Choisy-le-Roi, Vitry-sur-Seine, Achères, Saint-Denis, Montreuil ou encore Saint-Michel-sur-Orge, le 10 mai dernier... La Ligue des droits de l'Homme et Médecins du monde (1) ont dénoncé, le 12 mai, la multiplication en Ile-de- France, depuis le mois de septembre, des expulsions de Roms des terrains sur lesquels ils se sont installés. D'après leurs estimations, ce sont près de 1 500 personnes qui ont été évacuées - sans solution de relogement - de leurs lieux de vie, entre 100 et 120 placées en centre de rétention et remises en liberté depuis, et une trentaine renvoyées en Roumanie. Plus fréquentes, les expulsions s'effectuent également « dans des conditions de plus en plus violentes », constatent les organisations, qui font état d'arrestations collectives, de fouilles généralisées y compris des enfants et des berceaux, de destructions de biens personnels, d'interpellations d'enfants à l'école, de placement en centre de rétention de familles entières... Avec, pour conséquences, des traumatismes psychologiques- notamment pour les plus jeunes -, la perte des repères due à la dispersion des familles, l'arrêt brutal de la scolarité et des démarches d'alphabétisation, l'impossibilité de suivre des soins...
Parallèlement, les arrêtés de reconduite à la frontière se multiplient, « sans examen approfondi des situations individuelles, malgré des séjours anciens en France », déplorent les associations. Nouveauté depuis quelques mois, ils sont pris pour « insuffisance de ressources ». Les Roms peuvent en effet rentrer pour trois mois dans l'espace Schengen sans visa, à condition d'avoir sur eux la somme suffisante pour vivre pendant cette période, soit environ 500 €. Par un système d'entraide, ils réussissent à présenter cette somme aux frontières. Mais après, sans ressources et sans droit au travail, le moindre contrôle policier les rend passibles d'une expulsion. « On est en plein délit de pauvreté », s'insurge Claude Moncorgé, président de Médecins du monde.
« Il s'agit de persécutions systématiques de personnes qui ne quittent pas leur pays par simple plaisir mais parce qu'elles y sont victimes de graves discriminations », rappelle pourtant Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l'Homme. Les deux associations évoquent le véritable « apartheid » qui, en Roumanie, vise les deux millions de Roms, dont l'accès au travail, aux soins, aux loisirs, à la scolarisation, aux documents d'état civil est souvent entravé. Dans certains lieux publics, la mention « Interdit aux Roms » est même clairement affichée... Cette situation vient d'ailleurs illustrer les raisons pour lesquelles les deux associations demandent l'abandon de la notion de « pays d'origine sûr » permettant de refuser l'asile contenue dans le projet de loi présenté par le gouvernement le 15 avril (2). « Nous ne voulons pas d'une liste arbitrairement dressée par l'Union européenne, comme si les démocraties étaient parfaites, comme s'il n'existait pas de minorité ! », s'indigne Michel Tubiana. Médecins du monde et la Fédération internationale des droits de l'Homme ont d'ailleurs décidé d'envoyer en juillet une mission conjointe pour enquêter sur les conditions de vie des familles de Roms renvoyées en Roumanie. Elles espèrent ainsi réunir des faits concrets permettant, au minimum, de rayer cet Etat de la liste des « pays sûrs » pour les Roms.
Dans l'immédiat, en France, les associations demandent notamment l'arrêt des expulsions des terrains sans solution d'hébergement décente et pérenne, ainsi qu'un accès effectif à la couverture maladie universelle ou à l'aide médicale d'Etat - « en particulier en obligeant les centres communaux d'action sociale à appliquer la loi qui stipule qu'ils doivent délivrer les domiciliations » - et la scolarisation de tous les enfants - « sans délai et sans clause de durée prévisible de présence », les situations dans ce domaine variant d'une commune à l'autre. Autre amélioration souhaitée : la mise en place à l'échelon départemental d'une mission de travail social spécialisée.
(1) LDH : 138, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 56 55 51 00. Médecins du monde : 62, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 44 92 15 15.
(2) Voir ASH n° 2307 du 18-04-03.