Recevoir la newsletter

Un lieu pour déposer ses mots et ses maux

Article réservé aux abonnés

A la Roche-sur-Yon en Vendée, le Relais départemental accueil jeunes reçoit des parents de plus en plus souvent, mais surtout des adolescents et des jeunes majeurs. Il peut aussi proposer un hébergement d'urgence afin de prendre le temps d'écouter et de bien passer le relais.

Pur hasard, sans doute. Cette rue qui descend de l'une des places centrales de la ville s'appelle la rue du Passage. C'est là, à mi-pente, et à deux pas du lieu où se rassemblent les jeunes, que le Relais départemental accueil jeunes (RDAJ)   (1) a choisi d'établir ses nouveaux quartiers, voici pres- que deux ans. Derrière une grande vitrine ornée de dessins d'artiste, l'équipe reçoit l'après-midi et le samedi matin dans un espace assez chaleureux : un coin accueil où sont mises à disposition des brochures d'information, un espace convivialité où l'on peut discuter autour d'un café, des murs abricot, trois ou quatre fauteuils dans le bureau où se déroulent des entretiens. Un chef de service et quatre intervenants, éducateurs spécialisés ou animateurs, mettent en œuvre des actions de prévention et d'insertion, mènent un travail auprès des parents, assurent un hébergement d'urgence et un soutien téléphonique. « Toutes ces actions ont pour dénominateur commun l'adolescent, trait d'union chaotique entre l'enfance et l'âge adulte », résume Hervé Chaigne, l'un des intervenants, animateur de formation.

A la Roche-sur-Yon, l'existence de ce point d'accueil et d'écoute jeunes remonte à 1986 (voir encadré ci-contre). Il est le fruit de la mobilisation d'associations, de travailleurs sociaux, de militants des quartiers, désireux d'agir face à la galère des jeunes. Mais le projet dévie peu à peu de sa vocation initiale et le relais finit par fermer. L'association « Les lauriers », déjà partie prenante de la première expérience, décide de reprendre le projet. Elle gère deux foyers socio- éducatifs et a pour « souci d'agir en amont des placements, dans le champ de la prévention ».

Aujourd'hui, les missions du relais sont définies par deux conventions entre l'association, le conseil gé-néral de la Vendée et la ville de La Roche-sur-Yon pour l'une, et l'Etat pour l'autre. La structure s'adresse à des adolescents et jeunes majeurs de 12 à 21 ans, souvent en situation de crise.

D'année en année, les demandes sont plus nombreuses : en 2002, le relais a été sollicité pour 325 situations, soit une augmentation de 25 % par rapport à 2000 et 50 % par rapport à 1999. En tout, 280 jeunes ont poussé la porte. Des publics souvent en rupture, en situation de passage à l'acte (fugue, errance, etc.), dont un peu moins de un sur deux ne vit pas dans sa famille. Les 17-18 ans constituent la tranche d'âge la plus importante. D'une façon générale, les mineurs sont de plus en plus nombreux. Ils représentent un investissement conséquent pour l'équipe : par le temps qui leur est consacré, par l'intensité des situations et le travail mené avec leurs familles.

Parmi les difficultés évoquées au premier contact par le jeune, figurent, à égalité avec les difficultés familiales, les problèmes matériels, en particulier le logement. Les intervenants y répondent par des aides matérielles ou financières : aide alimentaire, mais aussi paiement d'une ou de plusieurs nuits d'hébergement. « On n'installe pas les jeunes, précise Mélanie Lippens, éducatrice spécialisée. C'est juste l'accro- che qui permet de construire. On les pose, on leur donne la possibilité d'entamer des démarches, on les aide à créer une dynamique. » Ces aides ne sont que des supports, une remise à l'étrier pour entrer en relation et faire comprendre au bénéficiaire sa situation, avant le passage de relais vers la famille, le soin, l'insertion, parfois la justice. « Il est difficile de faire accepter à des jeunes qui vivent dans l'immédiateté qu'il faut des étapes pour accéder à quelque chose, observe Céline Remaud, chargée de l'accueil et des interventions extérieures. Notre travail est d'arriver à leur faire reprendre les marches de l'escalier pour qu'ils arrivent finalement en haut. »

LES POINTS D'ACCUEIL ET D'ÉCOUTE JEUNES

Destinés aux jeunes de 10 à 25 ans, puis étendus à leurs parents, les points d'accueil écoute jeunes (PAEJ) sont nés officiellement en 1996 alors que différentes expériences de terrain avaient déjà montré le chemin. Face au constat d'une multiplication des manifestations d'un mal-être des jeunes (conduites à risque, violences, suicide, errance, etc.), il fallait créer des lieux pour accueillir et écouter ces publics en difficulté sociale, psychologique, scolaire ou familiale. Objectif :prévenir les conduites à risque, « qu'il s'agisse du risque de désocialisation ou de risques pour la santé »   (2) . Chaque PAEJ définit le public qui sera prioritairement concerné, mais aussi son périmètre d'intervention : tel point d'accueil sera ainsi plus ou moins centré sur le soin ou la prévention des toxicomanies. Situées dans le champ de la prévention, ces structures ont un rôle de proximité : accueillir, écouter et soutenir aussi bien les jeunes que leurs parents puisque l'accompagnement parental et la médiation parents-enfants font également partie de leurs attributions.

Ce n'est que plus tard, après un ou plusieurs entretiens individuels, qu'émergent d'autres problématiques, parmi lesquelles les questions de maltraitance restent fortes. Outre les modes d'accueils plus classiques (entretiens individuels, accueil convivial, médiation, écoute téléphonique...), le relais dispose - c'est l'une de ses particularités - d'un autre outil :l'hébergement d'urgence. Si le recours à ce type d'accueil reste minoritaire (24 nuits en 2001 concernaient 13 mineurs et un majeur), il représente une part importante - et intense - du travail des intervenants. Les lieux ont d'ailleurs été conçus en fonction de cet aspect du projet. A l'étage de cette grande maison, à côté des deux pièces réservées aux rencontres ou aux travaux administratifs, on trouve une cuisine et une chambre destinée à l'intervenant de nuit. Au dessus, deux chambres peuvent accueillir quatre jeunes.

Se donner le temps de comprendre

Pour pouvoir héberger un mineur le temps nécessaire à l'évaluation de sa situation, la structure bénéficie d'une franchise de 24 heures. « C'est un accord tacite : on se donne un peu de temps, celui de bien comprendre la situation avant de prévenir la famille ou la justice. Ce qui est toujours fait, bien sûr, en cas de maltraitance ou de danger. » Ensuite, le jeune peut rester trois jours au maximum, avant un retour en famille ou un placement. Pour Karine Manach, substitut du procureur de la République de la Roche-sur-Yon, la structure, avec laquelle une relation de confiance s'est établie, « est l'un des filtres indispensables pour que la justice soit uniquement destinataire des situations qui méritent son intervention. On évite ainsi la surcharge. Grâce au travail de prévention, la société fait jouer tous les ressorts qui permettent d'éviter la judiciarisation. »

Ces situations où il est fait appel au juge, peu nombreuses, sont les seules où l'anonymat et la confidentialité ne sont pas respectés. Sinon ces principes sont absolus, y compris vis-à-vis des professionnels d'autres structures. Ainsi, le relais ne participe pas aux rencontres mensuelles des associations de l'urgence du département, car « on y évoque des situations de jeunes ». « En général, remarque Hervé Chaigne, disposer en amont d'informations sur un public qu'on va voir arriver au relais fausse les cartes. »

Autre principe, celui d'une coopération avec le jeune, à toutes les étapes du travail. L'équipe est fermement attachée à la libre adhésion. « De toute façon, observe Mélanie Lippens, si le jeune n'adhère pas au projet, il le met en échec. Alors oui, on connaît quand même des échecs, oui parfois le jeune craque et repart sans prévenir, oui c'est frustrant... Mais la libre adhésion, c'est la force de notre travail et ce qui nous différencie. » « On explique toujours au jeune comment on peut cheminer ensemble, ajoute Hervé Chaigne. On n'entre véritablement dans un travail que lorsque le jeune formule une demande. Il faut absolument qu'il soit acteur de son projet. »

Ainsi, c'est avec son accord que se déroulent les rencontres avec sa famille. Pour les professionnels du relais, il est en effet fondamental de relier le jeune avec elle. Il s'agit de restaurer des liens, redonner sa place à chacun, de transformer la crise en communication, d'accompagner par la médiation... Le travail se fait en binôme, que ce soit en famille ou avec le jeune seul : « Selon nos disponibilités, nous essayons de travailler à deux le plus systématiquement possible, explique Mélanie . L'un anime la discussion, l'autre plus observateur va saisir au vol une expression, un rictus qui va permettre de rebondir et d'aller plus loin. » L'équipe - jeune et visiblement soudée -bénéficie en outre de l'intervention régulière d'une thérapeute systémique. Utile pour évoquer des situations préoccupantes ou des moments difficiles - les actes de violence sont extrêmement rares au sein du relais, mais un jour, l'une des vitrines a volé en éclats - et prendre du recul. Utile, également, pour faire face à l'accueil d'un public de plus en plus nombreux.

Pour répondre à ces sollicitations, le relais souffre, comme d'autres, d'un budget qui n'est pas pérenne. Il manque de moyens pour réaliser la deuxième tran-che des travaux d'aménagement du bâtiment, ou même pour permettre à l'équipe de faire face sans s'user. « L'effort consenti par nos financeurs n'est plus à la hauteur des besoins, regrette Marie-France Gilbert, chef de service. La structure est réduite à son strict minimum pour fonctionner. Nous n'avons pas la prétention d'être les seuls à pouvoir agir. Mais nous devons pouvoir le faire dans de bonnes conditions. »

Le relais a pourtant des projets : développer le travail de prévention sur tout le département et, pourquoi pas, ouvrir une annexe. Mais surtout créer « un poste spécialisé pour travailler en réseau ». C'est Céline Remaud qui, depuis presque cinq ans, assure ce travail. Elle anime des rencontres à thème (violence, rapports parents/enfants...) à la demande de groupes de jeunes, d'établissements scolaires ou d'associations. Lui revient également tout le travail de communication extérieure et de renforcement du partenariat.

Son contrat emploi-jeunes arrive à échéance en juin et, pour l'instant, sa pérennisation n'est pas assurée. « Ce travail d'explication n'est pourtant pas anodin. Quand on sait qu'une grande vigilance est nécessaire pour ne pas répondre aux défaillances institutionnelles en accueillant des jeunes dont telle ou telle structure ne sait pas quoi faire, on s'en protège en vérifiant toujours la demande du jeune et en s'assurant qu'il a bien cette volonté de venir chez nous », explique Céline Remaud. « Cette structure vient plus souvent éponger les manques qu'en retirer les bénéfices, renchérit Christine Beaupain, directrice de l'association « Les lauriers ». Mais elle évite les placements, permet de désamorcer, par la médiation en particulier, des situations de fuite en avant qui pourraient devenir dramatiques. C'est un point d'arrêt où l'on vient déposer ses mots et ses maux. C'est un précieux outil de prévention. »

Sandrine Pageau

Notes

(1)  Relais départemental accueil jeunes : 6, rue du Passage - 85000 La Roche-sur-Yon - Tél. 02 51 46 29 30.

(2)  Circulaire DGS-DGAS n° 2002/145 du 12 mars 2002 relative à la mise en œuvre d'un dispositif unifié des points d'accueil et d'écoute jeunes.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur