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La CNCDH fustige la future loi sur l'immigration...

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C'est peu dire que la politique conduite par le gouvernement en matière d'immigration ne trouve pas vraiment grâce aux yeux de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH). Trois semaines après avoir rendu un verdict pour le moins négatif sur le projet de réforme du droit d'asile (voir ci-dessous), l'instance a adopté, le 15 mai, un avis (1) tout aussi critique à l'encontre du projet de loi « Sarkozy » sur l'entrée et le séjour des étrangers en France (2).

En préambule, la commission « proteste contre le fait qu'elle n'ait pas été saisie par le ministère de l'Intérieur » et qu'il lui ait fallu se procurer le texte « par ses propres moyens ». Cela, alors même que ce dernier « touche aux libertés publiques et fondamentales de manière essentielle ». Elle relève, par ailleurs, que « la législation sur les étrangers ne cesse d'être modifiée et qu'elle est de plus en plus complexe ». Un manque de lisibilité auquel s'ajoute, selon elle, une « suspicion trop fréquente à l'égard des étrangers, ainsi qu'un manque de moyens administratifs particulièrement criant ». Partant de là, elle regrette que le projet de loi ajoute aux règles préexistantes « sans fournir, en contrepartie, l'effort de simplification nécessaire ».

La commission procède, au-delà, à une véritable attaque en règle du projet de loi, article par article. Seul bon point concédé au gouvernement : les dispositions relatives à la double peine, qui constituent, aux yeux de l'instance, une « avancée intéressante » . Elle estime toutefois que « le progrès demeure timide » et que la réforme « laisse dans l'ombre plusieurs problèmes importants » . Notamment au regard de la liste « particulièrement longue » des infractions restant assorties de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, ou encore du maintien tel quel de la procédure d'expulsion administrative.

Un risque d'arbitraire

La CNCDH s'alarme par rapport au nouveau pouvoir, accordé aux maires, de refuser de valider les attestations d'accueil « si les conditions matérielles d'un hébergement normal ne sont pas remplies ». Le texte, indique l'avis, « laisse planer une incertitude sur ce que sont des conditions d'hébergement normales », livrant ainsi les demandeurs de l'attestation à un « risque d'arbitraire ». Le dispositif envisagé expose, en outre, également à un « risque de fichage des hébergeants ».

L'instance consultative critique, par ailleurs, la possibilité offerte de relever et mémoriser les empreintes digitales des ressortissants étrangers non communautaires qui sollicitent la délivrance d'un visa. Et craint ainsi que cette mesure ne s'applique de manière discriminatoire et que l'autorité consulaire puisse décider d'y recourir sans autre critère que sa seule volonté.

La commission exprime encore sa « très vive inquiétude » par rapport à l'extension de trois à cinq ans de la durée de résidence régulière sur le territoire français requise pour accéder à la carte de résident. Une disposition qui conduit, selon elle, « à précariser le statut d'étrangers qui ont vocation à demeurer en France et à constituer un frein à leur insertion ». De plus, le projet de loi, qui ajoute la notion de « conditions d'intégration dans la société française » dans les critères d'octroi de la carte de résident, « ouvre la porte à tous les arbitraires, sachant que l'on ne saurait définir lesdites conditions d'intégration comme l'assimilation à un mode de vie défini de manière intangible par les autorités publiques ». Même risque pour les personnes arrivées en France au titre du regroupement familial, soumises à une condition d'intégration identique pour la conversion de leur carte de séjour temporaire en carte de résident.

Des dispositions qui n'apparaissent pas justifiées

La CNCDH estime encore que les mesures destinées à faire obstacle aux mariages de complaisance - allongement de la durée de vie commune nécessaire pour avoir droit à la carte de résident, obligation pour le ressortissant étranger souhaitant contracter mariage de se rapprocher de la préfecture de son lieu de résidence pour régulariser son titre de séjour - sont inutiles ou injustifiées au regard d'un phénomène qu'elle juge de toute façon « marginal », faute d'informations disponibles (3). L'instance fustige de la même manière les dispositions visant à prévenir les reconnaissances de paternité de complaisance, « phénomène dont la commission aurait apprécié de connaître l'importance dès lors que c'est la première fois qu'elle le voit mentionné ».

Battue en brèche également : la prolongation de la durée de rétention, que le ministère de l'Intérieur motive par la nécessité d'aligner la France sur ses voisins européens. La CNCDH souligne ainsi que les travaux relatifs à l'harmonisation européenne des politiques d'éloignement des étrangers en situation irrégulière n'ont pas encore abouti. « La volonté de modifier sans délai la législation française sur la rétention du fait du contexte européen est donc dénuée de toute justification. » L'instance s'interroge, au-delà, sur l'utilité de la mesure, reprochant au ministère de n'apporter aucun élément probant indiquant que la durée de privation de liberté a une influence réelle sur la mise en œuvre effective de ces décisions.

Notes

(1)  Avis disponible sur le site : www.commission-droits-homme.fr.

(2)  Présenté en conseil des ministres le 30 avril dernier - Voir ASH n° 2309 du 2-05-03.

(3)  Le même jour, Nicolas Sarkozy faisait état, devant les sénateurs, d'une augmentation de « plus de 400 % » des acquisitions de nationalité par le mariage entre 1998 et 2002. « C'est bien qu'il y a une fraude », s'est justifié le ministre.

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