La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) a, dans un avis rendu le 24 avril (1), procédé à une véritable attaque en règle du projet de loi réformant le droit d'asile, présenté une semaine plus tôt en conseil des ministres par Dominique de Villepin (2). Bien que saluant, sur le principe, « quelques avancées par rapport au droit existant » - ouverture de la protection internationale à ceux qui craignent des persécutions de la part d'autorités non étatiques, remplacement de l'asile territorial par le régime de protection subsidiaire et unification des procédures -, les membres de la commission adoptent en effet une position de fond très négative sur un texte qui, à leurs yeux, affecte « à maints égards gravement le droit d'asile ».
Sur le plan de la philosophie générale tout d'abord, la commission déplore « l'appréhension réductrice du droit d'asile retenue par le projet de loi » et reproche au gouvernement d'adopter « une approche purement quantitative et économique » pour justifier la réforme. Ainsi, elle ne peut admettre que la question de l'asile soit ramenée à un problème de gestion de flux ou de réduction des coûts, alors « qu'est ici en cause l'exercice d'un droit fondamental ».
Sur le fond, l'instance s'interroge sur le bien-fondé d'un certain nombre de dispositions. Première source de critiques : la protection subsidiaire, destinée aux étrangers exposés à un risque grave dans leur pays mais ne pouvant prétendre au statut de réfugié au titre de la convention de Genève. Si la Commission nationale consultative des droits de l'Homme applaudit à la disparition de l'asile territorial - qui relève de la compétence discrétionnaire du ministère de l'Intérieur - au profit de la nouvelle procédure - confiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) -, elle dénonce en revanche le caractère « précaire » du statut de son futur bénéficiaire. Et pointe le fait que la protection subsidiaire ne serait octroyée que pour un an et serait susceptible d'être retirée à tout moment, notamment pour des raisons d'ordre public.
L'instance « s'étonne » par ailleurs du choix du gouvernement de présenter « un projet de réforme du droit d'asile qui introduit des notions restrictives de ce droit ». Première visée : la notion d'asile interne, qui permettrait à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de rejeter la demande d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine. Une disposition qui, pour la commission, « viole » la définition du réfugié donnée par la convention de Genève et est contraire à la Constitution en ce qu'elle limite le champ de l'asile constitutionnel. Fustigée également, la notion de pays d'origine sûr, qui permettrait d'appliquer une procédure plus rapide aux demandeurs ressortissants de pays considérés comme stables. Là encore, la commission considère que la disposition, d'une part, n'est pas compatible avec la définition du réfugié donnée par la convention de Genève « qui n'autorise aucunement la prise en compte de la nature du pays, sûr ou non sûr », et qu'elle contrevient, d'autre part, à la Constitution, en faisant notamment « dépendre la portée d'un droit constitutionnel d'une décision européenne qui pourra être prise sans l'accord de la France » (3).
La commission « conteste » encore l'élargissement, proposé dans le projet de loi, de la définition des autorités susceptibles d'offrir une protection dans les pays d'origine aux partis ou organisations « contrôlant l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat ». Une disposition qui permettrait à l'OFPRA de refuser certaines demandes et que la commission considère contraire à la convention de Genève, en vertu de laquelle « seuls les Etats internationalement reconnus peuvent offrir une protection effective à leurs ressortissants ».
Au-delà, la CNCDH regrette que le gouvernement ait préféré renforcer la présence des ministères « au détriment du Haut Commissariat pour les réfugiés » (HCR) au sein des institutions compétentes en matière d'asile.
(1) Avis disponible sur le site :
(2) Voir ASH n° 2307 du 18-04-03.
(3) Le soin d'établir la liste des pays dits sûrs est laissé aux instances européennes.