de temps », tel est l'objectif de la loi Besson du 5 juillet 2000 sur l'accueil et l'habitat des gens du voyage destinée à remédier au déficit de notoriété publique : le manque de places de stationnement estimé à plus de 30 000 pour 5 000 places disponibles actuellement. Ce qui explique en grande partie la multiplication des stationnements sauvages et les tensions qui s'ensuivent. La même loi a notamment prévu que tous les départements se dotent dans les 18 mois d'un schéma départemental dans le cadre duquel les communes de plus de 5 000 habitants doivent construire ou rénover des aires d'accueil. Ledit schéma doit aussi prévoir les actions à caractère social à mener en direction de ces populations. Seuls 49 schémas départementaux d'accueil ont pour l'instant été approuvés, alors qu'ils auraient dû être tous bouclés l'an dernier. Décidé à presser le pas sur ce dossier, le gouvernement a rappelé aux préfets, dans une circulaire interministérielle du 11 mars (3) , qu'ils pouvaient signer seuls ces textes dans les départements à la traîne. Une signature d'autant plus importante, pour l'équipe ministérielle en place, qu'elle conditionne l'application de la nouvelle incrimination pénale prévue par la loi pour la sécurité intérieure (4) .

Bien avant la mise en œuvre du schéma, la commune de Mozac, à quelques kilomètres de Riom, a voulu aménager un terrain d'accueil pour les gens du voyage, raconte Marie-Robert Kounouvo, chef de projet insertion sur ce secteur, au titre du conseil général. En partenariat avec l'Etat et une association, les professionnels ont monté un chantier d'insertion. En leur faisant construire et décorer les sanitaires de l'aire d'accueil,  quelques familles ont été directement impliquées sur leur futur lieu de vie. « Pari gagné : pas de dégradation à déplorer !Aujourd'hui, la commune est intégrée au schéma dans le cadre d'une opération d'habitat adapté car le terrain ne remplit plus sa fonction de passage », souligne Marie-Robert Kounouvo. « La moitié au moins des familles souhaitaient des logements individuels, les autres, que le terrain soit réaménagé. »   « Ce qui nécessite un long travail de préparation en amont avec les familles sur le budget, l'hygiène, la santé,  la gestion des déchets, etc., sinon, les échecs sont nombreux, note-t-elle . Les cadres culturels sont extrêmement différents, la valeur du travail aussi. Cela suppose d'agir sur les comportements, ce qui demande beaucoup de temps... voire des générations ! »

Pour ce faire, le souci premier est donc aussi, dans ce département, de favoriser la scolarisation des enfants. Sur l'aire d'accueil d'Issoire, un mobile home aménagé sert « d'atelier » pour diverses actions , notamment l'aide à la scolarisation mise en place par les bénévoles du Secours populaire, avec le soutien de la caisse d'allocations familiales et de la ville qui met à disposition une animatrice. Conjuguée à des activités ludiques, une vingtaine d'enfants scolarisés en primaire en bénéficient quatre soirées par semaine. Une association locale de lutte contre l'illettrisme, le Comité de liaison interservices migrants Auvergne, apporte son concours à l'opération. Laquelle permet, estiment les professionnels, de créer un lien entre l'école et l'aire d'accueil. « L'absentéisme est moins important et la scolarisation est en légère augmentation. Quelques familles ont même renoncé à reprendre le voyage pour maintenir leurs enfants à l'école », se félicite Alain Brugalières, chef de projet insertion sur le secteur d'Issoire. Mais sans l'intervention des bénévoles, souligne-t-il, il serait impossible de développer ces initiatives. La confiance s'installe plus facilement ; les enjeux sont moins présents que dans les relations avec les professionnels.

Dans le cadre du nouveau schéma, « la mise en place des équipements va obliger l'ensemble des partenaires à concevoir une véritable politique d'accompagnement social des populations et des solutions transitoires de stationnement afin de prévenir les conflits », lit-on dans le document co- signé par l'Etat et le département. Lesquels ont d'ailleurs créé une structure départementale de gestion pour en assurer la mise en œuvre et la cohérence, sous la forme d'une association présidée par un élu. « Le volet social est majeur », confirme Alexandre Pourchon. Un chef de projet participera à l'élaboration de la politique sociale en direction des gens du voyage et devra assurer la coordination avec l'ensem- ble des partenaires locaux. La structure n'a pas pour mission de se substituer aux acteurs qui accompagnent le quotidien de ce public. Mais d'assurer une bonne articulation entre tous - école itinérante pour la pré-scolarisation, relation avec le réseau d'éducation prioritaire et avec les associations pour les actions d'animation à mettre en place - et entre les dispositifs tels que le programme départemental d'insertion, le contrat de ville etc. Et, bien entendu, avec les communes d'implantation des aires d'accueil. « C'est un dossier qui dépasse les clivages politiques », souligne Alexandre Pourchon.

Dominique Lallemand

Notes

(1)  DDASS des Deux-Sèvres : 30, rue Thiers - BP 9104 - 79061 Niort cedex 9 - Tél. 05 49 06 70 00.

(2)  Conseil général du Puy-de-Dôme : 24, rue Saint-Esprit - 63033 Clermont-Ferrand cedex - Tél. 04 73 42 20 02.

(3)  Voir ASH n° 2308 du 25-04-03.

(4)  Qui permet de sanctionner l'installation illicite sur un terrain communal dès lors que la commune a satisfait aux obligations lui incombant en application de la loi du 5 juillet 2000 - Voir ASH n° 2303 du 21-03-03.

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