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AME : un projet de circulaire scandalise les associations

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 Un des texte s les plus agressivement xénophobes que la République ait jamais produit », selon Médecins sans frontières et le Syndicat de la médecine générale. « Une fois de plus, la dérive obsessionnelle de la fraude des pauvres conduit à des mesures contraires aux principes élémentaires de santé publique », s'indigne Médecins du monde...

Un nouveau bras de fer vient de s'engager entre le gouvernement et les associations à propos de l'aide médicale d'Etat  (AME).

Il y a deux mois, en butte à un front associatif uni, Jean-Pierre Raffarin renonçait à publier un décret d'application entérinant la suppression de la gratuité des soins pour une grande partie des titulaires de l'AME, votée par les parlementaires dans le cadre de la loi de finances rectificative 2002. Dans le même temps, était annoncée la publication prochaine d'une circulaire renforçant le contrôle des admissions dans le dispositif (1). C'est le projet de cette instruction aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) qui suscite à présent l'indignation des associations. Bien qu'il soit, selon l'entourage du ministre des Affaires sociales, loin d'être encore finalisé.

S'appuyant sur un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) - dont il reprend de nombreuses recommandations -, ce texte prend pour cible, en premier lieu, les déclarations sur l'honneur, dont la généralisation constitue l' « un des principaux dysfonctionnements responsables de dépenses injustifiées »   (2). Selon l'IGAS, elles sont par exemple utilisées dans quatre dossiers sur dix pour la résidence en France et de façon quasi systématique pour les ressources. Ce « système presque totalement déclaratif » apparaît comme « un cas unique dans l'accès aux prestations sociales », déplore le projet de circulaire, insistant pour que le recours à ces déclarations demeure « exceptionnel » et qu'elles soient prises en compte « uniquement lorsqu'elles sont accompagnées d'indications précises de l'intéressé sur les circonstances de sa présence en France et sur ses moyens d'existence ».

Un « travail méthodique d'investigation »

De fait, de nombreuses annexes fixent les règles de l'instruction des dossiers et rappellent les « justifications attendues des demandeurs en matière d'identité, de domicile, de résidence sur le territoire et de ressources ». Et elles insistent sur le nécessaire « travail méthodique d'investigation des faits et d'interrogation de l'intéressé ». Pour Médecins sans frontières et le Syndicat de la médecine générale, il est tout simplement « exigé des agents des CPAM qu'ils s'acharnent méthodiquement à obtenir des preuves impossibles à fournir comme celle d'un séjour clandestin ou les justificatifs d'une absence de ressources ». Médecins du monde renchérit en parlant de « contrôle irréaliste et inquisiteur de s ressources financières des étrangers en situation irrégulière ».

Ces trois organisations se rejoignent également pour dénoncer la prise en compte, dans les ressources, de l'aide en nature - hébergement, nourriture... -apportée par l'entourage. « Par exemple, si [le demandeur] est hébergé par une personne elle-même locataire, on peut retenir, au titre de l'hébergement gratuit, la moitié du loyer indiqué sur la quittance produite en pièce justificative ; au titre de la nourriture et de l'entretien, une somme calculée par référence au montant du forfait journalier : 10,67  € par jour, soit environ 320  € par mois », précise le projet. Cette valorisation « crée artificiellement des ressources financières dépassant le seuil d'obtention de l'AME » (562  € pour une personne seule), déplore Médecins du monde.

Parmi les autres griefs, figure la suppression de la possibilité d'ouverture des droits par la CPAM dans les permanences qu'elle détache dans les hôpitaux et dans les associations. « Alors même que ce dispositif avait été mis en place parce que c'est là que les plus précaires se rendent lorsqu'ils sont malades », souligne Médecins du monde. Désormais, selon le projet, les demandeurs devront aller dans les caisses, où d'ailleurs ils ne pourront généralement pas obtenir une admission immédiate (3). Un second rendez-vous sera indispensable pour l'examen des justificatifs.

Un tel projet, s'il devait demeurer en l'état, signifierait « la suppression de tout accès aux soins pour les personnes étrangères résidant en France sans titre de séjour », estiment Médecins sans frontières et le Syndicat de la médecine générale, qui en appellent à la direction nationale des caisses d'assurance maladie, à l'ensemble des directeurs de caisses primaires et au personnel administratif et social des hôpitaux « afin qu'ils affirment haut et fort qu'il n'entre pas dans leur mission de service public d'organiser la chasse à l'homme ». Quant au Syndicat national des médecins de PMI, il regrette que ces mesures « prennent une dimension idéologique qui vient flatter un discours d'exclusion »  :la justification économique avancée par les pouvoirs publics lui apparaît « purement fantaisiste », l'AME ne représentant que 0,17 % des dépenses d'assurance maladie.

C. G.

Notes

(1)  Voir ASH n° 2303 du 21-03-03.

(2)  Le rapport de l'IGAS pointe la forte augmentation des dépenses liées à l'AME : 113,6 millions d'euros en 2000 et 283,2 millions d'euros pour les trois premiers trimestres de 2002. Quant aux 233 millions d'euros inscrits dans le budget pour 2003, les prévisions indiquent, selon les inspecteurs, qu'ils ne seront pas suffisants. Le nombre de bénéficiaires, quant à lui, est passé de 72 600 à la fin décembre 2000 à 153 600 fin septembre 2002, soit un doublement en 21 mois.

(3)  L'admission immédiate, explique le texte, doit devenir exceptionnelle, même en cas d'urgence médicale. Ce qui n'empêche pas, précise-t-il, les personnes d'être soignées immédiatement, les établissements hospitaliers pouvant bénéficier d'une prise en charge rétroactive des soins par la CPAM à compter de la date de leur délivrance.

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