Recevoir la newsletter

Prestation de service : un concept ambigu

Article réservé aux abonnés

A trop parler de prestation de service, on risque d'oublier la relation d'aide propre au secteur social, écrit Hassan Tber (1), chef de service dans un foyer d'hébergement, dans une lettre adressée aux ASH.

«  “Mal nommer les choses, disait Albert Camus, c'est ajouter au malheur du monde”. Dans le languissant débat sur la loi du 2 janvier 2002, il n'est “répétition” que sur un point : la prestation de service.

« Si on a quelques raisons de se féliciter de l'existence de cette loi du 2 janvier 2002 qui est la marque du progrès, on peut s'étonner de la relative indifférence des professionnels du social qui accompagne ses dégâts collatéraux, car le prix à payer est trop cher. Tout changement dans le service rendu à l'usager provoqué par la loi peut être vu sous deux aspects en apparence opposés : selon que l'on considère ses “invariantes”, ses facteurs de maintien, sa continuité, ou à l'inverse, ses forces de transformation. Sur ses changements structurels il est possible d'en construire des images fort différentes et, pour une part, les unes et les autres infidèles. Ces manières d'envisager le service au profit de l'usager, dans leur expression extrême, peuvent rapprocher le travail social (service) de sa tradition ou, au contraire, des processus qui déterminent ses modifications, et provoquent, à terme, une révolution ou une mutation.

« La volonté d'importer, lors de ces changements, des facteurs marchands, des modèles tels que l'usager client, est un peu trop systématique. Les changements ne se réalisent pas d'un coup de baguette magique et peuvent déboucher sur des déboires. Mieux vaut donc s'entourer de précautions, ne pas ranger le travail social dans la conceptualisation “rassurante” de la relation de service de type marchand, comme la vente et la réparation d'un ordinateur, d'une machine à laver ou d'une cuisinière. Ils incluent de plus en plus de service : qualité, service après-vente.

« Il est exact que ceci nécessite une capacité relationnelle d'écoute et de compréhension des problèmes du client, de conseil, d'élaboration du diagnostic… dans le secteur marchand. Il est exact aussi que le travailleur social écoute les problèmes de l'usager et s'emploie à l'aider à les résoudre. Ce qui est une source d'angoisse quand on examine de près chacun de ces services, c'est de voir la similitude de définition de la prestation de service dans le secteur marchand et le travail social dans le contexte de la relation de service. Cela autorise à dire quelques vérités absolues quand on travaille avec l'humain.

« Ce qui est grave et menace à long terme notre métier : on finit par oublier le travail essentiel à force de vouloir s'inspirer du secteur marchand en matière de prestation de service. Le travail social a affaire à des sujets en souffrance, en difficulté, à des personnes handicapées, là est son objet, sa matière première. Il est regrettable que l'aspect d'obscure querelle sémantique lors de ses mutations occulte l'essentiel, qui peut se résumer en trois évidences sur lesquelles un consensus est possible.

« Premièrement, dans la relation de service, il est toujours question d'une intervention sur l'individu, aucune argu- tie ne convaincra personne du contraire. Deuxièmement, I'intervention sur le groupe, la communauté, le quartier, le territoire. Troisièmement, dans la relation de service à l'usager, un autre aspect s'ajoute : l'usager est “en difficulté”.

« S'ouvre ici l'espace indéfini des dénominations de l'objet pour désigner, précisément, ce qui manque à l'objet et qui justifie le service à l'usager comme le soulignent Autès et Deleval. “Cette production de sens sur l'objet, affirment-ils, fait partie du service rendu à l'usager.” Nommer la limite, dire la marge, expliquer la rupture, font partie de ce service...

« De quel service l'intervention sociale doit-elle se saisir, sinon de celui de type social centré sur l'usager et la cohésion sociale ? Quel regard sur ces schémas de la relation de service dans ses dimensions centrées sur l'usager ? C'est par là que le travail social rédigera les mutations dans les services rendus à l'usager afin de mieux nommer les choses. Notre profession le veut-elle ? »

Notes

(1)  Hassan Tber :139, avenue Georges-Maréchal - 58470 Saincaize Meauce - Tél. 03 86 21 01 12.

LE SOCIAL EN ACTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur