A l'heure où la surpopulation carcérale atteint un taux record, la majorité mesure l'urgence de revenir à des peines alternatives à l'incarcération. Le député (UMP) Jean-Luc Warsmann a ainsi remis le 28 avril au ministre de la Justice, Dominique Perben, un rapport dans lequel il préconise de « redonner de la crédibilité et de l'effectivité » aux sanctions non privatives de liberté (1). Car aujourd'hui, selon lui, « il est incontestable que les magistrats se détournent de ces mesures, n'ayant plus confiance dans leur application ». Et préfèrent ainsi, en correctionnelle, recourir à la prison ferme plutôt qu'à un travail d'intérêt général ou un sursis avec mise à l'épreuve, dont l'application est « défaillante ».
Principal écueil identifié : les retards entre la décision pénale et son exécution, évalués à sept mois en moyenne. Pour y remédier, Jean-Luc Warsmann plaide pour une application en temps réel des décisions de justice. Il propose ainsi de convoquer les prévenus dès l'audience auprès du service chargé de mettre en place le travail d'intérêt général (TIG) ou le sursis avec mise à l'épreuve, en leur spécifiant immédiatement les obligations auxquelles ils sont soumis. Dans le même esprit, parce que le délai de paiement d'une amende délictuelle est environ de 10 à 12 mois, il suggère d'offrir au contrevenant une réduction de 30 % en cas de paiement spontané et rapide dans les trois jours. Le député voudrait également simplifier l'utilisation des jours-amende, une peine qui permet au condamné de rester libre tout en payant une certaine somme par jour.
Plus généralement et au-delà des problèmes de rapidité d'exécution, le rapport invite le gouvernement à lancer un programme national de relance du travail d'intérêt général, en très net recul depuis cinq ans. Concrètement, cela reviendrait à « accroître quantitativement et qualitativement l'offre de TIG ». Et à mobiliser élus et « grands mouvements associatifs ».
Le député s'est également intéressé aux courtes peines (moins de un an de prison), pour constater qu'elles sont, là encore, exécutées trop tardivement. En outre, la quasi-totalité sont effectuées en maison d'arrêt, ce qui n'est pas toujours la solution la mieux adaptée : le condamné qui avait un travail le perd et tombe dans « l'oisiveté ». De plus, c'est la forme la plus coûteuse de détention : environ 60 € par jour, là où le placement en semi-liberté coûte de 20 € à 30 € et la surveillance électronique 22 €. Ces deux dernières formules permettent à l'intéressé de conserver une activité professionnelle. D'où la nécessité, selon le rapport, de favoriser le prononcé de ce type de décision. Il propose encore de permettre aux tribunaux de décider des modalités d'exécution de chaque courte peine, plutôt que de reporter cette décision à un aménagement ultérieur. Et préconise enfin la réalisation d'un plan de 5 000 places de semi-liberté, qui viendraient s'ajouter aux 3 000 bracelets électroniques que la chancellerie prévoit d'ici à 2005.
Toujours dans l'idée de faciliter la réinsertion, le rapport suggère enfin que les trois derniers mois d'incarcération pour les peines correctionnelles de six mois à deux ans (ou les six derniers mois pour les peines de deux à cinq ans) soient exécutés en régime de semi-liberté ou sous surveillance électronique. « Il faut réduire le nombre de sorties sèches, qui n'ont jamais été aussi élevées, afin de lutter contre la récidive », a expliqué le député.
Le garde des Sceaux a indiqué, lors d'une conférence de presse, qu'il acceptait « d'entrée de jeu » plusieurs propositions du rapport Warsmann, en particulier la possibilité d'avoir recours « tout de suite » après la condamnation au bracelet électronique ou au placement en semi-liberté pour les condamnés à des courtes peines. Le ministre s'est également déclaré favorable à une « promotion » des travaux d'intérêt général et plus globalement à un développement des mesures alternatives à la prison... tout en restant vague sur le coût de ces mesures et leurs modalités d'application. Le projet de loi sur la grande criminalité, qui doit être présentée en mai à l'Assemblée nationale, pourrait servir de « véhicule législatif » à certaines propositions, a-t-il simplement indiqué. S'exprimant le lendemain devant les députés, il a encore promis d'inciter davantage les tribunaux à utiliser la semi-liberté comme première condamnation.
(1) Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison - Rapport de la mission parlementaire auprès de Dominique Perben confiée à Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes- 28 avril 2003.